L’Estat de L’Eglise du Périgord depuis
le christianisme,
(2ème volume)
par le R.P. Jean Dupuy, Récollect
A Périgueux,
par Pierre & Jean Dalvy Imprimeurs
& marchands libraire, 1629,
avec approbation.
Table des matières.
Arnaldus Vitabrensis, Evesque.
Guillaume, Duc d’Aquitaine.
Le Successeur de Rodolphus (en marge: L’an de Jesus-Christ 1014) fut Arnaud de Vitabre, qui la mesme année receut la chaire du
Perigord (en marge: Chenu. Gal. Chri. Ma.
sc.), & fut sacré Evesque à S. Benoist de Nantueil (en marge: son sacre) par Seguin jadis
Moyne, & pour lors Archevesque de Bourdeaux, avec d’autres Evesques. Estant
promeu à l’Episcopat il se rendit reccommendable & pour la paix & pour
la guerre, pour le spirituel & temporel. l’Année d’après son ordination il
fut convoqué à la consecration de l’Eglise du Monastere d’Userche (en marge:
Eglise consacrée), qui fut consacrée par Guillaume Duret, Evesque de
Lymoges, où il faut remarquer que desja les Chrestiens, suyvant l’ancienne
religion, pour les dédicaces des Eglises, avoient acoustumé de faire un grand
convoy, pour rendre l’action plus magnifique (en marge: Magnificenses). Baronius (en marge: Baro. an. 393, Ex Sozon. lib. 8 c. 17) l’observe mesme
dés l’an 393 ce qui ne
se faisoit sans une grande despence (en
marge: Et Greg. mag. ep. 54; vid. conc. Aurel.), mesmes avec dons, & liberalités
generales,
envers les pauvres. La solemnité presente fut faicte à la faveur
de la paix, dont l’Eglise jouyssoit en Aquitaine (en marge: 1017 Heretiques), laquelle
― Page 2 ―
neantmoins l’ennemy vouloit
desja troubler, y envoyant quelques
hérétiques (en marge: Ex frag. hist.
aquit. ex Pit. ma. sc.), où plustost Epicuriens, environ l’an 1017
pour estre avancoureurs de la doctrine des Petrobrusiens
& Albigeois qui quelque temps apres infesterent plusieurs quartiers du
Perigord, comme nous dirons.
Guillaume 6. Duc d’Aquitaine mourut l’An 1025 (en marge: Guido 7. Duc daq.) son frere
Guy succeda (en marge: 1025), &
se rendit recommendable en son zele, lors qu’une partie du chef de Sainct Jehan
Baptiste, praecurseur de Jesus-Chrift, fust trouvée au monastere d’Angeraye, où
Angery, dans un cercueil de pierre (en
marge: La teste Sainct Jean Baptis.): car il convoqua de toute l’Aquitaine
tous les ordres religieux pour venir honnorer ce Sacré reliquaire, auquel lieu
non seulement les Aquitaniens vindrent par devotion: mais encore les peuples de
France, de Bourgongne, de Bretaigne, de Lombardie (en marge: Extat. post vit. Rober. in apend. ad glab.), & quod etiam magis videtur,
omnes congregationes sermorum Dei ex Aquitania cum sanctorum corporibus &
reliquiis, & apparatu ecclesiastico psallentes processerunt ad memoriam
sancti praecursorum Christi dict un fragment
de l’histoire d’Aquitaine (en marge:
Processions). Il ne faut poinct doubter qu’il n’y faille comprendre les
communautes religieuses du Périgord à cause du voisinage (en marge: Bar. hoc anno; Dupl. to. 2 p. 35), quoy qu’ils n’y
pareussent avec la magnificence des moines de S. Martial de
Lymoges.
Je
crois aussy qu’a ce temps le comte de Perigord Gérard estoit mort (en marge: Corl. chron. eng. Meynard arr; li.
9), son fils aisné Elie luy succede à la charge (en marge: Crime Sacrilege), & pleust a Dieu qu’il eut
― Page 3 ―
hérité
lintegrité de son pere (en marge: Elie
Com. de Per.): car au contraire il se treuve coulpable d’un crime tres
noir. Cest que Ebles Evesque de Lymoges frere, où selon Guydonis oncle de
Guillaume Duc d’Aquitaine (en marge:
Guido in tab. ep. Lemov.), estant desja cassé de viellesse, nomma pour
Evesque & son coadjuteur Benoist, qu’il avoit eslevé des son bas aage, à ce
qu’il eut ladministration de l’Evesché, auquel il luy succederoit apres sa
mort. Elie ne pouvant supporter qu’un sien ennemy fust eslevé à cette dignité,
luy dresse une embuscade, le prent & le tenant en prison luy creve le yeux,
le relaschant apres telle cruauté. Duquel forfait Ebles eut eu reparation,
poursuivant le Comte criminelement (en marge:
Annal. du Bou. 3 p. c. 1); mais bien tost apres il mourut en l’abbaye de S.
Michel en lair; le Comte peu après bourrellé de la synderese, se resolut pour
expiation de son crime sen aller à Rome demender au S. Pere labsolution de son
peché (en marge: Penitence); &
lors qu’il y alloit en habit de pénitent, il mourut par les chemins (en marge: Ma. sc. S. Anth.). Dautre part
il fit battre dans la ville certaine monoye nommée, Helianensis, laquelle après sa mort causa beacoup de troubles
& fut descriée par l’Evesque comme nous verrons. Dans la mesme Année 1025
soubz le regne de Robert Roy de France (en
marge: 1025) l’abbaye de Tourtoyrac en Perigord fust fondée par Guido Vicomte
de Lymoges & Imma sa femme (en marge:
Abbatia Tortoyracensis fundatur Anno 1025), en consideration d’un de leurs
enfans Richard qui fut le premier Abbé de ce lieu, ses freres Ademarus avec
Senegundis sa femme; & Pierre avec Sulpi-
― Page 4 ―
cia sa femme, contribuerent
notablement à ceste saincte action pour honorer l’Ordre de
S. Benoist, auquel lieu plusieurs bons Religieux randirent leurs voeus (en marge: Ma. Sc. Cartul. dioeces. Petroch.).
L’ancien Cartulaire du Dioceze nous marque, que jadis il y avoit les Offices suivens,
le Prieur claustral , le Sacrestain, le Camarier & 34 Moynes,
Stephanus fut le seçond Abbé, toutes aultres memoires sont perdues dans les
ruines generales du catholicisme.
Revenons à l’Evesque Arnaldus lequel, à ce que je crois,
nous trouverons à Lymoges, à lassemblée des Evesques convoqués pour
leslevation du Corps de S. Martial, & la consecration de l’Eglise S.
Estiene (en marge: Sacre d’Eglise), l’An 1018 au moys d’Aoust, au
rapport de Gaufredy, & comme portent les actes de
ceste assemblée où concile: je dis avec beaucoup de probalité
(sic) que nostre
Evesque y assista pour lors, puis que la mesme année au
moys de Novembre nous le trouverons dans la solennité faite
pour l’Eglise
royale de S. Sauveur, bastie par Pepin, comme il appert par l’inscription
du sacre,
portant le nom
d’onze Evesques desquels Arnaldus est le 4 (en marge: Inscrip.
Lemov. cons. 1028) (en marge:
Adsistans).
ANNO DOMINI 1018.
CONSACRATA EST
BASILICA REGALIS SALVATORIS LEMOVICAE, V. CAL.
DECEMBRIS, IDQVE AB EPISCOPIS
VNDECIM. IORDANVS LEMOVICENSIS,
IZEMBERTVS PICTAVIENSIS, ROHO ENGOLISMENSIS, ARNALDVS PETROCHORENSIS, PETRVS GERVNDENSlS,
DEODATVS CADVRCENDIS, AEMILIVS ALBIENSIS,
ARNALDVS ROTENENSIS,
FVLCO
― Page 5 ―
CARCASSONENSIS, ELVS SANTONENSIS,
GODEFREDVS ARCHIEPISCOPVS BVRDIGALENSIS. HOC FACTVM EST IN TEMPORE ROBERTI
REGIS FRANCORVM; ET IMPERATORVM CONSTANTINI GRAECORVM, ET CONRADI ROMANORVM.
Je trouve aussi qu’en la mesme année, ce bon Evesque fut au convoy funebre de
Guillaume Taillefer,
Comte d’Angolesme, suivant la remarque de Corlieu (en marge: Corl. chr. Engol.). Quittons Engolesme pour passer à
Bourges (en marge: Consiles), & y
veoir comme un concile d’Evesques y est assemblé du nombre desquels estoit
nostre Evesque l’An 1034 le 3
du moys de Novembre (en
marge: 1034), pour faire plusieurs bons reglemens Ecclesiastiques, &
remedier a beaucoup d’incidens; mais je soubsçonne fort qu’is forgearent là
certains articles, qui sentent trop leur rigeur & severité, qu’ils
vouloient auctoriser soubs pretexte de zele (en marge: Glaber. lib. 4 ch.), & pour obeir à quelque pretandüe
revelation que quelqu’un de ces bons Evesques disoit avoir eu, lesquels articles
du despuis furent casses. Repassons à Lymoges au jour anniversaire du sacre de
l’Eglise S. Sauveur pour veoir vn 2. Concile provincial auquel les Evesques
sont convoqués (en marge: Ex act. cons. 2
Lemov.), premièrement pour acoiser les troubles & seditions esmeuës
contre les Ecclesiastiques par les perturbateurs du repos public (en marge: Tom. 3 cons. p. 2). La
première seance fut conclue par une estrange commination (en marge: Conclusions), contre tous ceux qui enfreindroient la pais
publicque, & seroient recogneus autheurs des seditions, les Evesques
commandans au Diacre qui avoit leu
― Page 6 ―
l’Evangile,
de lire hault & clair la presente malediction (en marge: Excommunication) (en
marge: Act. ep. Cad. sub. Deod. Episc.). Ex authoritate Dei patris omnipotentis & filii & spiritus
sancti, & Dei genitricis Mariae, & S. Petri Apostolorum principis,
& beati Martialis, & aliorum
Apostolorum, atque omnium Sanctorum Dei, nos Episcopi in nomine Dei
secialiter congregati Aerno Archiepiscopus Bituricensis Jordanus antistes Lemovicensis, Stephanus
Aniciensis, Rorico Arnernensis, Ragamundus Mymatensis, AEmilius Albiensis, Deus
dedit Cadurcensis, Izembertus Pictavienfis, Arnaldus Petragoricensis, Roho
Engolismensis: ex communicamus illos milites de isto Episcopatu Lemovicensi,
qui pacem & institiam Episcopo suo firmare, sicut ipse exigit nolunt, aut
noluerunt. Maledicti ipsi, & adiutores eorum in malum, &c. (en marge: Ex. Glab. lib. 4) Pour lors les Evesques jetterent en terre & estegnirent
les cierges qu’ils tenoient allumés; exhortans au-surplus les peuples à garder
la paix & concorde avec leur Evesque. La seconde seance fust pour donner
conclusion au grand debat survenu pour le tiltre d’Apostre donné à S.
Martial (en marge: Nom d’Apostre),
premier Evesque des Lymosins. Contraste qui avoit duré plusieurs
ans nonobstant la conclusion faicte au premier Concile tenu il y a cinq ans au
mesme lieu (en marge: Scol. ser. Binij.
in to. 3 Conc.), & renouvellée au Concile de Bourges, auquel les
lettres du Pape Jean avoient esté leües, qui decidoient la cause, &
declaroient qu’il meritoit le tiltre d’Apostre; & mesme avoit envoyé
l’Oraison ou il estoit nommé Apostre. On faict en suitte lecture des 20 Canons soubscrits par eux à Bourges
il n’y avoit que quelques jours,
― Page 7 ―
en outre l’on donna audience aux plaintes que l’Evesque
proposoit (en marge: Plaintes). La
première fut qu’un Comte de Tholose, puis Comte du Perigord & Vicomte de
Combort, avoit par auctorite donné un Abbé laique à l’Abbaye de Beauvais (en marge: Baro. ex M. S. anno 1032 n. 2).
Action qui fut detestée par tous les Evesques qui deposerent cet Abbé, disant
ces beaux mots, Ecclesiastica officia non
secundum carnis orignem, sed secundum meritorum virtutem distribui oportere. Se plaignoit aussi de ce que les excommuniez par les
Evesques alloient demander au Pape l’absolution, & plusieurs autres particularitez rapportées dans le
troisîesme tome des Conciles (en marge:
Vid. tom. 3 Conc. p. 2), le collecteur desquels l’a emprunte de Baronius,
& Baronius partie de Glaber, partie d’un manuscript que j’ay eu nagueres
entre mes mains, auquel plusieurs autres propositions sont contenues,
lesquelles Baronius juge indignes des Evesques François, tant elles sont
hardies contre le sainct Siège.
Il se presenta aussi à nostre Evesque une noble occasion en
laquelle il fit paroistre son courage & sa vaillance au faict des armes
contre les Normans (en marge: Faict
d’armes), qui environ ce temps voulurent prendre terre à S. Michel en
l’air, in sancto Michaele de Eremo, qui est au bas Poictou contre la mer avec leur fiere &
cruelle resolution de venir encore un coup saccager toute l’Aquitaine. Cet
Evesque faict levée de gens d’armes, lesquels comme Capitaine il conduit au
danger (en marge: Ma. Sc. S. Anth.),
& ayant joinct ses forces avec Guillaume
― Page 8 ―
Comte de
Poictou, homme tres-vaillant: on livre la bataille contre l’ennemy, où les
Normans furent presque tous taillez en pieces. Je trouve aussi que l’argent
venant à manquer, à nostre Evesque pour l’entretien & solde de ses gens de
guerre; il fut contraint d’engager à Anthoine Evesque de Lymoges l’Archiprestré
d’Eyssideuilh pour quelque somme d’argent (en
marge: Archiprestré engagé), avec laquelle il recompensa ceux qui l’avoient
servy. Le vieux cartulaire remarque, que long temps par le peu de soing de
l’Eglise du Perigord, cest Archiprestré a esté perdu & mis en oubly par ce
Dioceze, sans qu’on fut soigneux de le rachapter & reunir comme il est
aujourd’huy. Les anciens manuscripts suivis par Chenu (en marge: Chenut. in Ta. ep.) mettent la mort d’Arnaldus l’an 1036 le 14 Juillet (en marge: 1036): mais je le trouve encor
en vie l’année après soubscrivant aux lettres du Duc d’Aquitaine Guillelmus (en marge: 1037), comme il se voit dans
le cartulaire de S. Jean d’Angeric (en
marge: Pet. Ma. Sc. S. Joan Angeriac). Il fut depuis ensevely (en marge: Mort) dans l’Eglise du
Monastere Sainct Front, où reposoient les os de ses predecesseurs. (aa)
Geraldus
de Gordonio, Evesque.
Guido, Duc d’Aquitaine.
Apres
la mort d’Arnaldus (en marge: L’an de Jesus-Christ
1037), Gérard fut mis en sa place (en
marge: Chenu. Gall. Christ. ma. sc.): il gouverna cet Evesché tout autant
de temps que son devancier; mais non avec pareil succez: car le demon embraza
& alluma une estrange querelle (en
marge: Querelle) entre luy & le Comte du Perigord Audebert Cadoyrac (en marge: Audebert Cadoyrac Comt du Perig.),
qui avoit succedé à Elie son frere mort au voyage de Rome sans laisser
d’enfans (en marge: Comt. d’Angol. par
Corl. Ma. sc; don. comm.). Voicy le subject de la combustion. L’Evesque
voyant que le Comte Elie durant son
vivant avoit faict battre de la monnoye qui avoit eu mise (en marge: Monnoye), peut estre parce qu’il avoit usurpé le pouvoir
de l’Abbé de S. Front qui pouvoit faire battre monnoye comme j’ay veu en des
pieces d’argent, où d’un costé il y a les armoiries du Chapitre, qui sont cinq
ronds, & de l’autre une Croix, portant autour Ludovicus. Tant y a que l’Evesque descria le cours de la
monnoye d’Elies, suivant la puissance judiciaire qui estoit pour lors aux
Officialitez des Eves-
― Page 10 ―
ques. Ce
qui anima tellement Audebert qu’impatient de cet affront, desja il met des gens
en campagne pour aller assieger & prendre l’Evesque, qui sembloit avoir
chocqué sa puissance. D’autre part l’Evesque ne pouvant supporter les ravages
du Comte son ennemy & pour l’asseurance de sa personne met aussi des
soldats sur pied pour s’opposer à ceste furie, jette des garnisons dans ses
chasteaux Episcopaux bastis par Froterius contre les Normans l’an 980. Le
desordre dura long temps, puis que l’Evesque pour entretenir ses gens sur pied
& les soldoyer, fut contraint d’engager (en marge: Engagemens) & aliéner de sa mense Episcopale deux
chasteaux d’importance, Agonac & Auberoche, lesquels furent desengagez du
depuis, comme nous trouverons en peu de temps par les hommages rendus pour ces
places aux Evesques à muance de Seigneur.
Guido
septiesme Duc d’Aquitaine (en marge: Ann.
aquit. Chron. Burd.) n’avoit guieres long temps vescu en son Duché (en marge: Duché), succedant à Guillaume
teste d’estouppe, l’an 1025 (en marge: 1025) si que je conjecture que
son fils Guillaume surnommé Geoffroy (en
marge: Guil. Geof. Duc d’Aquitaine) estoit de present le huictiesme Duc
d’Aquitaine 1’an 1045 (en marge: 1045).
Nous trouvons dans le Calendrier du grand livre de sainct
Sillain (en marge: Ma. sc. S. Syll.)
que l’an 1047 (en marge: 1047) l’Archevesque
de Bourges Aymo consacra (en marge: Sacre
d’Eglise) & dedia le grand Monastere de S. Front, Chenu (en marge: Chenu in Ta. ep. Pet.)
l’appelle Aymo de Solliaco le cinquantiesme Archevesque de Bourges, adjoustant
que pour lors il faisoit la visite de
la province de Bourdeaux, comme
― Page 11 ―
Primat de toute l’Aquitaine, il faut advoüer
qu’il s’est porté assez passionné en ceste cause, qui est en l’itispendance dés
long temps, sçavoir-mon s’il falloit donner la primauté de l’Aquitaine à
Bourges ou à Bourdeaux; car pour la Métropole sur les Evesques de la seconde
Aquitaine, ceux de Bourges ne nous la disputent point; mais asseurent que le
Primat ou Patriarchat est à eux;
car le nom de Patriarche chez les Grecs est la mesme chose que Primat
chez les Latins (en marge: Primace),
suivant la docte remarque d’Azor (en
marge: Azor. Just. moral. p. 3 c. 35), qui cite le chapitre Cleros dist. 21.
& le chapitre Urbes dist. 80. & le chapitre Provinciae dist. 99 (en marge:
Alberic. in Rub. de stat. hom.; Card. Alex. In cap. de sin. dist. 22). La dispute
doncques de ce Patriarchat est en Litige dés long temps entre les deux
Archevesques, comme il appert par le chapitre dernier de Majoritate & obedientia, & du chapitre exposuit, de dilatationibus tit. de dolo & contumacia; & a attiré
plusieurs Docteurs à divers partis, chacun de son costé citant plusieurs
rescrits des Saincts Peres, comme l’on peut voir dans Nicolaus Boerius (en marge: Boerius in add. ad tract. in m.
conc. num. 14 p. 1) aux additions sur le traicté faict pour l’authorité du
grand Concile. Je ne veux donc examiner
si l’Archevesque de Bourges faisoit bien ou mal en ceste consecration, je diray
en passant que tousjours lors que les Archevesques de Bourges ont voulu
s’attribuer ces jurisdictions spirituelles sur la seconde Aquitaine: ceux de
Bourdeaux ont reclamé specialement l’an 1052 & l’an 1024 comme il appert par la Chronique Bourdeloise (en marge: Chronic. Burdig.), qui cite
aussi une
― Page 12 ―
definitive determination baillée par le Pape Clement
cinquiesme l’an 1036 (F.B. lire 1306). adjugeant le
Primat d’Aquitaine à l’Archevesché de Bourdeaux.
Je trouve qu’au mesme jour du Sacre de l’Eglise Sainct
Front se rencontre le Sacre de l’Eglise cathédrale de S. Estienne (en marge: Chapitre Cathedral), je ne
sçay pourtant s’il fut faict en mesme année, & par le mesme: l’antiquité du
bastiment me donne à conjecturer que desja ceste Eglise estoit sur pied, quoy
qu’elle soit esté bastie à diverses reprises, comme l’on peut voir à l’oeil,
sans que nous sçachions ny ses fondateurs, ny ses ampliateurs, contents de dire
qu’autres fois ce Chapitre a esté de l’Ordre régulier de Sainct Augustin; &
puis que je suis sur ce subject je ne veux obmettre ceste ancienne inscription
que nous voyons gravée dans la grande Nef au costé droict de l’Autel, qui fut admirée par le docte
Jofeph Lescale estant à Périgueux avec le docte Pythou l’an 1583 (en marge: Josep.
scul. 7. de emend. temp. papirius masso de not. Epis. Gall.) de
laquelle inscription paschale il advoüe ne sçavoir la raison. Voicy ses mots rapportez
par Papirius Masso, dans le Notitia
Episcopatum Galliae. Neque causas scimus periodi cujusdam paschalis
quam Petrachoriis vidimus una cum Pythaeo nostro, in dextro latere altaris Ecclesiae Majoris, insculptae erant dominici
paschalis litterae, meliores quam ut longe infra tempora Justiniani descriptae
videantur. Titulus ita conceptus erat. HOC EST PASCHA
SINE TERMINO ET NUMERO. CUM FINIERIT A CAPITE REINCIPE.
― Page 13 ―
MARCIVS XXIIII. APR. XII. APR. IIIV. AP. XXIIII. MR. XXXI. AP. XX. & ITA, DEINCEPS IN FINE AUTEM.
MR. XXVII. ... IIII. AP. XVI. MR. XXXI. AP. XX. Et mediocriter docto patet initium esse à Cyclo Paschali Dionisiano XVI. Solari XXIIII.
Parmy le calme de l’Eglise la ferveur des Evesques de
ce temps se ralentit presque dans toute la France, plusieurs mauvaises
coustumes se glissant insensiblement (en
marge: Arag. de gest. Rom.). Le sacrilege des Symonies (en marge: 1055) infecta presque tous les
Sièges Episcopaux, si que l’an 1055 le Pape Victor
tousjours pere commun envoya Hildebrand à Lyon pour assembler un Concile
notional (en marge: Epis. 45 Conc. Lugd.)
& remedier à ces maux (en marge:
Concile), comme de faict plusieurs Evesques Symoniaques se deposerent
volontairement de leur charge, ayant veu le miracle qui arriva en la personne
d’un d’entr’eux.
Je
n’ay rien plus de particulier touchant cét Evesque, si ce n’est sa mort qui fut
l’an 1059. Le
XXI. Mars après avoir gouverné l’Eglise du Perigord vingt & deux ans quatre mois,
& vingt & un jour (en marge: 1059; Mort), il fut ensevely au susdict Monastere de S.
Front.
Audebert
le Comte du Perigort son andagoniste (en
marge: Comtes) estoit desja mort (en
marge: Corl. chron. Engol.), n’ayant de gueres survescu son frère Elie,
& je croy que ce fut un juste jugement de Dieu, que celuy qui avoit si hostilement traversé le bon Evesque & tout le
Clergé, qu’il devoit honnorer comme ses peres, fut troublé après son decez par
les siens pro-
pres: car laissant son fils Bernard pour héritier du Comté,
son frere Bozon (en marge: Bozon, Com. du
Perig.), Comte de la Marche, ne pardonnant au sang & à l’amitié qu’il
devoit à son nepveu, s’usurpa le Comté du Perigord par toute voye d’hostilité (en marge: Meyn. 3 par liv. 9 arr.), depossedant son nepveu; &
comme un malheur par une entresuitte preste la main à un autre, il perit peu
apres par poison qui luy avoit esté donné (comme il est à croire) par ses
propres parens, laissant son fils Elie Comte de la Marche & du Perigord. (bb)
Guillelmus
de Monteberulpho, Evesq.
Guill. Geoffroy, Duc
d’Aquitaine.
Ce n’est pas
grand’ merveille d’estre bon parmy les bons: mais de se
rendre recommandable en saincteté dans un siecle perverty (en marge:Chenu. Gall. Christ. ma. sc. S.
Anthon.); c’est une belle rose remarquable parmy les frimats de l’Hyver,
qui attire sur son tein presque miraculeux les amours & les yeux de tous.
Je dis cecy en faveur du sainct Prelat Guillelmus (en marge: L’an de Jesus-Christ 1059), qui l’an 1059 incontinent
apres le decez de Gerard print
― Page 15 ―
possession de l’Evesché du Perigord, estant desja
recommandable par son extraction (en
marge: Origine) prinse de la maison illustre de Montberon en Engoumois, de laquelle
sont sortis plusieurs Evesques, principalement pour Engoulesme (en marge: Che. in tab. ep. Engol.),
Robertus l’an 1255 & un
autre Robertus l’an 1420.
Mais encor nostre Evesque fut plus remarquable par sa
saincteté qui reluisoit comme un Soleil dans un siecle tout ténébreux, Nous
avons veu comme l’an 1055 le Pape Victor fit remedier a la symonie (en marge: Symonies) qui gastoit presque tous les Evesques de
France, mais le remede fut seulement palliatif, & ne couppa le mal à sa
racine: car l’an 1075 le Pape
Gregoire (en marge: 1075) considerant
l’estat de tous les Evesques de France (en
marge: Desordres), Allemagne & Italie en est presque à mourir de
regret, comme il se lamante dans une de ses epistres (en marge: Greg. pap. epist. 49 lib. 2). A peine dict-il, vois-je des Evesques legaux en leur entrée, & en leur vie, gouvernans le peuple Chrestien par l’amour du Chrift, & non par l’ambition du siecle &c. Si
qu’estant agité de diverses tempestes.
Quoquo modo moriens vivo. Je vis en
mourant aucunement & comme en regret (en marge: Regret). Parmy le
petit nombre de bons Evesques François de ce temps il faut mettre le nostre,
puis que Dieu l’honoroit par plusieurs miracles signalez, entr’autres que sa
malediction avoit telle puissance qu’estant fulminée de sa bouche elle estoit
confirmée visiblement du ciel par la punition: Dieu se rendant executeur de ses
anathemes, quidquid maledicebat, a Domino erat maledictum dict le vieux manuscript (en marge: Ma. sc.) comme il
― Page 16 ―
parut lors qu’il estoit en ces quartiers de Villeboys, il
donna sa malediction
sur quelques moulins de la riviere de Nisone, j’en ignore la cause, au moins
elle fut si juste devant Dieu, que tout d’un coup & moulin & meusnier, & tout l’attirail s’abismerent
miraculeusement.
Depuis peu d’années l’on a faict rencontre dans quelques
vieux sepulchres des Moynes Religieux de l’Abbaye de S. Front
d’une rareté, qui monstre la pratique de l’Eglise de ce temps-là: c’est une
Croix de plomb (en marge: Croix de plomb,
1072) de la longueur de huict ou neuf poulces, dans laquelle d’un costé
estoit gravé (en marge: Inscriptio
plumbea 1072) SACRO FONTE
BAPTISMATIS
DONATVR ILLIANTE,
ELIE VOCATVR, OBIIT AVTEM KALENDAS MAII ANNO DOMINI MILLESIMO
SEPTVAGESIMO SECVNDO, REGNANTE PHILIPPO FRANCORVM REGE, & au
milieu il y a un O. & une N. de l’autre costé d’icelle DOMINVS
DEVS OMNIPOTENS QVI POTESTATEM DEDIT SANCTIS APOSTOLIS SVIS LIGANDI ATQVE
SOLVENDI IPSE TE DIGNETVR ABSOLVERE F. ELIA A CVNCTIS
PECCATIS TVIS, ET QVANTVM MEAE FRAGILITATI
PERMITTITVR SIS ABSOLVTVS ANTE FACIEM ILLIVS QVI VIVIT ET REGNAT IN SAECVLA SAECVLORVM. De premier
abord j’ay creu que c’estoit l’absolution de l’excommunication qui auroit esté
donnée à Frere Elie natif d’Heilac en Perigord apres fon trespas: & ce suivant
le stile de l’Eglise, qui pour donner de la terreur par l’excommunication ,
& specialement pour declarer aux
― Page 17 ―
fidèles qu’ils peuvent faire prieres publiques pour le
deffunct qui estoit mort avec repentance de la faute pour laquelle il estoit
tombé en la censure, sans pouvoir recevoir son absolution; l’Eglise pour le
foro extérieur, comme on dict, se servoit de quelques cérémonies baillant
l’absolution sur la sepulture: ce que les Docteurs apres le droict Canonique
appellent absolvere mortum ab
excommunicatione (en marge: Absolution d’un mort). Non que
l’Eglise militante lie & deslie en sa propre signification ceux qui desja
sont trespassez, comme il est amplement
traicté dans le décret de Gratian (en
marge: Dec. 2 p. caus. 24 q. 2), part. 2. caus. 14. quaest. II. cap. Damnationis, §. his auctoritatibus, mais en denonçant que les decedez
sont morts fideles, & que l’excommunication a cessé par la mort: remarque
faicte par Covarruvias (en marge: Cova.
in c. al. mat. § II n. 8), Ledesma (en
marge: Led. 24 qu. 2 6 ar. I), Henriques (en marge: Henric. lib. 13 de exc. c. 25 § post.), Sayrus (en marge: Say. th. lib. I c. 8) &
autres Canonistes: & pource non sans subject dans ceste Croix de plomb est
faicte mention de son baptesme: car l’Eglise ne peut exercer sa jurisdiction
punitive & relaxative sur d’autres que sur ceux qui luy sont subjects par
le sainct Baptesme, comme le declare le Concile de Trente (en marge: Conc. Trid. S. 14 c. 2). Mais
apres tout, dans ceste absolution gravée sur la Croix, je n’y remarque aucun
mot d’excommunication, & aymerois mieux dire que peut estre ceste marque
estoit la communion & viatique d’absolution (en marge: Viatique), dont parle le (en marge: Conc. Arans. c. 3) Concile d’Aurange can. 3. qui recedunt de corpore
poenitentia accepta, placuit sine reconciliatoria manus impositione
― Page 18 ―
cos communicare, quod morientis sufficit
consolationi, secundum deffinitiones patrum, qui hujusmodi communionem congruenter viaticum
nominarunt: Sur lequel passage deux doctes lumières de l’Eglise
Gallicane (en marge: M. d’Orleans obs.
II; M. Coiff. des noms de l’Euc. p. 239) ont de nostre temps remarqué que
le mot de communion & viatique ne doit estre entendu de l’Eucharistie adorable (en marge: Viatique); veu que le Concile
parle d’une sorte de communion qui estoit baillée sans la reconciliation qui se
faisoit par l’imposition de mains, & neantmoins sans icelle on n’eust osé
administrer les mysteres sacrosaincts. Partant on conclud que viaticum doit estre entendu en ce lieu tant seulement de
labsolution, qui seule quelquesfois estoit donnée aux penitents, mesmes à
l’article de la mort, sans administrer l’Eucharistie suivant les rigueurs de la
primitive Eglise. Absolution & viatique qui en tesmoignage public de la
repentance du decedé seroit pour lors esté gravée sur ceste Croix de plomb,
& mise pour accompagner le mort au sepulchre.
Revenons
à l’histoire, mettant la remarque de Papyrius Masso (en marge: Papir. Mass. lib. de not. episc.), qu’en divers temps
plusieurs de Conciles
d’Evesques furent assemblez dans le voisinage (en marge: Conciles), sans qu’il en soit faict mention dans les
tomes des Conciles, ny par les Annalistes de l’Eglise. Entr’autres il rapporte
par les epistres Conc. d’Ildebert
(en marge: Hild. epist. Conc. Engol. anno
1060), que l’an 1060
un Concile fut convoqué à Angoulesme par Bertrand
second du nom, Archevesque de Bourdeaux , avec les Evesques ses comprovinciaux,
soubs la Presi-
― Page 19 ―
dence de Rogerius Cardinal Diacre: comme aussi que l’an
1079 du temps
de Gosselin (en marge: 1079) aussi
Archevesque de Bourdeaux (en marge: Conc.
Burdig. anno 1079), il y assembla un grand nombre d’Evesques, tant
suffragans qu’autres convoquez au Concile par Amatus Evesque d’Oloron &
Vicaire du pape Gregoire septiesme qui y presida avec son adjoinct nommé
Hugues Evesque de Digne en Provence, & ce pour arrester & mettre un
frain au luxe des Clercs, & reformer leurs moeurs depravées. La Chronique
Bourdeloise (en marge: Chronic. Burdig.
anno 1095) met plus tard ce Concile l’an 1095. De plus il dict que l’année après il fut convoqué un autre Concile à
Xaintes (en marge: Chenut. in Tab. Arch.
Burdig.) par le mesme Legat Apostolique & mesmes Evesques. Il nous faut adjouster un Concile (en marge: 1073) tenu premier que ces deux derniers
(en marge: Conc. Pictav. anno 1073),
à sçavoir l’an 1073 l’Archevesque
gosselin ayant assemblé ses Evesques à Sainct Maixant en Poictou contre les
fauteurs de l’heresie de Bourges qui desja gastoit la basse Guyenne; nous
conjecturons avec beaucoup de probabilité que nostre Evesque Guillelmus avoit
seance dans ces Conciles, desquels je n’ay peu trouver les actes dans le
thresor de l’Archevesché.
Durant le Pontificat de nostre Evesque (en marge: 1077) & l’an 1077 Guinamondus Moyne de l’Abbaye de
la Chesedieu, tres-bon sculpteur de ce temps (en marge: Ma. sc. S. Anth.), fit une riche architecture (en marge: Scupture) dans le coeur de
l’Eglise de S. Front sur le sepulchre du sainct Apostre. Iterius appellé Canonicus Divi Frontonis & Cellariarius, fournit
aux frais pour ceste
― Page 20 ―
fabrique.
Je ne sçay s’il faut conclurre de là que desja la secularisation eut esté
faicte.
Je
conjecture aussi qu’environ ce temps le Monastere de nostre Dame, de Castris, de
la Chastre, de l’Ordre regulier de S. Augustin eut ses premiers fondemens (en marge: Fondation). Le bastiment de
ses tours dont il a pris sa denomination monstre son antiquité (en marge: Fund. Abbatiae de Castris),
& dans ses ruines prochaines, demande un bon Abbé qui rappelle la première
ferveur de ses fondateurs. Je trouve dans l’ancien cartulaire du Dioceze (en marge: Cart. Episco. Petrac.) qu’il y
avoit jadis ces dignitez, le Prieur Claustral, le Chantre, le Cellarier, &
treize Moynes, avec plusieurs Priorez & Curez de la collation de l’Abbé en
divers Diocezes. Je trouve ceste Abbaye avoir esté en ruine environ l’an 1440 à
raison des guerres & malheurs dont nous parlerons.
En
fin Guillaume de Montberon ayant gouverné l’Evesché (en marge: Ma. sc.) durant vingt ans, onze mois & trois jours (en marge: Meurt), rendit son esprit à
Dieu le neufiesme Fevrier de l’an 1081 (en
marge: 1081) & fut ensevely au lieu de sa naissance à Montberon dans
l’Eglise de S. Alduric, laissant un general regret à tous ses enfans d’avoir
perdu un si bon & si sainct Prelat, mais le mal fut flatté par le merite
de son successeur. (cc)
Reginaldus De Tyberio, Evesque.
Guill.
Geoff.
8, Duc d’Aquitaine.
Dans
le champ de l’Eglise (en marge: L’an de
Jesus-Christ 1081) les lys &
les roses y croissent
a foison, la paix & la guerre ont leurs propres guirlandes & tousjours
verdoyantes couronnes pour salarier les soldats de Jesus-Christ (en marge: V.
Bed. S. 18 de sanct.). Il
nous faut maintenant enlasser un tortis de fleurs de lys d’innocence, & de
roses empourprées par le sang de ce glorieux Martyr Reynald, (en marge: Origine) de la noble maison de
Tyviers (en marge: Chenut. Gall. Chri.):
il nous ouvrira un champ assez ample pour escrire ses merites, lequel sera
encor de plus grande estenduë (en marge:
1086) si nous
prenons garde que l’an 1086 Guillaume
Geoffroy Duc d’Aquitaine meurt (en marge:
Annal. Aquit. 3 p. c. I; Chron. Burd.), laissant S. Guillaume son fils pere
de Heleonor (en marge: S. Guillaume Duc
d’Aquit.), pour estre le neufiesme Duc d’Aquitaine: car dans ces siecles
infortunez nous verrons de grands schismes, revolutions & malheurs qui
grossiront contre l’Eglise & l’estat de l’Aquitaine; & auparavant de
nous embarquer au voyage d’outremer, remarquons premierement, (en marge: Cart. episc. Pet.) comme
nostre sainct Evesque fit bastir l’Eglise de S. Jean de Colle (en marge: Fundation), le bourg de ce
lieu prenant son
― Page 22 ―
nom de la
riviere Colla, qui le traverfe: il y fonda en suitte un Prioré Conventuel
de Chanoines Réguliers de S. Augustin, où jadis suivant la Pancarte estoient
les Offices suivans, le Secretain, le Chantre, le Prevost, l’Infirmier, & l’Aumosnier. Le nombre des
Religieux estoit de seize residents: jugez combien fut magnifique la
libéralité de cét Evesque pour l’entretien & fondation de ce Chapitre.
Environ ce
mesme temps (en marge: 1095), au
rapport de Sigisbert (en marge: Chron.
Sygisb. in fin.), un estrange mal fut presque general dans toute la France
(en marge: Les Ardans), causé par un
feu occulte qui brusloit &
consommoit, au moins mutiloit & defiguroit les membres
du corps. Contagion qui donna occasion à la charité d’un noble Viennois
d’instituer l’ordre des Freres Servans à ces malades dans les Hospitaux, qu’il
erigeoit, & d’autant
que le secours des Reliques du grand S. Anthoine
apportées à Vienne (en marge: Histoir.
Anthon. p. 2 c. 33) estoit le plus souverain remede contre ce mal, les
Religieux prindrent ce Sainct pour leur titulaire, portans pour marque sur
leurs manteaux un T. le Perigord fut infecté de ce feu S. Anthoine, comme j’ay
remarqué dans un manuscript vieux de plus de quatre cens ans, qui jadis servoit
de Breviaire dans l’Abbaye de S. Martial de Lymoges (en marge: Brev. Lemo.), où sont rapportez quelques miracles de
Sainct Front faicts en faveur de ces ardans ou bruslans; c’est
pourquoy nous trouvons à Aubeterre (en
marge: Fundation) une Commanderie de cét Ordre, qui a dans ceste province
deux Priorez dependans.
― Page 23 ―
Il est temps de porter sa pensée sur les maux &
calamitez (en marge: Maux des Levantins)
que les pauvres Chrestiens de la Terre Saincte enduroient soubs la tyrannie du
Roy de Perse & des Sarrazins, le rapport qu’un bon Ecclesiastique d’Amiens,
nommé Pierre l’Hermite, en fit au retour de son pèlerinage, toucha tellement le
coeur du pere commun de tout le Christianisme, qu’il indiqua un Concile à
Clermont en Auvergne (en marge: Conc.
Claremont. to. 3 conc.) pour y conclurre les remedes favorables pour
secourir nos Freres du Levant. Ce fut donc le Pape Urbain second qui y venant
en personne sur la fin de l’an 1094
(en marge: 1094) arriva à
Lymoges (en marge: Plat. in Urb. 2),
& le penultiesme jour de cét an, consacra l’Eglise Cathédrale de S. Estienne,
& le premier de l’an 1095
(en marge: 1095) consacra
l’Eglise Royalle de S. Martial avec grande magnificence (en marge: Chron. S. Mart.), & concours de plusieurs Prélats,
Entr’autres de nostre Evesque Reginaldus. Il faut cependant prendre garde comme
ceste dedicace n’est incompatible avec le Concile (en marge: Gall. Christ. in tab. epis. Lemo.) que nous avons dict
cy-dessus l’an 1028 (en marge: Vide sup. anno
1028). De là ils se rendent a Clermont pour tenir le Concile la
mesme année 1095
où parurent treize Archevesques avec leurs Evesques
suffragans, & l’on y compta deux cens cinquante bastons Pastoraux (en marge: Concile). Platine dict (en marge: Plat. ibid.) que tous les Evesques de France y
comparurent, au moins nostre Evesque n’y fit point defaut, & ce fut là que
ceste divine arangue du Sainct Pere, faicte sur la miserable condition des
Chrestiens de la Syrie mit le coeur au ventre d’une infinité de Seigneurs
― Page 24 ―
qui se croiserent, pour aller restablir par armes les Chrestiens
en leur liberté; concluant par une affectueuse exhortation aux Prelats, à ce
qu’ils se rendissent à leurs Eveschez pour porter leurs peuples à l’exécution
d’une si saincte entreprise (en marge:
Croisade).
L’on conclud
aussi dans ce Concile trente-deux articles importans pour les moeurs du Clergé
(en marge: Lamb. ep. Atrebat.), afin d’en
bannir la symonie, le sacrilege & le concubinage (en marge: Bellef. lib. 4; Ann. Franc.). Je ne veux aussi obmettre
que ce fut là qu’il fut commandé que l’Office & les Heures de nostre Dame
seroient recitées dans l’Eglise; & afin d’advancer la resolution
d’outre-mer, le Sainct Pere vint en personne visiter plusieurs Eglises
d’Aquitaine (en marge: Ann. Aquit. 3 p.).
Desja toute sorte de peuples (en marge: 1096), de tous aages & de toutes conditions prennent
la Croix, deslogent de toutes parts, ou soubs la conduite de plusieurs vaillans
Capitaines, ou à la suitte de leurs Evesques, Prestres & Religieux (en marge: Guill. tyr. hist. sac. c. 25 lib.
3). Reynald nostre Evesque fut du nombre, prenant avec les siens la route
vers Constantinople, qui estoit le general rendez-vous des Croisez. Godefroy de
Billon ayant contrainct avec puissante armée l’Empereur Alexius fidele de nom:
mais notablement infidèle aux vrais fideles de recevoir la paix avec les
Occidentaux, passe vers l’Hellespont avec resolution de donner vers la
Bithynie, où ayant subjugué la ville de Nicée, l’on pousse dans la Syrie,
passant le pied sur le ventre à l’armée de Solimand, composée de trois cens
soixante mille archers à cheval (en
marge: Soliman défaict): &
― Page 25 ―
comme un torrent impetueux forçans plusieurs villes & places d’importance (en marge: Guill. Tyri. l. 4 c. 11), on vint en fin poser le siege devant Antioche (en marge: Siege d’Antioche) qui pour lors estoit gouvernée par Acxianus, en quoy Duplex (en marge: Duplex ann. t. 2) se semble, a esté trompé, disant que c’estoit Corbagath, lequel de vray fut envoyé par son pere Soliman avec une-très puissante armée de Sarrazins (en marge: Secours) pour fondre sur les nostres. Les nouvelles de cét effroyable orage qui venoit sur le camp des Chrestiens r’alluma leur courage (en marge: Tyr. li. 5 c. 14), tous se mettent en devoir de soustenir le choc, & n’abandonner leur entreprise. Les Ecclesiastiques ont recours aux prieres & larmes: nostre Evesque sçachant que la victoire sur les ennemis vient d’en-haut, commence à celebrer le divin sacrifice de la saincte Messe, & tandis qu’il estoit à l’Autel, dans ceste action sacrosaincte les ennemis donnent l’assaut si brusquement qu’ils forcerent nos Chrestiens à ce rencontre (en marge: Ma. sc. S. Anth.), & parmy les boucheries sanguinaires, trouvent nostre sainct Pontife avec ses habits Sacerdotaux, le massacrent cruellement, luy tranchans la teste sur le mesme Autel où il disoit la Messe (en marge: Martyre): ainsi par son martyre il mésla son sang avec le sang de l’Aigneau sans tache Jesus, plus triomphant & annobly par la souffrance de ceste mort, que le vainqueur par sa première victoire, laquelle il achéta bien cherement: car nos Croisez se rallians donnent sur l’ennemy avec horrible tuerie, restans maistres de la ville d’Antioche, dont Bohemond Prince de Tarente & Normand de nation eut
― Page 26 ―
le
gouvernement. Ainsi mourut (en marge:
1099) glorieusement le sainct Evesque le huictiesme Septembre l’an 1099 apres
avoir gouverné le Dioceze dix-sept ans, quatre mois, vingt & un jour (en marge: Gall. Christ. in ep. Pet.):
son corps fut inhumé à Sainct George de Romas, & nous rencontrons son nom
parmy les Abbés de Sainct Martial de Lymoges estant surnommé Lastros. (dd)
Guillelmus
de Albaroca, Evesque.
S. Guillel.
IX, Duc
d’Aquitaine.
Mais (en marge: L’an
de Jesus-Christ 1099) comme tousjours les plus grandes prosperitez sont
destrempées de malheurs inopinez, durant ces longs voyages & sieges nos
Croisés ayant souffert beaucoup de disette, & tout d’un coup se trouvans
dans l’abondance des provisions conquises sur les Sarrazins, se laissans aller
à leur appétit, contracterent plusieurs maladies pestilentielles qui dans peu
terrasserent plus de Chrestiens (en
marge: Guill. Tyr. lib. 10 de bell. S. c. 12), que le glaive ennemy n’avoit
faict par le passé. La mort d’Ademarus Evesque du Puy en Vellay (en marge: Ademarus Eves. meurt) porta un
notable regret & perte (en marge: Odo
de Giff.), qui pourtant revint au profit spirituel & bon-heur de ceste
province du Perigord; damant que les nostres
― Page 27 ―
estans desja possesseurs des principales villes où les
Chrestiens avoient d’autres fois conservé les precieuses reliques des
souffrances de Jesus-Christ, rencontrerent par divine revelation le precieux
fer de la lance qui avoit percé son costé adorable apres son trespas. De plus
ce noble Evesque Eymard, comme il estoit puissant & signalé dans l’armée,
avoit recouvert un des suaires où
Jesus-Christ avoit esté enveloppé apres sa mort lors que Joseph d’Arimathie
& Nicodeme rendoient à leur Dieu les honneurs funeraux (en marge: S. Suaire), linge sacré qui
estoit le suaire honoraire qui enveloppoit les autres linges qui estoient
baignez de baume. Thresor sacré par la vertu duquel, mesme la maison des
infideles avoit prosperé à veuë d’oeil, comme il est insinué dans le venerable
Bede (en marge: Bed. tom. 3 lib. de loc.
saint.), au livre De Locis
Sanctis. Cét Evesque auparavant mourir le
donna en garde pour le transporter de
deçà à un sien Prestre le plus affidé, lequel estant sur mer pour son retour
mourut dans la navire, laissant ce sacré depost entre les mains d’un Prestre du
Perigord qui le porta à son Eglise (en
marge: Porté en Perigord), où Dieu manifesta ce grand thresor par signalez
miracles. L’ancien & autentique tiltre qui est aujourd’huy agraffé à
l’Eglise de Cadouin (en marge: Inscript.
tabell. in Abb. Cad.) nous apprend ce que dessus, disant que le sainct
Suaire trouvé dans Antioche, AB EPISCOPO ANICIENSI,
QUI IN PARTIBVS VLTRA MARINIS TRANSFRETAVERAT EST HABITVS, ET ILLVD IPSE
MORIENS CVIDAM SVO SACERDOTI TRADIDIT, QVI CVM ESSET SVPRA
― Page 28 ―
MARE
VENIENS ETIAM MORTVVS EST, RELINQVENS
PRETIOSVM MUNVS CVIDAM CLERICO SERVIENTI SVO; HIC CVM ESSET IN FINIBVS
PETROCHORENSIBVS , UNDE
ERAT NATVS POSVIT DOMINICVM SVDARLVM IN QVADAM ECCLESIA SIBI COMMENDATA
QVAE ERAT PROPE CADUNIVM SITA.
Apres la mort du Martyr Reynald, Guillelmus (en marge:1099) d’Auberoche,
la mesme année avoit esté pourveu de l’Evesché du Perigord & Abbaye de S.
Front.dans laquelle parut grandement le sainct & venerable Robert
d’Asdebrezelo, fondateur des Dames de Frontevaux. Ce fut l’an mil
cent quatorze (en marge: 1114), que
ce docte & Apostolique Prédicateur monta en chaire en la presence de
l’Evesque, & fit un si divin Sermon, qu’on le jugea digne de le recompenser
par une donation (en marge: Donat. Cap.
pro ord. font. ebra. Ma. Sc.) que fit l’Evesque & le Chapitre de S.
Front d’une terre
qu’ils avoient en propre au bourg de Cadouin pour y fonder
un Convent pour des Religieuses de l’Ordre qu’il avoit institué: ausquelles de
plus les Sieurs de Bainac, & de Biron donnerent ce qui est des biens
laicques. L’année 1115 d’après (en marge: 1115) ceste place fut resignée
par ledit Robert & par Petronille Abbesse de Frontevaux en faveur de Guido
de Salis Docteur (en marge: Donation),
intime amy de Robert (en marge: Cont. pro
fund. Abb. Cadun.), puis qu’il l’appelle son fidèle compagnon fidele conserviteur au service de Dieu: il vesquit avec ses condisciples comme heremitiquement dans
ce lieu, jusques à ce que l’an d’après (en
marge: 1116) ils se mirent soubs la jurisdiction d’Henry
― Page 29 ―
Religieux de Pontigny, premier Abbé régulier de Cadouin:
& a raison de ce, ceste Abbaye se recognoist la septiesme de la filiation
de Pontigny, & l’onziesme de l’Ordre de Clervaux.
Ce
fut là que ces saincts Religieux dans les commencemens de leurs premieres
ferveurs menoient une vie Angelique: & Dieu voulut les consoler par le
sacré thresor du sainct Suaire (en marge:
Ma. Sc.). L’histoire
en est telle; le
bon Prestre qui l’avoit apporté estant absent de son Eglise champestre, le feu
s’embrasa par tout le village du lieu, consommant le toict & tout ce qui
estoit dans la petite Eglise, sans que les voisins accourus à l’incende
peussent arrester sa furie: neantmoins, ô miracle! (en marge: Miracle) tous prennent garde comme le feu n’osoit aborder
le sacré escrain ou coffret qui estoit pres de l’Autel, Dieu renouvellant le miracle
de la victoire qu’eut jadis le sainct Suaire sur les flammes, rapporté par Bede
(en marge: V. Bed. tom. 3 de loc. Sanct.)
au lieu allegué: les Religieux de Cadouin y accourent pour estre spectateurs de
la merveille, & passans à travers les flammes enlevent ce joyau inestimable
(en marge: Relique prinse), le
portent à leur Monastere, auquel ce bon Ecclesiastique quelques jours apres
vint faire ses humbles suppliques de luy rendre ce qu’il avoit apporté au péril
de sa vie; & ne l’ayant peu obtenir, supplia affectueusment le Superieur de
le recevoir au nombre de ses Religieux; ce qu’ayant obtenu il consacra le
restant de ses jours pour vivre & mourir aux pieds de ceste saincte Relique
(en marge: Inscrip. tabell. in abb. Cad.);
Apres son decez il fut en-
― Page 30 ―
sevely honnorablement dans le
sepulchre qui releve deux pieds sur le pavé de la Chappelle de la Magdeleine,
ce fut 1’an mil cent dix-huict (en marge:
1118) qu’ils commencerent à bastir l’Eglise qui est aujourd’huy sur pied,
& fut parachevée & consacrée l’an mil cent trente-neuf. (en marge: 1139)
Revenons à
l’an mil cent (en marge: 1100), nous
souvenans comme
l’un des motifs qui
avoient obligé le Pape Urbain second (en
marge: Conciles) de tenir le Concile à Clermont (en marge: Conc. clar. to. 3), fut pour remedier aux pechez (en marge: Guibert. lib. 2 c. 3),
scandaleux par un double adultere du Roy Philippe, qui rejettant & exilant
sa propre femme, avoit ravy Bertrande de Monfort femme du Comte d’Anjou, de
laquelle il avoit eu deux enfans & une fille. Le Roy espouvanté par la
foudre de l’excommunication quitta pour lors son adultere; Mais apres la mort
du S. Pere il r’appella avec plus grand scandale sa concubine. Paschal second
successeur à la chaire succeda aussi au zele Pastoral, envoyé en France les
Cardinaux Jean & Benoist
pour ses Legats, lesquels indirent un Concile à Poictiers (en marge: Conc. Pict. to. 3 anno 1100) au vingt-neufiesme Juillet
de l’an mil cent, pour juger cét affaire, & reïterer l’exommunication
contre le Roy (en marge: Notae Binii ex
Baro. hoc anno num. 19), & il est plus que vray semblable que nostre
Evesque y fut present: sur quoy les Annales de Dubouchet (en marge: Annal. aquit. 3 p. c. 2) citées par
les Collecteurs des Conciles, & par
Baronius, remarquent que le Duc Guillaume vouloit empescher ceste
assemblée d’Evesques dans sa ville, comme de faict il leur commanda de se
retirer: mais en fin il acquiessa à la
― Page 31 ―
vision qui avoit paru à l’un des Legats du sainct Pere.
Ainsi dans les conclusions de ce Concile nous y trouvons plusieurs bons
reglemens presque conformes à ceux de Clermont, & le Collecteur des Conciles indique
un second Concile de Poitiers (en marge:
Conc. Pict. to. 3 anno 1109) tenu par les mesmes Legats l’an mil cent neuf
(en marge: 1109), le premier de
Decembre, contenant seize articles qui specialement visent ad reformandos mores Ecclesiae. Et certainement
le desordre estoit grand pour lors en tous ces quartiers (en marge: Symonie), causé par la symonie & sacrilege usurpation
des biens Ecclesiastiques, & trocque du bien du Crucifix; puis que si
souvent & a tous ces Conciles les Evesques taschent d’arracher les malheurs
qui attirerent le fleau de Dieu sur plusieurs endroits, notamment sur le bourg & Abbaye du Puy S. Front, laquelle
tout d’un coup en punition des pechez fut embrasée d’un grand feu (en marge: Incende), si violent que les
cloches se fondirent au clocher, & encore aujourd’huy l’on remarque en
plusieurs endroits de l’Eglise du costé de l’Abbaye, les marques d’un grand
incende qui reduisoit voire les pierres en cendres: voicy les mots d’un vieux
& asseuré manuscript (en marge: Ma.
Sc. S. Anth.). Hoc
tempore burgus Sancti Frontonis Monastenum cum suis ornamentis repentino
ïncendio, peccatis id promerentibus constagravit, atque signa in clotario igne
soluta sunt,
erat tunc temporis monasterium
ligneis tabulis coopertum.
Callixte
second l’an mil cent vingt (en marge:
1120) estant promeu au Pontificat (en
marge: Galt. in Chro. in Calix.) donna au siege Archiepis-
― Page 32 ―
copal, de Vienne la primauté sur six provinces & sieges
Archiepiscopaux, de Bourges, de Bourdeaux, d’Aux, Narbonne, Aix & Aubrun (en marge: Privileges), il donna aussi un
Bref à nostre Evesque Guillelmus (en
marge: Lib. hom. Episc.), par lequel il confirma a son Eglise tous les
privileges faveurs & indults qui luy avoient esté donnez par Paschal
second.
L’Eglise du glorieux Confesseur Avitus (en marge: Vide Anno 507) dont nous avons
parle aux siecles passez fut consacrée par nostre Evesque Guillaume (en marge: Consecration d’Eglise), l’an
mil cent dix-sept (en marge: 1117),
comme nous lisons dans l’inscription gravée dans la muraille près de l’Autel
qui est à costé droict (en marge:
Inscript. lap. anno 1117), ANNO M. CXVII. GVILLELMVS
EPISCOPVS PETROCHORICENSIS
DE ALBA RVPE
IN HONOREM BEATI IOANNIS BAPTISTAE ET SAN.
IOAN. EVANG. SEXTO KALENDAS IANVARII
HOC ALTARE CONSECRAVIT.
L’année
d’après (en marge: 1118) le corps de
ce sainct Anachorète Avitus, qui avoit esté ensevely & reposoit depuis cinq cens ans dans
l’Eglise qui est au pied de la montagne, fut transferé à ceste nouvelle Eglise suivant l’inscription
gravée (en marge: Inscript. lap. anno
1118) au costé droict ANNO
MILLENO CENTENO TERQVOQVE SENO, AD MONTEM SANCTI TRANSFERTVR CORPVS
AVITI.
Il est aussi averé que cét Evesque benist & consacra le Cemetiere pour les
pauvres (en marge: Cemetiere) qui est
au delà le pont de la ville de Périgueux, vers la riviere de l’Isle. Plusieurs
avoient mis sa mort l’an mil cent vingt-trois (en marge: 1123): mais je suis contraint (en marge: Ma. Sc. S; Anth.) de luy prolonger la vie de cinq ou six
ans pour un oeuvre tout sainct &
religieux.
― Page 33 ―
Desja dés quelques années plusieurs bons Ecclesiastiques
s’estoient retirez dans un desert prés de Périgueux, où estoit une fontaine
close de grilles de fer, appellée Fons
Cancellatus. Ils vivoient là soubs la direction
de Folcaudus Abbé de Sellefroin (en
marge: Fondation), qui s’estoit associé avec ces hommes de bien pour vivre
heremitiquement & pauvrement, n’ayans pour Eglise qu’un petit Oratoire
basty de terre & de bois à l’honneur de la Vierge Marie, prés de la
fontaine qui dans peu donna le nom à l’Abbaye (en marge: M. Sc. Abb. Canc.): car l’odeur de leurs rares vertus
parvint à l’Evesque, qui trouva bon d’agréer la supplique qu’ils luy font (en marge: Abbé), demandans pour Abbé un
de leur corps, nommé Geraldus
de Montelauduno, lequel il
consacra volontiers dans le petit Oratoire pour leur Abbé, & print
tellement à coeur ce lieu devot, qu’il y donna souvent les Ordres sacrez , leur
benist un Cemetiere tout contre, & pour leur entretien leur donna l’Eglise
de Beurona, & le lieu de Bord (en marge: Donation), apres y avoir beny le Cemetiere prés duquel
cét Abbé fit bastir l’Eglise qui aujourd’huy est sur pied, & y celebra
depuis la première Messe en la presence du Seigneur Evesque.
Mais apres tout ceste Chappelle & Oratoire basty de
terre estoit trop à l’estroit pour ces bons Moynes, il fallut desseigner un
nouveau & plus ample edifice (en
marge: M. Sc. Abb. Canc.): Ce fut l’an mil cent vingt-huict (en marge: 1128), Domino Guillelmo de Albarupe venerabili Episcopo Petrachoricensem
Episcopatum pro-
― Page 34 ―
curante. Ainsi
parle l’ancien Cartulaire de l’Abbaye duquel nous apprendrons le nom des premiers
Religieux qui baillerent le commencement à l’Abbaye de Chancelade (en marge: Premiers fundateurs). In nomine summae individua sanctae Trinitatis Patris & Filii &
Spiritus sancti, & in honore beatae & gloriosae semper Virginis Mariae
genitricis Dei, & Domini nostri Jesu Christi, & in honore sanctae
Mariae Magdalenae, atque omnium sanctorum. Bonae memoriae Geraldus de
Montelauduno, Venerabilis & primus Abbas de Cancellata, & frater
Gerardus Bernardi sacerdos, primus ejusdem loci prior, & frater Helias sacerdos, qui postea
fuit secundus Abbas, & Geraldus de Cauze sacerdos, & frater Folcherius Archans sacerdos, & frater Gerardus Ranulphi
sacerdos, & frater Elias Laoudries Laicus, & frater Gerardus Guiberti
Laicus, & frater Guillelmus de Mallesec dignus memoriae Laicus, Monasterium
de Cancellata divina virtute & auxilio roborati aedificare coeperunt, atque in festivitate Sanctorum
Apostolorum Petri & Pauli quam Catholica Ecclesia tertio Kalendas Julii
venerabiliter toto orbe celebrat, magno gaudio spirituali repleti primos
lapides in fundamento hujus aedificis in Deo omnium bonorum cum majore
firmitate sperantes, posuerunt, anno ab Incarnatione Domini 1128 indictione septima, &c (en marge: Fund. Abbatiae Beatae Mariae Cancell.). Quelque temps apres l’Evesque du Perigord mourut le second
d’Avril, & fut ensevely dans 1’Eglise de S. Front (en marge: 1128).
Pour ce
qui est du comté du Perigord (en marge:
Helie Comte du Perigord), il y avoit grande contraste entre Elie fils de
Bozon Comte
de la Marche, & Bernard legitime heritier du Comté (en marge: Comté) que son oncle avoit ravy à son pere
Audebert (en marge: Corle. Chron. Engol.).
Et le bon-heur fut pour arrester ceste discorde que Elie estant laissé jeune,
eut pour curateur Sainct Guillaume Duc d’Aquitaine (en marge: S. Guillaume, Duc d’Aquit.), qui mit la paix entre les
deux cousins germains, ordonnant que le Comté de la Marche demeureroit à Bernard,
& que Elie seroit Comte du Perigord (en
marge: Arrest. Meyn. 3 p. l. 9.), partage un peu injuste, advantageant Elie
estranger sur le Seigneur naturel. (ee)
Guillelmus
de Nauclard, Evesque.
S.
Guillau. IX, Duc d’Aquitaine.
Cependant
(en marge: L’an de Jesus-Christ 1130)
un grand & notable malheur se prepare contre l’Eglise d’Aquitaine, dans lequel
nous serons enveloppez par la faction du Duc Guillaume: lequel favorisant Roger
le Normand & l’Antipape Anaclet (en marge: Vit. S. Bernard lib. 2 c. I)
contre le vray Pape Innocent second, causa un notable schisme dans l’Eglise (en marge: Schisme), les uns tenant le
party de Pierre Leon surnommé Anaclet, les autres d’Innocent (en marge: Du Bouch. annal. Aqui. 3 p.).
Mais ce qui attisa davantage cét incende fut Gerard Evesque d’Angoulesme qui
avoit esté
― Page 36 ―
faict
Legat Apostolique par le Pseudopape. Cettuy-cy se servant de l’authorité du Duc
sur les Evesques d’Aquitaine, en avoit tiré plusieurs du voisinage à son party,
espouvantez par la cruauté qu’il exerçoit sur les Evesques contretenans
lesquels il n’avoit peu fleschir (en
marge: Pet. Clu. lib. 2 mira. c. 14), d’autant qu’ils portoient trop à
contre-coeur, que l’innocence fut opprimée en
la persecution d’Innocent, & que l’abomination fut erigée dans la maison de
Dieu, comme parle S. Bernard (en marge: Bern. ep. 124). Ainsi Guillaume Evesque de Poictiers, Eustorgius de
Lymoges & Guillelmus de Nauclard nostre Evesque, demeurerent inebranlables
à la rage de ce meschant Semei (en marge:
Ann. Aquit. 3 p. c. 2), faux Legat d’un faux Pasteur: mais aussi exposez à
la furie du Duc d’Aquitaine qui les malmema au possible, les chassa de leurs
Eveschez, mit d’autres en leurs places, apres mille outrages & violences.
Pour
remede souverain à tous ces malheurs Dieu se voulut servir du grand & non
jamais assez loüé S. Bernard (en
marge: Vit. Bern. lib. 2), lequel espousant la querelle de Dieu offensé en
la personne de son Lieutenant (en marge:
S. Bernard), à la prière de plusieurs gens de bien se porta à Rome pour
adoucir par paroles ce meschant Diotrephes qut desiroit tenir le haut bout parmy
nous: mais n’ayant peu r’amollir ce coeur de Pharaon s’en revint en France, &
sçachant l’oppression que Gérard, pour le spirituel, & Guillaume pour le temporel donnoient à nos Evesques
deffenseurs de la Justice il leur escrit pour consolation l’epistre cent vingt
fix, l’une des
― Page 37 ―
plus eloquentes qui jamais sortit de ceste plume dorée (en marge: Les console), dont voicy le
tiltre. Domninis & Patribus
honorandis Lemovicensi, Pictaviensi, Petrachoricensi, & Xantonensi Dei
gratia Episcopis sanctis, frater Bernardus Abbas dictus de Claravalle
Constantiam in adversis (en marge: Bern. ep. 126). Il
sembleroit presque necessaire de la mettre icy tout au long, n’estoit sa
prolixité, en voicy quelques traicts les plus remarquables traduits en
François, commence ainsi. La vertu
s’acquiert par la paix, s’esprouve par l’angoisse, est approuvée par la
victoire: Il est temps que la nostre se fasse voir maintenant, si tant est
qu’il y en ait en vous, elle ne peut demeurer oyseuse. Mes Reverends Peres,
& dignes d’honneur: car le glaive de l’ennemy qui en ce temps semble
derechef menasser de mort le corps de Christ est pointé specialement sur vos
testes, & rage contre vous d’autant plus vivement, qu’il vous attaque de plus prés: si que
vous estes contraints ou de resister courageusement, ou de ceder honteusement aux
insultats journaliers, &c (en marge: Oppressions). Peu après
il leur explique la cause pourquoy Gerard d’Angoulesme avoit abandonné Innocent,
pour se ranger à l’Antipape, d’autant qu’il avoit esté honteusement refusé de
la legation qu’il luy avoit demandé, l’ayant acheptée par symonie du faux Pape,
par laquelle puissance il les depossedoit & vexoit à outrance (en marge: Ambition ridicule). Maintenant, dict-il (en marge: ibidem), ce nouveau Legat forge de nouveaux Evesques, afin que son Pape ne soit
Pape pour soy seulement, ne mettant pas des successeurs aux deffuncts, ains
s’appuyant de sa puissance tyrannique il intruse
― Page 38 ―
des
invaseurs sur les vivans, prenant l’occasion de la malice des Princes, qui haissent à mort les
Evesques de leurs villes. Au surplus
il accuse le faste de ce partisan d’iniquité, lequel, dict-il, est à blasmer en tous, mais specialement à un Evesque. Ambition
qui l’eslançoit à deposseder ceux qui ne vouloient fleschir le genouil devant la beste qui avoit ouvert la bouche pour
blasphemer le nom du Seigneur & son sainct tabernacle (en marge: Apocal. 13). Voila les couleurs dont il peint ceux qui opposoient Autel contre Autel, Evesques contre Evesques, Abbex.
contre Abbez, opprimant les Catholiques, advançant les Schismatiques. Mais après tout il asseure ces Prelats comme la plus grand
part, voire tous les vrais Superieurs de la chrestienté recognoissoit Innocent
pour legitime Pasteur, desquels il faict un long denombrement (en marge: Obeissans), adjoustant encore
les plus celebres Abbayes, & parmy ceux de son ordre il nomme Cadumenses, lesquels
je conjecture, avec le commentateur de ses epistres (en marge: Not. F. J. Picard. in epist. S. Bern.), avoir esté les
Religieux de l’Abbaye de Cadouin qui pour lors estoient en odeur de saincteté,
sans recourir en Normandie à l’Abbaye Sancti
Stephani Cadomensis. Enfin S.
Bernard conclud ceste epistre par une forte exhortation à ces bons Evesques pour
perseverer à la deffense de la cause de Jesus-Christ (en marge: I. Cor. I), La vertu
& sagesse duquel estoit avec eux, qui ne permettrait pas qu’ils fussent
esprouvez au delà de leurs forces.
Ce ne fut que les
commencemens des travaux de Sainct Bernard (en
marge: Conc.), il s’employa à ceste
― Page 39 ―
reunion durant sept ans, avec un très heureux succez. Le
Pape Innocent chassé de Rome vint en France, assemble en divers lieux plusieurs
Conciles pour dissoudre ce schisme (en
marge: Conciles). Le premier fut tenu à Clermont en Auvergne (en marge: Claromo. anno 1130 t. 3 p. 2),
composé des Evesques des Gaules & de Germanie (en marge: Otto friginsen. l. 7 c. 18), l’an mil cent trente (en marge: 1130). Les Annales d’Aquitaine
(en marge: Ann. Aquit.) remarquent
que specialement les Evesques de Lymoges & Poictiers depossedez par le
Pseudolegat y assisterent; jugez si nostre Evesque en estoit absent? pour
condamner avec tous les Peres Pierre de Leon, & recevoir le Pape Innocent,
lequel vint à Orleans, fut accueilly par le Roy de France Louys le Gros, la
Royne & ses enfans (en marge: Vinc.
lib. 27 c. 6). Par apres (en marge:
1131) le sainct Pere fit assembler un
Concile à Estampes (en marge: Contre
l’antipape), qui fut conclu par son approbation (en marge: Conc. stanp. ann. 1131), comme vray Pape. L’année d’après
le sainct Pere en tint encor un plus general à Rheims, auquel suivant la
remarque de Robert qui continuë la Chronique de Sigisbert (en marge: Rob. con. Sygis.), ab omnibus Galliae & Germaniae Episcopis, Petrus Antipappa
anathematizatur. Peu apres
Geoffroy est envoyé en Guyenne, comme Legat Apostolique du Pape Innocent, par
l’authorité duquel & l’exhortation de S. Bernard (en marge: Vit. S. Ber. lib. 2), accompagnée de signes & prodiges miraculeux, le Duc
d’Aquitaine Guillaume se remet à l’obeyssance de l’Eglise, r’establit les
Evesques depossedez (en marge: Retour).
Pour
lors le Perigord receut le sien à bras ouverts, & plusieurs ressentirent
les effects de son zele, specialement les Moynes de Chance-
― Page 40 ―
lade
ausquels il bailla plusieurs tesmoignages d’amitié, consacrant plusieurs Autels
dans leur nouvelle Eglise (en marge: Ma.
Sc. Cancell.): celuy qui est au costé gauche, in nomine
summi, & omnipotentis Dei, & in honorem beatorum Apostolorum Petri & Pauli & omnium Apostolorum (en marge: Dedicace). Quelques
années apres celuy du costé droict , in
nomine Dei omnipotentis, & in honorem beati Protomartyris Stephani, &
sancti Laurentii, & sancti Vincentii, atque omnium Sanctorum. De plus il choisit souvent ce lieu pour y conferer les
Ordres sacrez, & pour l’entretien de l’Abbaye, leur donna l’Eglise Sancti Sulpitii & Sanctae Innocentiae (en marge: Voeux solamnels). Tandis que l’Abbé Gerard de Montleau cultivoit à la pieté
ces nouveaux Religieux, animez par sa saincte parole, ils prennent resolution
de voüer entre ses mains la vie religieuse soubs l’Ordre canonical & regulier
de Sainct Augustin. (en marge: 1133)
Ce fut l’an mil cent trente-trois jour de Sainct Pierre & S. Paul, auquel
estat ils perfevererent presque tous en odeur de saincteté jusques à la fin.
Revenons au Pape Innocent, qui passe en Italie (en marge: 1134): estant à Pise l’an mil
cent trente-quatre il assemble tous les Evesques de l’Occident
au rapport de la vie de S. Bernard (en
marge: Bernard. in Vit. S. Ber. lib. 2 ca. 2), & quoy que les actes de
ce grand Concile soient perdus (en marge:
Concile), neantmoins nous avons tesmoignage que nostre Evesque Guillelmus
de Nauclard y fut present pour la quatriesme ou cinquiesme condamnation
d’Anaclet, & reception d’Innocent.
Mais si l’assemblée de tant de nobles Prélats
― Page 41 ―
& leurs conclusions avoient esté triomphantes pour
toute l’Eglise, le retour du voyage de ce Concile fut tout autant funeste pour
l’Eglise de France (en marge: Tyrannies),
a raison des soldats inhumeins qui favorisoient la tyrannie de Conrad,
usurpateur de l’Empire sur Clotaire. Ces desnaturez se ruerent sur les sacrées
trouppes des Peres du Concile qui s’en revenoient en France, les pillerent,
blesserent, massacrerent, les firent prisonniers pour les rançonner, au grand
scandale de la Chrestienté. Nostre Evesque de Nauclard fut enveloppé dans ceste
calamité, comme nous apprenons de Pierre Abbé de Cluny, l’un des prisonniers,
qui au nom de tous escrit au sainct Pere une missive qui arrache les larmes
des yeux du lecteur (en marge: Pet.
Cluniac. lib. 3 Epist. 27). Spectacle
horrible, dict-il, de voir
tirasser, dissiper, blesser, & poursuivre de toutes parts avec les espées, des grands personnages si
necessaires à l’Eglise de Dieu; plusieurs des Evesques & Abbez furent violemment traisnez, aux
prochaines places, & quelques uns d’iceux après avoir esté battus &
blessez, furent jettez. en prison par une cruauté barbare. Entre lesquels Monseigneur de Rheims ayant receu
beaucoup de blessures & de playes, est tenu renfermé dans une tour, sans avoir esgard ny à son
aage, ny à sa dignité; l’Evesque de Perigueux a esprouvé choses semblables,
&c. adjoustant de plus l’infortune de
plusieurs Evesques du voisinage.
Mais Dieu jugeant que nostre Evesque nous estoit encore necessaire (en marge: Ma. Sc. St. Anth.) le nous conserva & ren-
― Page 42 ―
dit à son Dioceze, pour esprouver une rebellion estrange,
ou sedition qui arriva (en marge:
Sedition) contre l’Abbaye de S. Front par la faction du Comte de Perigord
Elie Rudel, fils putatif du feu Comte
Elie (en marge:
Elie Rudel Comt. du Perigord), lequel
animant les bourgeois se
met en teste d’une trouppe armée, va enfoncer & brusler
les portes des greniers qui estoient dans les Cloistres, pille & enleve
tout le grain gardé pour la nourriture des Religieux: action si noire que sa
propre mere la Comtesse Guasconia en punition de son fils, fit une action qui
est bonnement sans exemple: car n’estant retenuë de son propre honneur &
interest, au jour de la Cour Ecclesiastique, suivant les formalitez de ce
temps: elle vint en face de l’assemblée declarer au Sieur Evesque, que Helie Rudel
son fils naturel n’estoit fils legitime du feu Comte Elie son mary (en marge: Vangeance extraordinaire),
ains bastard, conçeu d’adultere, & partant elle demandoit son
ex-heredation.
Je trouve
aussi que cét Evesque pour la collation des Ordres sacrez (en marge: Ma. Sc. ibid.), primus instituit fieri scrutinium in sacris
ordinibus. J’advoüe ne pouvoir comprendre ce Scrutinium, quand bien il s’entendroit de l’examen aux Ordres
sacrez, qui suivant les Conciles estoit auparavant en pratique: non plus aussi
puis-je sçavoir quelle fut ceste sienne ordonnance, Ut omnes agricolae darent
Convivium pro pace obtinenda (en marge: Annal. Aquit. p. 3 c. 3).
Portons
maintenant nostre pensée sur le Duc d’Aquitaine Guillaume (en marge: S. Guillaume), de loup devenu plus
― Page 43 ―
doux qu’un aigneau, qui pour penitence d’avoir mal-traicté
nos Evesques,. estant à Galice dissimule une maladie, comme disent les Annales d’Aquitaine (en marge: Dup. to. 2 sub. Claud. Crass.), & par la feinte de sa
mort se retire à Rome au S. Pere: de là en Hierusalem pour vivre dans le desert
en Anachorete. Auparavant sa retraite il faict son testament, donne à Louys le Jeune fils du Roy Louys le Gros le Duché
de Guyenne (en marge: Louys le Jeune, Duc
d’Aquitaine), à condition qu’il espouseroit sa fille Heleonor: article qui
fut receu avec un general applaudissement. Le Roy envoye son fils en Guyenne,
arrive à Bourdeaux, celebre le mariage: ainsi le Duché d’Aquitaine (en marge: Duché) fut derechef uny à la
Couronne de France: car Louys le Jeune dixiesme Duc, estoit dés quelques années
sacré pour Roy de France par le Pape Innocent second au Concile de Rheims dont
nous avons parlé.
Ce jeune Prince voulant captiver les bonnes graces
du Clergé leur donna une ample descharge & exemption du droict des regales
par une Pancarte (en marge: Donation des
regales) que du Bouchet dict avoir veu & leu en son original (en marge: Dubouc. ibid.), Choppin la
rapporte tout au long (en marge:
Choppinus lib. I de sac. polit.), Baronius aussi (en marge: Baro. anno 1134), Pasquier dans ses recherches l’attribue
premièrement à son pere Louys le Gros (en
marge: Pasquier rech. de fra. lib. 3 c. 31), elle est concleuë en ces mots
(en marge: Chenut ex. Chopp.), In nomine sanctae & individuae Trinitatis, Amen. Ludovicus Dei gratia Francorum Rex tibi dilecte in Domino Gaufride Burdigalensis Archiepiscope, cum suffraganeis Episcopis
Raymondo Agennensi, Lamberto Engolismensi, Guillelmo Xantonensi, Guillelmo
Pictaviensi, Guillelmo
Petrachoricensi, nec-non Abbatibus Burdigalensis Provinciae, vestrisque
successoribus in perpetuum, &c. Leur
donnant pouvoir d’eslire les futurs Archevesques, Evesques, & Abbez de
ladite Province de Bourdeaux sans le congé du Roy ny de ses successeurs, Datum Parisis in palatio nostro, anno Incarnationis M. C. XXXVII (en marge: 1137). Pasquier dict que la
mesme remise fut confirmée par son fils Louys
le Jeune en la
mesme année estant à Bourdeaux, d’où il conclud que le droict de regale devoit
appartenir aux Ducs d’Aquitaine durant leur souveraineté.
Ce mariage avoit de
trop heureux commencemens pour une suitte si sanglante & funeste (en marge: Ma. Sc.). Arrestons la vie de
cét Evesque en l’année d’après ce traicté (en
marge: Meurt), le vingt-neufiesme Decembre mil cent trente-huict (en marge: 1138), il fut ensevely en l’Eglise
de l’Abbaye de S. Front. (ff)
Gaufridus
de Cauzé, Evesque.
Louys VII, Roy de France
&
Duc d’Aquitaine.
Geoffroy
de l’ancienne & noble
maison de Cauzé (en marge: Gall. Christ.; Chenut) fut
successeur de l’Evesché la mesme année (en marge: L’an de Jesus-Christ 1138) du
decez de Guillelmus. Il ne tint que deux ans la
― Page 45 ―
chaire Episcopale,
& pour ce peu de temps il laissa assez de ses marques, tant en ses
bastimens, que pour le bien du Clergé (en
marge: Zele): specialement tesmoignant son affection envers les Ordres religieux.
Pour-lors les Chevaliers du Temple estoient desja celebres par le secours &
service religieux qu’ils rendoient aux pelerins du sainct Sepulchre (en marge: Guill. Tyri. lib. 12 c. 7),
& dans ce peu de temps depuis leur establissement ils s’estoient rendus
redoutables aux infidèles par leurs heureux exploicts d’armes (en marge: Templiers), &
recommandables aux Prélats de toute la Chrestienté (en marge: Roderigues de orig. templ.): si que tous à l’envy leur
donnoient du fonds pour s’establir soubs le nom des Frères de la Milice du
Temple. Ils vindrent en Perigord du temps de cét Evesque qui leur donna
l’Eglise de S. Maurice d’Andrivaux (en
marge: Ma. Sc. S. Anth.), auquel lieu avoit esté basty jadis un Monastere
de Religieuses (en marge: Fondation),
qui par le laps du temps vivans trop libertinement avec un notable scandale de
leur incontinence, avoient enfin abandonné la closture. Les Religieux
Templiers, qui pour lors estoient en bonne odeur de zele & vertu, comme
nous pouvons voir dans le Concile de Troyes (en marge: Concil. Trec. to. 3) en Champagne, furent envoyez pour le
repeupler.
Cét
Evesque à l’imitation de ses predecesseurs continua ses affections envers
l’Abbaye de Chancelade (en marge: Ma. Sc.
Cancell.), pour laquelle il consacra le second Abbé Elie, lequel fit
bastir l’Eglise qui est au lieu nommé Delandia (en marge: Donation), dans laquelle l’Evesque Geoffroy dict la première
Messe, & y benit
un Cemetiere.
Il unit aussi à l’Abbaye le lieu de Merlandia, avec toutes ses appartenances: & apres avoir gouverné
l’Eglise du Perigord durant deux ans huict mois & onze jours, il mourut
le vingt-huictiesme Aoust de l’an mil cent quarante-deux (en marge: 1142). Il fut ensevely en la mesme Eglise que ses
predecesseurs (en marge: Ma. Sc. S. Anth.).
(gg)
Reymondus
de Maiolio, Evesque.
Lovys Le Jeune, Duc d’Aquitaine.
Les merites
de Raymondus de Maiolio le firent trouver digne de succeder à Geoffroy (en marge: L’an de Jesus-Christ 1142),
& augmentans de plus en plus l’esleverent jufques à l’Archevesché de
Bourdeaux (en marge: Chenut Gall. Christ.),
aussi estoit-il tres-bon Prelat, tout pieux & de bon genie; en voicy des marques par
l’affection qu’il portoit aux Religieux de Chancelade (en marge: Affection), ausquels il bailla & annexa à leur manse
les Eglises de S. Martial de Artentia, de S.
Sernin de Blis, & de
S. Vincent (en marge: Ma. Sc. Cancell.):
consacra leur Eglise qui est hors l’Abbaye (en
marge: 1147), In nomine sanctae & indiuiduae Trinitatis, & in honere beati
Joannis Bapt. & Sancti Frontonis Patris nostri, anno Domini 1147. quarto
― Page 47 ―
idus Octobris (en marge: Dedicace). De plus il
celebra la première Messe en leur Eglise de Marnac, y benit le Cemetiere. Mais
le plus signalé bien-faict qu’ils receurent de sa main fut la pretieuse Relique
d’une pièce de la vraye Croix qui luy avoit esté envoyée par Fulcherius faict
Patriarche de Hierusalem ceste mesme année mil cent quarante-sept (en marge: Reliques). L’inscription
ancienne gravée sur une petite
lame d’argent, attachée sur la Croix qui sert de Reliquaire
dict ainsi (en marge: Inscript. lam.
argenteae), HAE SVNT RELIQVIAE QVAS
MISIT FVLCHERIVS PATRIARCHA HIEOROSOZOLIMITANVS REYMONDO PETRACHORICENSI
EPISCOPO.
Ce Fulcherius estoit natif d’Aquitaine, jadis Abbé
de la Selle à Poictiers (en marge: Guill.
Tyri. lib. 16 c. 1), & n’agueres
avoit esté pris de l’Evesché de Tyr , & durant le temps qu’il tenoit ce
Siège à sçavoir l’an mil [cens]
quarante-six (en marge: 1146), un
Concile avoit esté tenu à Chartres, auquel Louys le Jeune Roy de France avec
Eleonor, se croizerent pour la conqueste de la Terre Saincte (en marge: Sugerius), & partirent l’année
dapres avec tel nombre de Seigneurs, specialement des Aquitaniens, que les
villes & chasteaux, à ce qu’escrit S. Bernard (en marge: Bernard. ep. 246), demeurerent vuides. Il est vray
semblable que le present du bois sacré de la Croix fut envoyé & apporté à
nostre Evesque au retour de ce voyage d’outremer.
Retour (en
marge: 1152) qui ne fut si triomphant ny si heureux que le départ: car ce
Roy Louys le Jeune (en marge: Annal. Gall.)
couvoit en son coeur la répudiation de sa femme Heleonor (en marge: Repudiation), malheur funeste à la France, conçeu
― Page 48 ―
soubs je
ne sçay quels ombrages de desloyauté. En fin le maltalent esclate: il assemble
à Bougency les Princes de son Royaume, convoque plusieurs Archevesques & Evesques,
specialement il prie Geoffroy Archevesque de Bourdeaux de s’y rendre avec ses
Evesques suffragans.
L’Archevesque (en marge: 1152) pour sçavoir plustost l’inclination de ses Evesques & leur sentiment sur un cas si extraordinaire les assemble à son Concile (en marge: Conc. Burdig.), & apres quelque contraste qui y intervint sur la presseance qui fut adjugée à Lambert Evesque d’Angoulesme (en marge: In tab. episc. Engol. Corl.), on conclud de se servir d’un secret non cogneu à tous (en marge: Conciles), si tant est qu’il fallut venir au mal de la dissolution du mariage (en marge: Chron. Burdig.): de là ils se rendent au Concile de Bougency (en marge: Conc. Bogenc. ex Abb. Sugerio), où la proposition de ce divorce & rupture de mariage fut impugnée au possible par Geoffroy & les siens, qui soustenoient le party d’Heleonor; mais l’oppression donnant la Loy, il proposa son expedient pour dorer la pillule, & ne rendre ceste separation si douleureuse, maintenant avec ses Evesques, qu’il y avoit parenté entre le Roy & la Royne du costé de pere & mere dans les degrez prohibez par l’Eglise, ce qu’ayant clairement & moyennant serment verifié, l’on condud la solution du mariage qui fut confirmée par le Pape Eugene troisiesme. Le Duché d’Aquitaine revenant à Heleonor; elle s’y retira, & bien tost apres condud un second mariage (en marge: Thom. Vualfing.) avec Henry Comte d Anjou, & Duc de Normandie (en marge: Ducs Anglois)
― Page 49 ―
mandie declaré heritier du Royaume d’Angleterre, auquel il
parvint dans deux ans; ainsi le Duché d’Aquitaine passe à la Couronne
d’Angleterre (en marge: Ann. Aquit. 3 p.
c. 4).
Fascheux eschange (en
marge: 1153), de perdre son Seigneur naturel pour subir les loix &
caprices d’un estranger (en marge:
Henri Roy d’Angleterre & Duc d’Aquit.); qui nonobstant toutes ses
protestations vouloit abolir toutes les franchises & immunités que les Roys
& Ducs precedents nous avoient donné, comme il parut bien tost, après le
decez de ce grand personnage (en marge:
1158) Gaufridus Archevesque de Bourdeaux l’an 1158 (en marge:
Chenu. in Tab. Archiep. Burd.). Pour lors il y eut un debat &
presque sedition (en marge: Debats)
pour l’élection d’un successeur, les Evesques & Chanoines voulans jouyr des
privileges donnez par Louys le Jeune, & son pere Louys le Gros: & à ce
que le mal n’empirast par sa course (en
marge: Compromis), on arresta par compromis que celuy que les Evesques
d’Angoulesme, de Poictiers, de Perigueux & d’Agen nommeroient seroit receu
pour Archevesque (en marge: Vide sup.
anno 1137).
Ces Evesques estans assemblez a Bourdeaux (en marge: Chron. Burdig.), le Roy
d’Angleterre Henry second, & maintenant nostre Duc, esperant par authorité
mener à sa volonté ces Pères, leur propose, avec recommandations & prieres
Jean Sochius, Principal du Collège de Poictiers (en marge: Corl. in Tab. Episc. Engol.), homme qui n’avoit
cognoissance des divines lettres, encore qu’il fut capable pour les humaines.
Nos Evesques demeurerent inebranlables en leur droict pour la cause de Dieu,
respondans ces beaux
― Page 50 ―
mots, Honores Ecclesiastici non precibus, non largitionibus, sed virtute &
doctrina comparandi (en marge: Courage sans saveur). Ainsi avec le refus ils representent au Roy l’insuffisance de
celuy qu’il proposoit. Response qui luy despleut fort, il sort de l’assemblée
avec cholere qui coutera cher à l’Eglise de Perigueux: car je conjecture que
Reymondus fut pour lors esleu Archevesque (en
marge: Chenu. in Tab. Archiep. Burdigal.), quoy que je ne le trouve dans
les tables de l’Archevesché de Bourdeaux: ains apres la mort de Godefroy mise
l’an mil cent cinquante huict, l’on met Harduin Doyen de l’Eglise de Sens
choisy l’an mil cent soixante (en marge:
Ma. Sc. Cancell.), & Bertrand Evesque de Lectoure peu de temps apres.
Au moins nostre Reymond estoit Archevesque de Bourdeaux l’an mil cent cinquante
neuf (en marge: 1159): ainsi le Roy
tourna sa passion contre nostre Evesché, si que pour l’appaiser on luy donna du
thresor de S. Front une placque d’argent où les douze Apostres estoient en
relief.
Sans nous arrester a ces biens temporels prenons garde aux
maux spirituels qui avoit bien avant gasté ceste Province, dans laquelle nous voyons un
estrange desordre du costé qu’elle regarde le Toulouzain, causé par l’heresie
des Petrobrusiens (en marge: Heretiques),
fomentée par ce faux Moyne de Toloze Henry (en
marge: Geneb. Innoce. 2), avantcourrier de ceste vermine d’Albigeois.
Impieté si fort accréditée, que
comme escrit S. Bernard (en
marge: Vit. S. Bernardi. lib. 3 c. 5), Desja l’on trouvoit à tous pas les Eglises sans le peuple, le peuple
sans leurs Prestres, les Prestres sans la deüe reverence,
― Page 51 ―
bref les Chrestiens
sans leur Christ. Ce sainct homme envoyé de Dieu (en marge: Sainct Bernard) pour estre l’elexitaire des heresies de
son temps, & le Docteur pour le rappel des desvoyez, vint à Toulouze contre
l’Heresiarque, comme jadis S. Pierre à Rome contre Simon Magus, de là passant
par les pays les plus infectez d’heresie vient en Perigord se rend à Sarlac,
& fut passé plus avant vers nous, sans que ce vray humble pour eviter les
applaudissemens qu’on luy rendoit se retira comme à la desrobée, specialement
pour se garantir du concours des malades qui venoient à luy de toutes parts pour
estre participans du grand miracle raconté par l’autheur de sa vie Guillelmus
Abbas qui est tel (en marge: Gill. in
Vit. S. Bernardi).
Sainct Bernard estant à Sarlac (en marge: Vient à Sarlat) fit une docte predication en presence du Prelat Apostolique Geoffroy Evesque de Chartres, dans laquelle il refutoit par visves raisons les faux dogmes qui avoient infecté plusieurs de ce pays, & comme à la fin de sa predication on luy presenta selon sa coustume des pains pour les benir, alors faisant le signe de la Croix il dict tout haut, vous tous cognoistrez, que ce que je vous presche est vray, & que ce que disent les heretiques est faux, si vos malades ayant gousté de ce pain reçoivent la santé (en marge: Miracle), Le Legat Apostolique adjousta, pourveu qu’ils le reçoivent avec la foy: Sainct Bernard replique, Je ne dis pas cela; mais que tous ceux qui gousteront de ce pain seront gueris, à ce qu’on cognoisse que nous sommes messagers de la vérité, qui vient de
― Page 52 ―
la part de Dieu. De faict si grand
nombre de malades après avoir mangé de ce pain furent gueris (en marge: Miracle), que la nouvelle en parvint par toute ceste province, & l’homme
sainct rebroussa son chemin par les lieux les plus proches, evitant le concours intolerable du peuple,
craignant de passer plus avant, dict l’autheur ja cité (en
marge: Ibidem in fine).
Le voyage de S. Bernard en ceste Province attira du Clergé
de Perigord un homme de condideration nommé Alquerius, pour aller
se rendre Religieux à Clervaux, soubs sa reigle. Estant dans ce faux-bourg du
Paradis, jouyssant du repos de la solitude, il escrivit une missive à tout le Clergé de ceste Province, exhortant ses
compatriotes à donner du pied au monde, & faire un serieux divorce avec sa
vanité, se retirans à son imitation dans la solitude de Clervaux. Nous trouvons
ceste belle missive (en marge: Missive)
dans le second tome de la Bibliothèque des Peres (en marge: To. 2 Bibl. patrum auctu. p. 3) escrite par le Frere
Nicolaus Cisterciensis, Secretaire de Bernard
(en marge: Nicol. Cist. epist. 36),
qui avoit charge de faire la response à toutes les lettres qu’on adressoit aux
Religieux de l’Abbaye, Dilectis suis Petrachoricensibus Clericis, frater
Alquerius, illam vivere qua in coelo vivitur vitam. Traduisons
quelques lignes qui nous serviront pour l’histoire. J’escris à vous
d’un
pays esloigné, quoy que vous ne soyez gueres loing de
mon coeur: car la charité qui r’assemble dans le sacraire de la dilection &
l’amy & l’ennemy pour l’amour de Dieu ne me permet pas que pour quelque
petite heure vous soyez absens de moy. Je vous attaque
― Page 53 ―
courageusement avec icelle, en
icelle, & pour elle mesme, &c. Que
faictes-vous donc, mes tres-chers? pour quoy ne vous rendez-vous à ceste maison où les enfans. d’Israel sans
danger & sans se lasser passent le
Jourdain en bon equipage, &c. Ceste Religion n’est pas comme les Religieux
qui sont en vostre pays, lesquels ressentent plus à des seculiers, tirans à
mespris & opprobre le nom d’une Religion incorporée a l’estat du siecle.
Pour les nostres ils ont du tout rejetté & le monde, ce qui est du monde,
&c. Il n’est pas trop asseure pour vous d’avoir la cure des ames, sans
soigner le bien des ames. Vivre du patrimoine de Christ, & ne servir point
à Christ. Veritables paroles (en marge: Exhortation), autant
necessaires pour ce temps icy, voire encore plus que pour lors. Quant à ce
qu’il dict de l’estat deplorable & mesprisable de nos Abbayes, tousjours
il y en avoit quelqu’une où la devotion & ferveur rendoit les Religieux
recommandables envers les grands (en
marge: Dedicace), comme nous voyons que l’Evesque Raymond estant faict
Archevesque de Bourdeaux, voulut laisser aux Religieux de Chancelade (en marge: Ma. Sc. Cancel.) un memorial
de ses affections. La mesme année de son decez il fut les visiter, &
consacra l’Autel de la Chappelle de l’Infirmerie, l’an mil cent cinquante-neuf,
Idibus Aprilis, indictione
septima, estant au Chapitre avec l’Abbé
& Religieux fut ordonné que tous les jours de l’an, hors du Vendredy Sainct,
l’on y celebreroit une Messe basse pour les deffuncts.
Nous apprenons par la table imprimée au pied de S.
Bernard (en marge: Vid. in fine), à
la dernière impression,
― Page 54 ―
comme dés
son vivant (en marge: D. Bernard.
Abbatiae) & l’an 1153 l’Abbaye de Petrosa (en marge: 1153), de Peyrouse fut fondée le 39 Mars (sic; il faudrait lire 29 Mars), & se trouve
la 69. en rang de l’Ordre de Clervaux (en
marge: Fundatio Abb. Petrosae anno 1153) qui est la troisiesme fille des
Cisteaux; c’est merveille de 1’authorité que ce sainct Patriarche
avoit acquis dans ce peu de temps depuis sa reformation dans la Chrestienté
pour l’establissement de son Ordre, pour lequel tous contribuoient par une
saincte aemulation. L’Abbaye de Peyrouse dans peu fut splendide en grands
revenus desquels elle dota l’Abbaye de Boschaud (en marge: Fund. Abb. Bosco Cavo), de Bosco Cavo, qui receut pour son establissement une partie de ses
revenus de sa
liberalité: mais le sacré thresor du corps d’un sainct
Martyr, estoit le plus riche gage de l’Abbaye de Boschaud, lequel on voit encor
aujourd’huy dans les ruines deplorables de cét ancien edifice soubs le grand
Autel sans qu’on sçache son nom (en
marge: Martyrol. Rom.). Ce grand amy de Dieu S. Bernard mourut la mesme
année de la fondation de Peyrouse le vingtiesme d’Aoust.
Adrian
quatriesme l’année suivante qui fut la première de son Pontificat (en marge: 1154), expedia une Bulle à
nostre Evesque Reymondus (en marge: Bull.
Ad. 4 ad ep. Petroch.) qui luy confirme tous les revenus que les Papes ses
predecesseurs luy avoient donné.
Nous
trouvons aussi que de ce temps le Comte du Perigord (en marge: Comté) fit bastir une forte & haute tour prés de
l’amphiteatre, peut estre pour se munir à l’encontre des incursions des
Rouptiers (en marge: Ma. Sc. S. Anth.),
meschans heretiques qui bien tost nous donne-
ront de la
peine. Raymond de Maiolio meurt l’an mil cent cinquante-neuf, n’ayant gueres
demeuré au Siège de Bourdeaux, où il fut ensevely dans l’Eglise Metropolitaine
de Sainct André. (hh)
Joannes
d’Asside, Evesque.
Henr. II, Roy
d’Angleterre & Duc d’Aquitaine.
Le Poictou
n’ayant peu donner d’Archevesque A Bourdeaux sur la recommandation du Roy d’Angleterre,
bailIa à Périgueux un Evesque de l’Eglise de Poictiers. Je ne sçay s’il est le
mesme que Joannes Sochius Gimnasii
Pictaviensis Ludimagister, refusé pour Bourdeaux; il fut
recogneu pour nostre Evesque l’an mil cent soixante, auquel temps l’heresie
avoit notablement gasté les esprits de ces quartiers, si que desja des paroles
ils venoient aux armes, se saisissoient des fortes places, exerçoient toutes
hostilitez possibles contre les Catholiques: specialement à l’encontre des
Religieux qui tousjours ont esté persecutez par les ennemis de l’Eglise.
― Page 56 ―
Le chasteau
de Gavaudun en Agenois (en marge: Ma. Sc.
S. Anth.), forte place à raison de son assiete servoit de retraicte à tels
brigandages (en marge: Gavaudun),
& apportoit notables dommages à leur voisinage. Nous trouvons par memoire
que nostre Evesque Jean monstra qu’il sçauoit plus que fueilleter son
Breviaire; faisant levée de gens de guerre, il alla assieger ceste place qui
sembloit inexpugnable à raison de sa position, comme il se void encores
aujourd’huy: si est-ce pourtant qu’il la força, la print, la fit razer rez pied
rez terre (en marge: Prins),
humiliant ceste canaille d’heretiques qui desja estoient appellez Ruptaris, parce
qu’ils brisoient, rompoient, froissoient les Croix, Images & Autels sacrez,
comme on peut voir dans l’epistre première & seconde du venerable Pierre
Abbé de Cluny (en marge: Pet. vener. lib. I ep. I & 2); lequel d’un costé par sa doctrine s’estoit opposé à ceste
impieté faisant brusler à S.Gilles l’autheur de ceste doctrine (en marge: Ma. Sc. ibid.), nostre Evesque
en ces quartiers s’opposa aussi par armes a leurs efforts, suyvant dict de luy
un vieux manuscript.
Quippe Gavaudunum cui par vix credo nec unum
Destruxisse solo constat.
Tous ces desordres avoient bien desbauché l’Eglise en
Aquitaine, & nos Annales (en marge:
Ann. Aquit. dub. 3 p. c. 4) asseurent que lors que le Pape Alexandre
troisiesme assembla son Concile à Rheims (en
marge: 1163; Conciles), 1’un des principaux motifs fut pour la reformation des
moeurs des gens d’Eglise d’Aquitaine (en
marge: Sygebert. contin.). Il est vray que la principale cause estoit pour
condamner & exterminer l’Antipape Victor avec ses adherans,
― Page 57 ―
mesme derechef
l’an du Seigneur mil cent soixante & trois il assembla à Tours un Concile (en marge: Conc. Turo. t. 3 anno 1163),
auquel furent dix-sept Cardinaux, cent vingt-quatre Evesques, & les mesmes
annales disent que tous les Archevesques
& Evedques d’Aquitaine s’y trouverent; partant disons quelque mot des articles qui y furent
conclus (en marge: Conclusions).
Specialement fut prohibé aux Ecclesiastiques de s’engager dans le peché sordide
de symonie, deffendu aux religieux le meslange trop familier avec ceux du
monde, les religieux du dioceze du Perigord avoient bon besoing de ceste
reformation (en marge: Reformation
necessaire), comme nous avons veu par la missive du religieux de Clervaux (en marge: Vid. sup. epist. Alquer.). Le
chapitre quatriesme recommande affectueusement aux Evesques & Curez de ces
quartiers de veiller contre les detestables heresies de Tholoze, qui desja
avoient glissé comme un chancre dans la Gascongne & Provinces voisines,
& partant, disent-ils (en marge: Vid.
infra 1220). Nous commandons à tous
les Sieurs Evesques & Presres qui demeurent en ces quartiers de veiller à
l’encontre d’eux , & prohiber par la menace de l’anatheme qu’aucun n’aye à
donner retraicte en son pays, ny secours à ceux qui seroient recogneus sectateurs
de ceste heresie (en marge: Eviter les heretiques): mais dans
peu il faudra porter des remedes plus forts & violens; l’opiniastreté de
l’estiomene ne cedant à la force de ces medicamens anodins, mettra en main le
fer & le feu contre sa malice.
Je trouve encor que nostre Evesque Joannes
Pictavienfis fit des donations (en marge:
Ma. Sc. Cancell.) au Sieur Elie
― Page 58 ―
Abbé de Chancelade & à ses Religieux des Parroisses
appellées Lateira & Saccus (en marge: Donation), pour y
bastir des Eglises. Bref ayant tenu la chaire Episcopale durant neuf ans moins
sept jours (en marge: 1169), il
deceda l’an mil cent soixante-neuf, & pour sa sepulture il y eut notable
different & procez entre le Clergé de l’Eglise Cathedrale Sainct Estienne
& Collegiale S. Front, les premiers pretendans avoir droict pour le corps
de leur Evesque l’enleverent par violence, & l’ensevelirent en leur Eglise
(en marge: Ma. Sc. S. Anth.), dont
les autres firent un grand procez, qui couta beaucoup de part & d’autre. Nous
voyons son epitaphe gravé dans un pilier de l’Eglise Cathedrale prés de sa
sepulture en ces mots (en marge:
Sepulture). ANNO AB INCARNATIONE DOMINI M.C.L.D.X. NONO.
SECVNDA DIE MAII OBIIT DOMINVS
IAANNES HVIVS ECCLESIAE EPISCOPVS, SEDIT AVTEM IN EPISCOPATV NOVEM ANNIS SEPTEM DIEBVS MINVS (en marge: Inscript. lapid. epitaph.).
Un peu à
costé on peut lire le commencement de la poesie qui ressent la rudesse de ce
siecle.
PICTAVIA NATVS HIC PAVSAT PRAESVL HVMATVS FILIVS ERGO DEI PROPITIETVR EI. (ii)
Petrus Minetis, Evesque.
Richard, Duc
d’Aquitaine.
Nous
pouvons apprendre de Petrus Blesensis (en
marge: L’an de Jesus-Christ 1169), homme celebre en l’Eglise, le pays &
parantele de Pierre Minetis ou Minetz, auquel il escrivit une epistre qui est
parmy ses oeuvres, la trente-quatriesme, par laquelle il se recognoist son
cousin & parent proche. Ce fut lors qu’il se retiroit des estudes, ses pere
& mere estans decedez (en marge:
Origine), lesquels, comme il dict en une autre epistre, estoient des plus
nobles de la petite Bretagne: voicy ses mots traduits (en marge: Petrus Blesensis epist. 34). Mon pere & ma mere ont prins leur origine des plus
apparents de la petite Bretagne, ce que
je ne dis pas par jactance, mais je repute la vraye noblesse des vertus estre plus recommandable lorsqu’elle est conjoincte avec la noblesse de
l’extraction, son epistre porte ceste
suscription, Reverendissimo Patri Petro Petrachoricensi Episcopo Petrus Blesensis suorum consanguineorum imo servorum minimus salutem & continuos ad vota succeffus (en marge: Pierre de Blois). Ce bon
― Page 60 ―
Prelat
l’avoit prié voire conjuré de venir faire sa residence avec luy dans son Palais, tant pour honorer ses
merites, comme aussi pour se servir du rare sçauoir & conseil de celuy qui
fut trouvé digne non seulement d’instruire l’Eglise en general par ses doctes
escrits (en marge: Doctrine); mais
par special fut choisi pour precepteur du fils du Comte du Perche qu’il conduit
à la Royne de Sicile, où il fut trouvé capable d’enseigner son fils voire &
tout celuy du Roy d’Angleterre (en marge: Comment. ex
Epis. 49). Ayant donc suivy la fortune qui se presentoit par le
Comte du Perche, il s’excusa envers nostre Evesque, commençant par les
loüanges de la sacrée dilection plus forte que la mort, puis qu’elle unit les
coeurs absens (en marge: Amitié),
& la mort separe l’ame d’avec le corps. (en marge: Ep. 34) Et j’ay
recogneu cecy en vous, dict-il, à la
faveur de l’expérience, puis que vous m’avez regardé d’un oeil plus favorable, moy qui suis
le plus petit & comme l’avorton de la magnificence de vostre
parantele. Vous m’avez escrit, si tant est que je me souvienne fidelement de vostre
commandement, que je me rendisse au plustost à vous pour y demeurer comme vostre domestique & commensal. Soudain mon esprit
tressaillit d’applaudissement par la parole de vostre benignité, & desja
j’avois deliberé de me rendre à vous, lors que, &c.
Quelque
temps (en marge: Chroni. Engol. Corl.)
apres la promotion de nostre Evesque (en
marge: 1171), il se presenta un employ fort honorable (en marge: Employ) pour luy à raison du mariage d’Heleonor fille du
Roy d’Angleterre, & d’Heleonor Duchesse d’Aquitaine, avec Alphonse second
Roy
― Page 61 ―
d’Espagne, où elle fut conduitte accompagnée de
l’Archevesque de Bourdeaux (en marge:
Honorable), & des Evesques de Poictiers, Engoulesme, Xaintes,
Perigueux, Agen & Bazas, de Raoul de la Faye Seneschal de la Guyenne, du
Comte de Perigord Elie fils de Bozon, & plusieurs autres Seigneurs
ausquels le Roy d’Espagne fit de beaux & riches presens (en marge: Chronic. Burdig.): l’on
proposa aussi le mariage de Richard second fils du Roy Henry avec la fille du
Comte de Barcellonne (en marge: Meynard
arrest.), luy donnant le Duché d’Aquitaine, & pource Richard surnommé
coeur de Lyon (en marge: Dub. Ann. Aquit.
3 p. c. 4), est le douziesme Duc d’Aquitaine (en marge: Richard coeur de Lyon Duc d’Aquit.).
Desja les seigneurs de ces quartiers souspirent
apres le gouvernement des François impatiens d’estre opprimez par la domination
de l’Anglois, ils se saisissent des places les plus fortes, agissent
hostilement contre ceux qui tenoient leur party, ce qui appella Henry Roy
d’Angleterre pour venir maintenir en obeyssance ce pays du Perigord qui desja
s’estoit revolté contre luy (en marge:
Ma. Sc. S. Anth.). Il y vint avec ses fils Henry Duc de Normandie, &
Richard Duc d’Aquitaine, assisté du Roy d’Arragon, du Comte de Bretagne
Geoffroy, & d’Hergamonde Dame de Narbonne pour assieger le Puy S. Front (en marge: Siege faict par les Anglois),
& s’il faut agir par conjecture; je crois que la place leur demeura, car
nous trouvons que l’an mil deux cens deux ceste ville estoit soubs leur
puissance (en marge: Dub. ibid. c. 6),
puis que la trahison pretendüe contre Poictiers y fut tramée par les Anglois
avec
― Page 62 ―
le Clerc
du Maire de Poictiers.
Les actions de pieté furent ordinaires à nostre Evesque,
nous en trouvons des marques aux sacres de plusieurs Autels (en marge: Dedicaces); il en sacra un
dans Chancelade (en marge: 1171), In honorem sancta Trinitatis, & in honorem sanctae Crucis, & in
honorem beatae & gloriofae Virginis Mariae, &
sanctorum Apostolorum Philippi & Jacobi, & sanctorum Martyrum
Sebastiani & Blasii, & sanctorum Confessorum Augustini & Nicolai,
& sanctarum Virginum Agnetis & Caeciliae anno Domini 1171. sexto nonae Maii (en marge: Ma. Sc. Cancell.). En
presence du troisiesme Abbé Gérard qui avoit esté beny par ce mesme Evesque quelque
temps auparavant.
Je trouve une inscriptîon pour l’année suivante qui marque le sacre de l’Eglise de la glorieuse Martyre Saincte Alvera ou Alvenera (en marge: Sainte Alvere), fille de ceste noble maison de Sainct Alvere en Perigord, & donna le nom à la famille qui a esté plus honorée par son haire, par sa discipline, & par sa mort sanglante, ayant esté martyrisée pour la gloire de Dieu (en marge: Sancta Alvera mart.), que par l’antiquité de sa race. Nous ne sçauons rien du temps de son martyre, les actes ayans esté perdus par les laps du temps, seulement nous voyons aujourd’huy en ce lieu son sacré chef, auquel il y a une ouverture de quatre doigts, faictc d’un coup de coutelas qui luy emporta sa benite ame. L’inscription du sacre de ceste Eglise (en marge: 1172) gravée au mur parle ainsi (en marge: Inscript. lapid.), AB INCARNATIONE DOMINI M.C.L. XXII ... PETRVS DEI GRATIA
― Page 63 ―
PETRACHORENSIS EPISCOPVS IN HONOREM B. MARIAE, ET S. IACOBI APOSTOLI,
ET S. MARII, ET S. BLASII, ET
S. CATHARINAE
VIRGINIS VI. NO. IVL.
HOC ALTARE CONSECRAVIT.
De plus l’an mil cent septante-sept (en marge: 1177) l’Eglise de Sainct Amand de Boisse est dediée par
Bernard Archevesque de Bourdeaux, accompagné des
Evesques Jean de Poictiers, Pierre de Périgueux, Aymard de Xaintes,
Lambert d’Angoulesme, & les Abbés Pierre de S. Jean d’Angeri, Jordain de
Charroux, Bernard de Nantuil, Raymond de Baigne, Julien de la Couronne, avec
celuy de Sarlat & de Sellefroin (en
marge: Chron. Engol. Corl.).
L’année apres (en
marge: 1178) r’appelle encore nostre Evesque à Chancelade pour le sacre
d’un Autel (en marge: Ma. Sc. Cancell.),
In nomine Dei, & honorem S. Crucis, & S. Marci, & S. Martini, & S. Catharina Virginis, & S.
Thomae Cantuarensis (en marge: Dedicaces). Il y avoit
seulement sept ans depuis son martyre, & les Anglois estans maistres de
ceste Province l’honnoroient desja grandement, comme j’ay veu dans plusieurs
vieilles peintures de nos Eglises. Il confera aussi à ceste Abbaye les lieux de
Cantamerlé, de Fata, de Capefrico, de Giranno, esquels
lieux l’Abbé Gérard fit bastir des Eglises.
Il ne faut
obmettre le soing Pastoral (en marge:
Action pieuse) qu’eut nostre Evesque de r’affembler tous les ossemens des Evesques ses
predecesseurs ensevelis dans l’Eglise S. Front (en
marge: Ma. Sc. S. Anth.), lesquels il transporta avec grande solemnité dans
des cercueils de pierre qu’il fit poser autour de la Chappelle qu’il de-
dia
& consacra a Saincte Catherine, faisant peindre au dessus leurs effigies,
qui commençoient depuis Bertrandus, jusques
à Gaufridus de
Cauzé, avec les inscriptions de
leurs noms. Dans ceste action toute pieuse il peut apprendre la leçon de bien
mourir (en marge: Meurt) pour la
pratiquer l’an mil cent huictante-deux (en
marge: 1182), l’onziesme d’Avril, ayant tenu la chaire douze ans cinq mois
vingt & deux jours (en marge: Chenu.
in tab. episc.), il fut ensevely dans son Eglise Cathedrale S. Estienne. (jj)
Adzemarus,
Evesque.
Richard, Duc d’Aquitaine.
Desja le cours du temps & des affaires avoit apporté de
l’ambarras à la cognoissance des droicts de l’Evesque (en marge: L’an de Jesus-Christ 1182); c’est pourquoy deslors
qu’Aymard fut promeu à l’Evesché il eut recours au Sainct Siege, obtenant du
Pape Urbain troisiesme une Bulle tres-autentique, par laquelle ce Pape à
l’imitation de ses predecesseurs Alexandre & Lucius, met soubs sa
protection & sauvegarde l’Eglise du Perigord, & déclare au long
plusieurs droicts qui requierent que je l’insere icy tout au long.
― Page 65 ―
(en marge: Bulla Urbani Papae anno
1187) Urbanus Episcopus servus servorum
Dei venerabili fratri Ademaro Petrachoricensi Episcopo, ejusque successoribus canonice
substituendis in perpetuum. In eminenti sedis Apostolica specula dispositionis dominio constituti, fratres nostros Episcopos tam propinquos quam
longe positos fraterna debemus charitate
diligere, & Ecclesiis à Deo sibi commissis paterna sollicitudine providere.
Ea propter venerabilis in Christo
frater Ademarus Episcopus, tuis justis postulationibus clementer annuimus
& foelicis recordationis praedecessorum
nostrorum Alexandri & Lucii Romanorum
Pontificum vestigiis inhaerentes, Petrachoricensem Ecclesiam cui auctore Deo praesse dignosceris, sub B. Petri
& nostra protectione suscipimus (en marge: Sub apostolicae sedis,
protectione), & praesentis scripti
privilegio munimus. Statuentes ut quascumque possessiones, quaecunque bona eadem Ecclesiae in praesentiarum juste & canonice possidet, vel in futurum
concessione Pontificum, largitione Regum,
vel Principum, oblatione fidelium, seu
aliis justis modis praestante Domino poterit adipisci, firma tibi, tuisque
successoribus illibata permaneant, in quibus haec propriis duximus exponenda
vocabulis (en marge: Bona & pheoda episcopatus). Ecclesiam S. Aviti
senioris, Ecclesiam S. Joannis de Cola, Ecclesiam S. Cypriani, Ecclefiam de
Plazaco, Ecclesiam de Peyraco, cum omnibus earum pertinentiis. Phoedum insuper
eum debito dominio quod habet a Petrachoricensi Episcopo vicecomes
Lemovicensis, & Dominus de Gordon, & illi de S. Asterio, & illi de Agonaco, & illi de Roca S.
Christophori, & illi de Albaroca, & illi de Bordelia, & caetera
pheoda quaecumque à Petrachoricensi Epis-
― Page 66 ―
copo teneantur, unum quoque Molendinum & caeteros reditus quos in
tuo Episcopatu juste habere dignosceris: (en marge: Ne distrahantur) Statuimus
praterea ut nullus cujuscumque ordinis Clericus Ecclesias in vita sua tantum sibi concessas ad jus Episcopale
pertinentes, faciat censuales, neve monachi, aut canonici seu quilibet aliis c1erici in Ecclesiis ad hunc
Episcopatum pertinentibus, sine tua auctoritate vel removere audeant, vel
instituere capellanos, nisi forte privilegiis Romanorum Pontificum vel antiqua
vel justa consuetudine committantur. Sensemus etiam ne canonici majoris Ecclesia (en
marge: Pro canonicis cathedralis Eccle.), canonicos vel clericos in ea ponere,
thesaurum distrahere, vel minuere, seu bona ipsius Ecclesia te inconsulto
alienare ulla ratione praesumant. Decernimus insuper ut tam clerici majoris Ecclesia (en marge: Et colleg. S.
Front.), quam clerici S. Frontonis in omnibus tibi obedientiam & honorem
impendant, institiam tuam tibi cum integritate conseruent. Praterea quod
communi consensu capituli vel sanioris partis consilio in utraque Ecclesia per
te canonice fuerit institutum, id ratum & firmum volumus permanere.
Cemeteria quoque Ecclesiarum & Ecclesiastica beneficia nullo haereditario jure nemo audeat possidere:
Paci quoque & quieti Petrachoricensis Ecclesia providentes inter dicimus ut
infra terminos canonice ad jus ejusdem Ecclesiae specialiter pertinentes (en
marge: Immunitates & inalienationes domorum), domibus Episcopi &
clericorum deputatis nulli laico liceat mansionem habere, vel alicui fas sit
etiam domum quam ibi habet, dare, vendere, vel cuilibet dimittere nisi
Ecclesiae, vel saltem clerico, & non sine assensu Episcopi, qui pro tempore
fuerit (en marge: Pro monachis). Porro quia quidam monachorum jus suum
Episcopis
― Page 67 ―
aufferre
contendunt, prohibemus ne monachi in Dioecesi Petrachoricensi capellanias teneant,
saceredotis capellani officium seu benefcium non assumant, sed
praasbiteris capellanis integre conserventur quacumque ad jus capellania
pertinere noscuntur. Auctoritate quoque Apostolica interdicimus ut nec
clerici, nec monachi, seu quilibet religiosi interdictos sive excommunicatos
Petrachoricensis Episcopi (en marge: Pro excommunicatis), vel ministrorum ejus in Ecclesiis
scienter recipiant, vel illis praesentibus divina celebrent officia, nec ad religionis habitum eosdem
excommunicatos sine satissactione suscipiant, si satisfaciendi potestatem
habeant, nec si mortui fuerint eos sepelire praesumant. In parochialibus
siquidem Ecclesiis (en marge: Pro parrochis & capellanis), Petrachoricensis
Dioecesis ad Episcopum pertinentibus, absque licentia & assensu Episcopi
presbyter capellanus minime statuatur. Prohibemus autem ne presbiteri capellani
Ecclesiarum ad jus
Petrachoricensis
Episcopi distrahere vendere vel obligare praesumant, seu alio quolibet titulo
alienare, & si factum fuerit irritum habeatur. Sacrorum quoque canonum
auctoritatem sequentes, interdicimus ut nullus Episcopus vel Archiepiscopus (en marge:
Pro Archiepisc. & Episc.) absque assensu Petrachoricensis Episcopi in Dioecesi
Petrachoricenfi conventus celebrare, causas & Ecclesiastica negotia ejusdem
Dioecesis tractare praesumat, possessiones etiam seu quaelibet dona
Petrachoricensis Episcopi, vel qua ab ipso in pheudo vel alio modo tenentur, nulli Ecclesia seu persona contra aliquam & rationabelem consuetudinem, & sine assensu ejusdem Episcopi liceat conferre,
impignorare, vendere,
seu
cuilibet dare, vel
quolibet
alio titulo alienare.
― Page 68 ―
Quartam vero
partem decimarum (en marge: 4. pars
decimarum pro Episc.) juxta canonicam sanctionem, sicuti antecessores tui hactenus habuerunt, tibi
tuisque successoribus auctoritate
Apostolica confirmamus: Decernimus ergo
ut nulli omnimo hominum fas sit praefatam Ecclesiam temere perturbare, aut ejus possessiones auferre, vel ablatas retinere,
minuere, seu quibuslibet vexationibus
fatigare, sed omnia integro conserventur
eorum pro quorum gubernatione ac sustentatione
concessa sunt usibus omnimodis profutura, salva sedis Apostolica auctoritate, & Burdigalensis Episcopi debita reverentia.
Si qua igitur Ecclesia in futurum, vel secularis
persona hanc nostrae constitutionis paginam
sciens contra eam temere venire tentaveris,
secundo tertiove commonitus nisi praesumptionem suam digna satisfactione
correxerit (en marge: Comminationes),
potestatis honorifique sui careat
dignitate, reumque se divino judicio
existere de perpetrata iniquitate cognoscat, & a sacratissimo corpore
& sanguine Dei, ac Domini Redemptoris
alienus stat, atque in extremo examine districtae
ultioni subjaceat, cunctis autem eidem Ecclesia sua jura
servantibus sit pax Domini nostri Jesu Chrifti, quatenus &
hic fructum bonae actionis percipiant, & apud districtum judicem praemia aeterna pacis inveniant. Amen.
(en
marge: Signaturae) Ego Urbanus Catholicae Ecclesiae Episcopus. Ego Petrus
Debutz Presbiter Cardinal tituli S. Susannae. Ego Laborans Presbiter Cardinalis
Sanctae Mariae Transtyberim, tituli Calixti. Ego Presbyter Melior Cardinalis
SS. Joannis & Pauli tituli Pamachis. Ego Adelardus tituli S. Marcelli Presbiter
Cardinalis.
― Page 69 ―
Ego Henricus Albaniensis
Episcopus. Ego Paulus Praenestinus Episcopus. Ego Theobaldus Hostienfis
Zelletinensis Episcopus. Ego Jad. Diaconus Cardinalis S. Mariae in Tosnudum. Et
ego Cratianus SS. Cosmae & Damiani Diaconus Cardinalis. Ego Radulphus S.
Georgii Ad velum aureum Diaconus Cardinalis. Datum per manum Alberti S.
Romanae Ecclesiae Presbiteri Cardinalis & Cancellaris decimo Kalendas
Octobris indictione sexta Incarnationis Domini anno 1187. Pontificatus vero Domini Urbani Papa tertii anno
secundo. (en
marge: 1187)
Ceste Bulle Apostolique signée par douze Cardinaux,
assoupit beaucoup de querelles entre le Clergé de ceste province.
Je conjecture avec beaucoup de
probabilité que dés quelques années le Monastere des Dames Religieuses de
Ligueurs en Perigord (en marge: Fund.
monilium lygurii ord. S. Bene.) avoit esté fondé par nos Roys (en
marge: Ligueulx), soubs la
reigle estroicte de S. Benoist. Les premieres asseurances que j’en trouve apres
les ruines des siecles passez, sont la Bulle du Pape Clement troisiesme donnée
en leur faveur à l’arrivée de son Pontificat. tertio Kalendas Junii anno 1188.
Pontificatus anno primo (en marge: 1188),
par laquelle plusieurs privileges sont conferez à ceste Abbaye (en marge: Bull. Clem. 3. an. 1188), la
quelle estant accreüe par les liberalitez de plusieurs Seigneurs du voisinage,
ce Pape la met soubs sa protection paternelle, donnant à l’Abbesse le droict
de presentation aux Eglises dependantes de leurs manses & autres
privileges, qui furent derechef confirmez par le Pape lnnocent quatriedme dans
― Page 70 ―
sa Bulle (en marge:
Bull. Inn. anno 1243) baillée à Lyon decimo quinto Kalendas Julii anno 1243. Pontificatus anno secundo (en marge: 1243). Et ce sans
prejudice de la jurisdiction & droicts appartenans à l’Evesché.
N’advançons tant le pas, sans prendre garde que
nostre Evesque l’année mil cent huictante-neuf (en marge: 1189) fut à la compagnie de plusieurs Archevesques &
Evesques assemblez au transport des Reliques de S. Estienne de Muret (en marge: Reliques honorées), fondateur
de l’Ordre de Grandmont, comme tesmoigne Guido en ces mots (en marge: De Cruce in Tab. Episc. Cadurc. ex
p. Guid.), Circa finem mensis
Augusti sub annum Domini millesimum centesimum, octuagesimum nonum celebravit
digno cum honore relevationem corporis S. Stephani Confessoris cum processione
solemni convocatis & praesentibus ibidem tribus Archiepiscopis scilicet
Henrico Bituriensî, Helia Burdigalensi, & Raymondo Apamiensi qui apud Grandimontem
de Partibus tranfmarinis exul advenerat; nec non sex Episcopis, Silvando
Lemovicensi, Guillelmo Pictaviensi, Adzemaro Petrachoricensi, Gerardo
Cadurcensi, Bernardo Agennensi cum multis Abbatibus & Religiosis.
L’année après nous apportera la paix en ses commencemens, & finira en guerres & oppressions: car Richard Duc d’Aquitaine surnommé Coeur de Lyon (en marge: Richard Duc d’Aquitaine), est faict Roy d’Angleterre (en marge: 1190) l’an mil cent nonante (en marge: Ann. Aquit. 3 p. c. 5), & desja la Croizade avoit esté conclüe au Concile de Paris (en marge: Concil. paris. to. 3. anno 1190) contre Saladin, qui avoit pris sur les Chrestiens la ville de Hierusalem, ce qui avoit obligé le Roy de France Philippe de faire paix avec Henry & Richard (en marge: Duché), ils
― Page 71 ―
s’en vont de compagnie au voyage d’outremer avec
tres-puissante armée (en marge: Gagni.
lib. 6). Mais nostre Roy pour certaine cause rebroussant chemin vint en
Normandie assieger des villes qui appartenoient au Roy d’Angleterre. Richard
vint au secours, & prenant terre est prins prisonnier par le Duc
d’Austriche qui le met à rançon de cent cinquante mille marcs d’argent (en marge: Rançon): payement qui vint
fondre sur les benefices, sur les croix, calices, chasses , & joaliers des
Eglises d’Aquitaine. Ceux qui en cachette les peurent sauver firent un bon coup
(en marge: Ann. Aquit. ibid.), ce que
je n’espere des Eglises de ceste province trop asservie soubs la puissance
Angloise.
Nous pouvons en suitte apprendre qui estoit en ce temps le
Comte du Perigord par l’autentique inscription du sacre de l’Eglise de Sainct
Martin de Limueil (en marge: Dedicace),
faict par nostre Evesque l’an mil cent nonante-quatre (en marge: Inscript. lapid.; 1194). ANNO AB
INCARNATIONE DOMINI MILLESIMO CENTESIMO NONAGESIMO QVARTO, INDICTIONE DVODECIMA
CONCVRRENTE QVINTA, EPACTA XXVI. TERTIO KALEND. FEBRVARII
DIE DOMINICA, LUNA QVARTA, DEDICATA EST HAEC ECCLESIA
ET ALTARE A DOMINO ADEMARO PETRACHORICENSI EPISCOPO,
IN HONOREM S. TRINITATIS, ET S. MARIA
VIRGINIS, ET S. MARTINI EPISCOPI ET CONFESSORIS, ET
B. PAVLI APOSTOLI, ET B. THOMAE ARCHIEPISCOPI
ET MARTYRIS ET S. CATHARINAE
VIRGINIS ET MARTYRIS, ET OMNIVM SANCTORVM DEI.
― Page 72 ―
HEBRARDO
DEVILLARS HVIVS ECCLESIAE DIACONO EXISTENTE, PHILIPPO REGE FRANCORVM IMPERANTE,
RICHARDO REGE ANGLIA DVCATVM AQVITANIAE TENENTE, ELIA TALEYRANDO PETRACHORIORVM
COMITE, IN METRAPOLICA BVRDIGALENSI ELIA
RESIDENTE (en marge: Helie Taleyrand
Comte de Perigord; Comté).
Quelque temps apres ce Roy Richard fut tué à Chalus (en marge: 1200) en punition de son
avarice (en marge: Ann. Aquit. 3 p. c. 5;
Chron. Burdig.). Jean sans terre succede au Royaume & au Duché (en marge: Jean sans Terre Duc d’Aquit.;
Duché), lequel bien tost apres fut reuni à la couronne de France, d’autant
qu’il fut convaincu des crimes d’avoir faict mourir son nepveu le Duc de
Bretagne, & de rebellion audit Roy Philippe.
Ademarus restoit encore nostre Evesque l’an mil deux cens
neuf (en marge: 1209), & fut
choisy avec l’Archevesque de Bourdeaux Elie (en marge: Arbitres) pour arbitrer & accorder les differens
survenus entre les Abbés de Pontigni & de Cadouin (en marge: Ma. Sc. Cadun.), & fut déclaré par eux que Cadouin
estoit de la filiation de Pontigni la septiesme en rang des Abbayes qui luy
sont subjectes en divers diocezes.
Je ne puis obmettre la saincte resolution de trois nobles
freres de ceste province, de la maison de la Faya, qui ceste mesme année 1209 consacrerent
leur maison & tout leur bien (en
marge: Fondation), qui estoit és Parroisses de Laguliac & de Mensegniac
pour eriger un Prioré Conventuel de l’Ordre S. Augustin (en marge: Fund. priorat. convent. de la Faya anno 1209), dependant
de l’Abbaye de la Couronne prés Angoulesme, soubs le tiltre Beatae Mariae de Faya. Arnaldus l’aisné des
trois freres estoit Chanoine de S. Front (en
marge: Ma. Sc.);
Joannes estoit Moyne de la Grand Selve; & Guillelmus le
troisiesme renonça à l’heritage & à son patrimoine pour en faire une
offrande à Dieu & à sa saincte mere, Pro se & toto genere suo, in suarum & suorum patris &
matris, & omnium parentum remedio animarum, dict le
tiltre de la fondation, qui fut confirmé par Archambaud qui fut dans peu Comte
du Perigord. (kk)
Radulphus de Turribus,
Evesque.
Phil., Roy de France & Duc d’Aquitaine.
Nous descouvrons un peu tard (en marge: L’an de Jesus Christ 1209) le mal tout chancreux de
l’heresie Albigeoise (en marge: Catel.
lib. 2 Com. Tholos.), qui adjoustant sa malignité sur les escarres de la
Vaudoise & Petrobrusienne (en marge:
Heretiques), rendit enfin les parties nobles de ce pays irremediables; le
voisinage de l’Agenois nous communiqua le venin qui l’avoit tout à faict
infecté (en marge: Darn. Antiqui. Agenn.
c. 12), d’autant qu’il appartenoit au Comte de Tholoze Raymond (en marge: Rebelles), assez diffamé pour
estre le fauteur & promoteur de ceste detestable impieté (en marge: Aeneas Sylv. ex Sygib.), qui
fut mesmes appellée Agennoise, aussi bien
que Albigeoise. Durant
prés de cent ans l’Eglise fut
― Page 74 ―
affligée par ce party rebelle à Dieu & au Roy. Enfin l’an mil deux cens dix (en marge: 1210) le S. Pere fit publier
contr’eux la Croizade (en marge: Geneb.
Chronol.), dont Symon Comte de Montfort fut general (en marge: Guill. Nang.), & apres
plusieurs nobles exploicts de guerre faicts dans le Languedoc (en marge: Humiliez) il vint subjuguer en
Aquitaine les places rebelles (en marge:
Paulus aemil.). Cassaigneul qui est en Agenois estant pris sur les ennemis
le Comte passe au Perigord, vint au Chasteau de Domme ou Domnis (en marge: 1213), trouve qu’à son arrivée
ces heretiques enragez l’avoient abandonné, & partant il ordonna qu’on demolist
une grande tour du chasteau.
Demy lieuë au delà le chasteau de Montfort estoit commandé
par Bernard de Casnac, à qui la cruauté naturelle à l’heresie, n’avoit rien
laissé d’humain que la face. Sa femme estoit soeur du Vicomte de Turaine, qui
de beaucoup encor surpassoit la cruauté felonne de son mary, & partant la
memoire de ces deux Lestrigons sera à jamais en malediction dans ceste
province (en marge: Pet. vall. Sern.
hist. Albi. c. 142); tous deux notables pilleurs de nos Eglises, meurtriers
inhumains des soldats croisez, qu’ils surprenoient aux passages, lors qu’ils
s’alloient joindre aux armées du Comte Montfort, bourreaux inhumains des
pauvres Catholiques, desquels le Comte Montfort trouva au Monastere de Sarlac
plus de cent cinquante refugiez, qui ayans esté pris par ce tyran leur avoient
couppé les pieds & les mains (en
marge: Cruautés), poché les yeux (en
marge: Noger. lib. 2 c. 25); & la femme plus sanguinaire avoit arraché
les mammelles aux femmes, couppé les poulces
― Page 75 ―
pour les rendre inhabiles au travail, & plusieurs
autres inouys phalarismes que deux anciens historiens escrivans ceste
persecution des Catholiques, s’excusent si plus au long ils n’osent dire de
plus grandes inhumanitez: desquelles
la nature la plus desnaturée auroit horreur. Au bruict de l’arrivée du Comte Montfort ces sanguinaires
quittent la place, s’enfuyent au devant de sa furie justiciaire, le chafteau
est donné pour estre demoly à l’Evefque de Carcassonne, tres-zelé en cét oeuvre
de Dieu.
De plus le chasteau de Castelnau n’estant guere loing
de ceste place forte & dangereuse (en
marge: Places remises), fut d’abord abandonné par les Routiers (en marge: Chron. de Sym. de Montfort):
ainsi estoient encore appellez les rebelles, pour la raison desducte cy dessus
(en marge: Vid. sup. anno 1163). Le
Comte ne voulut faire démolir ceste forteresse: ains y fit dresser une
citadelle pour la garnison qu’il y mit. Le quatriesme lieu estoit le chasteau
de Beynac ou Bariac, appartenant à un Seigneur signalé persecuteur de l’Eglise
(en marge: Persecuteurs d’Eglise),
qui avoit pillé, volé, bruslé plusieurs Temples & biens Ecclesiastiques. Le
Comte de Montfort luy envoya le choix, ou de rendre aux Eglises ce qu’il avoit
si injustement & violemment ravy, ou bien de se resoudre à voir son
chasteau desmoly, luy assignant temps prefix pour se resoudre. Cependant il se
saisit de la place abandonnée comme les autres.
Beynac tardoit trop a la response sur l’esperance
que le Comte laisseroit son chasteau comme le precedent pour estre frontiere
contre
― Page 76 ―
l’Anglois,
qui tenoit tout ce qui estoit au delà en sa domination contre le Roy de France
Philippe (en marge: P. Vall. ser. c.
143 & noger. ibid.); mais il commanda la demolition des Tours &
murailles (en marge: Demolitions); de
forte que la prinse de ces quatre chasteaux où l’heresie avoit regné, dont ils
sont appellez le
Siège de Sathan, apporta beaucoup de
repos & de paix non seulement à nostre province (en marge: Paix), mais encor à l’Agenois, Quercy & Limousin,
suivant la remarque des Autheurs dont je me suis servy, specialement de la
Chronique ancienne, qui depuis quelques années a veu le jour à la fin des
Comtes de Tholoze faicte par Catel (en
marge: Siege de Sathan). In praedictis quatuor castris, scilicet Doma, Monteforti,
Castro novo, Beynaco, Petrachoricenfis Dioecesis, à centum annis, & ante a
sedes fuerat Sathana ab iis egressa fuerat iniquitas super faciem terrae
illius, quibus subjugatis reddita est pax & tranquillitas non solum
Petrachoricensibus, & Cadurcencibus; sed & Agennensibus &
Lemovicensibus pro magna parte: quoy
que la guerre contre les heretiques ne finit qu’environ l’an mil deux cens
quarante & trois, selon Paul Aemile (en
marge: Paul Aemil. l. 7; Chronic. incerti auth. ab anno 1202 ad 1311 apud cat.
comit. Thol.).
Cependant dés l’année mesme (en marge: 1213) de ce grand bien apporté à ces quarties par le Comte Montfort, 1’Archevesque de Bourdeaux avec nostre Evesque & celuy de Bazas, escrivent au Pape Innocent (en marge: Epistol. Arch.) la paix comme asseurée en ceste province, pourveu que le Comte Reymond ne fut remis dans les terres, dont il avoit esté justement depossedé; Cum enim, disent-ils, in partibus dictis pestis haeretica gravitatis jam adeo pullu-
― Page 77 ―
lasset, quod eisdem corruptis
poenitus partes affines affectura morbo simili videbatur, cumque Rothariorum
violentia principibus omnibus ejusdem terrae consentientibus & hoc idem
facientibus, Ecclesias, fidemque Catholicam, omnemque Religionem Christianam
nostris impugnaret, vestrae providae discretioni placuit has incommoditates
sapienti consilio refraenare, quo fidelium signatorum, & Comitis
Montisfortis mediante labore per mandatum vestrum in parte maxima tam
haereticos quam Rotharios de sedibus suis dejecit; ita quod divinus cultus
& pax Ecclesiastica videatur in dictis partibus restorere, &c (en marge: Burdigal. & Episc.
Petroch. & Vasat. ad Inno. Pap.; Advertissement necessaire). l’encourageant
au surplus, & suppliant qu’il ne se laissast fleschir par les prieres du Roy d’Arragon, de peur
que l’oeuvre de Dieu demeurast acroché par la remise de la confiscation du
Comté de Tholoze, & qu’ainsi error
novissimus esset peior priore & excidium inde clero & Ecclesia
immineret (en
marge: Ibid.). Le
semblable fut escrit par plusieurs autres Prelats de ces quartiers soubs la
crainte de ceste remise, laquelle aussi ne fut aucunement accordée.
Mais ce n’est pas tout d’apporter les remedes
temporels contre le poison des ames (en
marge: Remedes spirituels), les spirituels sont encore plus necessairees (sic) affin de rappeller les desvoyez par
doctrine & bon exemple. Dieu pour lors avoit donné du ciel à son Eglise
deux plantes alexipharmaques contre la secte Albigeoise, les deux grands
Patriarches S. François & S. Dominique fondateurs des deux ordres celebres,
l’un des Prescheurs, &
― Page 78 ―
l’autre
des Mineurs, lesquels dés leur naissance toutes les provinces vouloient
transplanter à l’envy dans les villes & lieux opportuns pour antidote de
l’infidelité. Raouil de Lastours estoit en ce temps (en marge: 1217) nostre Evesque (en
marge: Chenu in tab. ep.; Gall. Christ. ib.), voire dés l’an mil deux cens
dix-sept, auquel il avoit esté arbitre sur les differens intervenus entre les
habitans de la ville de Périgueux & ceux de la cité (en marge: Ma. Sc. dom. publ.). Il fut soigneux pour la singuliere
& tres-rare pieté de l’ordre du glorieux Pere S. François (en marge: Convents de S. Franc.)
d’appeller à sa ville les Freres Mineurs (en
marge: Fundatio com. fra. min.), qui dans peu se peuplerent beaucoup dans
son Diocese: ce Convent fut le trentiesme en rang de fondation dans la province
d’Aquitaine appellée Recentior,
ayant soubs sa custodie six Convents du mesme ordre; celuy
d’Aubeterre fondé par le Seigneur du lieu, de saincte Foy, d’Essideul, de
Sarlac, de Montignac, de Bergerac (en
marge: Ordo. Seraphic. Gonzag.), qui tous de nostre siecle ont notablement
senty les rages & ravages des successeurs à la malice de ceux qui pour lors
estoient impugnez & convertis par les armes spirituelles de ces saincts
ouvriers. Ce fut l’an mil deux cens vingt (en
marge: 1220) que l’Evesque Raoul posa la premiere pierre de l’Eglise du
Convent de Perigueux (en marge: Wandi. t.
2 ann. minorum), bastiment qui fut tres superbe, comme nous lisons dans le
relief de mazures qui sont encor sur pied.
Je juge qu’en suitte au mesme temps (en marge: Religieuse S. Claire),
l’establissement des Filles de Sainct
Claire fut faict (en marge: Fund. Con. S.
Clarae), par le don que le chapitre (en
marge: Ma. Sc. cap. Sanc. Steph.) de S. Estienne fit de l’Eglise &
bastiment de l’Hospital S. Jacques
― Page 79 ―
tout proche la riviere de l’Isle, où jadis
un pont la traversoit: cest’ Eglise, bastimcnt & clos leur furent donnes à
la charge qu’à la muance d’Abbesse, elle porteroit par hommage au grand Autel
de S. Estienne un cierge d’une livre allumé durant la grande Messe (en marge: Hommage); comme aussi que tous
les ans elle donneroit de rente un Marbotin d’or, vallant vingt sols, &
deux livres d’encens: ce qui me faict conjecturer que ce Monastere fut
estably pour les Religieuses qui vivoient soubs la modification de la première
reigle que Sainct François donna à Saincte Claire (en marge: Reg. S. Clarae) & à ses filles. Choppin dans son
Monasticon (en marge: Chopp. Monasticon
lib. I), faict mention d’un arrest du grand Conseil, donné le dix-huictiesme
Janvier l’an 1595 (en marge: Arrest) par lequel
l’Abbesse de ce Convent nommée par les suffrages des Religieuses est confirmée
contre celle qui avoit esté nommée par le Roy: d’où il infere que ceste Abbaye,
ny toutes celles des pauvres Dames de Saincte Claire ne peuvent tomber soubs la
nomination des Roys de France. (ll)
Raymundus
de Pons, Evesque & Cardinal.
Louys VIII, Roy de France &
Duc d Aquitaine.
Henry Roy d’Angleterre portant à contre-coeur que le Duché
d’Aquitaine avoit esté (en marge: L’an de
Jesus-Christ 1223), quoy que tres justement, osté à Jean son frère &
predecesseur, envoye à Bourdeaux son frère Richard avec trois cens vaisseaux.
Le Roy Louys huictiesme ayant besoing de la faveur du Perigord pour le passage
de son armée contre ses ennemis, donna au Seneschal de ceste province
commandement expedié l’an mille deux cens vingt & trois (en marge: Ma. Sc. do. comm), de
conserver & honorer les habitans de Perigueux, parce qu’il les avoit
retenus perpetuellement annexes à la couronne de France; En suitte il depeche à
l’encontre de l’Anglois son Mareschal (en
marge: Ann. Franc.), qui pour traverser la Dordougne met le siege devant
Limeul (en marge: Anglois depossedez),
qui luy resistoit, & descendant plus bas contraint Bragerac de se mettre en l’obeyssance du Roy (en marge: Math. Paris.): ainsi l’arrivée de ce foudre de guerre fit
flechir tout le Perigord, &
― Page 81 ―
presque toute la Guyenne luy obeyt (en marge: Dubouch. p. 3 c. 7): si que Richard fut contraint de revoir l’Angleterre
avec ses vaisseaux chargez de honte & confusion. L’an 1226 S. Louys succede à la couronne de France (en marge: 1226), & sur l’an 1230 nous
avions pour Evesque Raymond de Pons (en
marge: 1230), de ceste ancienne & tres-illustre maison (en marge: Andr. le Chesne recher. des vill.
de France), qu’on croit tirer son origine de Helius Pontius nepveu de Pompée
(en marge: Sieur de Pons). Nostre
prelat estoit fils de Bertrand de Pons, qui fut tué au
premier voyage de la terre Saincte dans le siege de Hierusalem baillant
l’assaut, & forçant la tour de David avec les trouppes qu’il conduisoit de
son oncle Raymond Comte de Tholoze quatriesme du nom (en marge: Catel. compt. de Thol. lib. 2 c. 1), parrain de nostre
Evesque. Il fut le
premier des trois Cardinaux qui se trouvent dans la genealogie de ceste famille
(en marge: Ma. Sc.), qui contient
aussi plusieurs Evesques de Xaintes & d’Angoulesme. Je conjecture aussi
qu’il ne fit residence en son Evesché, estant ordinairement occupé à la Cour du
Pape Gregoire neufiesme.
L’an 1231 (en
marge: 1231) marque Archambaud premier du nom pour Comte de Perigord (en marge: Archambaud I, Comte du Perigord),
& l’année suivante met Elies Taleyrand Comte (en marge: Helies Taleyr.; Com. Augenius Comte du Perigord), il fut
mary de Brunisande fille d’Augenius jadis Comte de la mesme province.
Il ne faut obmettre en ce lieu ceste divine
& toute extraordinairement prodigieuse punition (en marge: 1233) qui arriva l’année suivante 1233 à ce
blasphemateur & mespriseur sacrilege de la saincte Croix au bourg de S.
Leon prés de la Vezere
― Page 82 ―
en
Perigord. L’inscription sur la pierre nous faict foy comme B. Boni seruiteur
domestique de la Peyronnie en deqpitant la saincte Croix qui est hors le bourg,
lança un dard qu’il avoit en la main contre le sainct Crucifix, dont soudain
le sang rejallit; pour accuser l’impieté de ce nouveau deicide, qui soudain
tomba roide mort sur la place (en marge:
Punition divine), ayant son visage tourné derrier devant. J’ay veu le
sepulchre de ce sacrilege, qui n’est guieres loing du piedestal de ceste Croix
de pierre, prés duquel il y a quelques années on trouva l’inscription suivante
(en marge: Inscription lapid.) qu’on
a de nouveau gravé sur la porte de l’Oratoire.
L’AN DE
GRACIA 1233. ET LO 5. DE NOVEMBRE SAVI ET
MALVAT B. BONI SERVITOVR DE LO PEYRONNIO EN IVRAN. DIV SE
COVRROVÇANT CONTRE LA CROVX DE L’HOSPITAL, GITET DARD QVE SANNET ET LO VISAGE LI TOVRNET DAAN DARRE, ET MOVRIET
AQVO EN PRESENCE DE THEVE TALONARY ET IEAN THEVLETI, ET
FO FAOT UN BEL MIRACLE ,
SIGNE. B. FILIOV. (en marge: 1233)
Sans
doubte le blasphemateur estoit Albigeois, qu’on appelloit Rouptiers (en marge: D’un Albigeois) pour les
raisons cy-dessus alleguées (en marge:
Vid. sup. 1160). Du depuis ce lieu a esté dans le pays fort en vénération. (mm)
Petrus
de S. Asterio, Evesque.
S. Louys, Roy
de France
& Duc d’Aquitaine.
Pierre de S. Astier (en marge: L’an de Jesus-Christ 1233), issu de la noble maison de l’Isle (en marge: Chenu Gall. Christ.; Origine), marqua
bien avantageusement son zele & sa pieté envers son dioceze durant trente & trois ans, &
sa fin sera couronnée du martyre non sanglant de la vie
religieuse. Il estoit Evefque de Perigord dés l’an 1233 & fut
tellement accredité parmy les eiens, qu’és affaires les plus importans pour le
public on luy deferoit toute la decision, comme au pere commun de tous.
Desja plusieurs contrastes survenoient entre ceux qui
habitoient le Puy S. Front & l’ancienne cité (en marge: Ma. Sc. dom. comm.), d’autant que le nombre des maisons
du bourg redifié depuis qu’il fut bruslé, surpassoit de beaucoup ceux de
l’ancienne ville; & partant ils vouloient attirer à eux les droicts &
jurisdictions de la maison commune (en
marge: Debats); voire bien souvent les uns tenans le party Anglois, les
autres celuy du Roy de France, mettoient tout en sedition implacable par tout
autre que par leur Evesque. Ainsi l’an 1240 il fut
nommé arbitre (en marge: 1240)
― Page 84 ―
avec Elies
de Valbec Donzellus, & le Majeur ou Maire de la ville (en marge: Arbitres), par lesquels fut arresté que doresnavant ces
deux communautez ne seroient qu’un mesme corps sans se faire guerre: mais ceste
playe se r’ouvrira dans peu; au moins en l’année suivante 1241 le bon-heur & comme la branche
de l’olive pacifique (en marge: 1241),
fut posée entre les deux villes par restablissement de l’Ordre des Freres
Prescheurs (en marge: Freres Prescheurs),
au lieu où jadis Sainct Euparche fils du Comte du Perigord avoit basty une
Abbaye (en marge: Vid. sup. anno 850),
& du depuis les Chanoines reguliers de S. Jean de Colle avoient un Prioré
& Eglise dediée à S. Martin. Joannes Balistarius Lymosin, conduisant les
premiers Religieux de son Ordre depuis peu estably par S. Dominique pour l’antidote
de la secte Albigeoise, qui encore repulluloit de tous costez, se vint presenter à
l’Evesque, qui le receut avec sa troupe religieuseuse à
bras ouverts, & Bernard Guidonis qui escrit ceste fondation (en marge: Ma. Sc.; Bernard. Guido. in thes.
F. Praed. Burdig.), remarque que pour lors dans le Chapitre Cathedral, multi reverendi & magna
probitatis veri florebunt: lesquels unanimement s’accorderent
avec l’Evesque pour faire un eschange avec les Chanoines de Sainct Jean (en marge: Eschange), jugeans que leur Prioré & Eglise sembloit
convenable pour l’edifice d’un Convent de l’Ordre des Freres Prescheurs, ils
leur donnerent au commencement en eschange l’Eglise du Toulon, & depuis
l’Eglise de S. Martin prés des murs de la ville. Commençans donc leur Eglise en
ce lieu, ils y trouverent la precieuse
― Page 85 ―
relique du Cranne de S. Denis l’Areopagite (en marge: vide sup. ann. 850), qui avoit
esté conservée depuis le temps des Normans
dans les ruines de ces bastimens, anciens
comme nous avons dïct.
Délors que S. Louys fut appellé à la couronne (en marge: Revolte), & la Regence fut
donnée à sa mere; plusieurs seigneurs mescontens couvoient dans le coeur la
rebellion (en marge: Annal. Aquit. p. 4
c. I), specialement le Comte de la Marche & Angoumois, qui poussé par
la superbe de sa femme accreut ce malheur (en
marge: Joinville), après le mariage d’Alphonse frere de S. Louys avec la
fille de Raymond dernier Comte de Tholoze. Pour lors le Roy erigea le Comté de
Poictou en Duché (en marge: Nangis),
& le donna à son frère, ce qui mit le fumet dans ces deux esprits tous
disposez à la rebellion (en marge: Paul.
Aemil.). Ils appellerent en Guyenne Henry Roy d’Angleterre avec une
puissante armée navalle, qui traina apres soy le soulevement de tout le pays,
dans lequel le Comte du Perigord Elie, comme aussi nostre Evesque furent
enveloppez, tenant le party de l’Anglois, sans en demordre ny par la victoire
que S. Louys emporta sur eux à Taillebourg, ny par la douceur ayant accordé
tresves à ses ennemis (en marge: 1246):
veuque l’année 1246 Pontius Seneschal du Perigord par vertu de la commission
qu’il avoit du Roy, se presenta avec main forte au chasteau de Rolphius (en marge: Sieges), qui estoit proche de
l’amphiteatre, sommant le Comte de rendre la place au Roy (en marge: Ma. Sc. domus comm.), & sur ce refus il somma
l’Evesque de rendre aussi son chasteau Episcopal qui estoit proche, mais
― Page 86 ―
il n’y receut que du refus & injures, voire des tours
en avant on blessa son cheual; dequoy irrité il fit dresser sur le champ les
machines de batterie contre le chasteau Episcopal, deffendant de tirer contre
l’Eglise Cathedrale qui estoit contigüe. Je ne sçay l’issue de ces sieges,
seulement trouve-je que l’année suivante (en
marge: 1247) fut faict un traicté de paix entre Elie Comte de Perigord, le
Chapitre de S. Estienne, les chevaliers & bourgeois de la ville, &
quelques habitans du Puy S. Front (en
marge: Paix): mais cela ne fut de longue durée (en marge: 1250); car l’an 1250
une estrange sedition derechef s’allume entre les deux
communautez, & pour l’estouffer en sa course, ils font un compromis de
croire le Sieur Evesque en ce qu’il ordonneroit sub poena duodecim mille solidorum. Par sa sentence il condemna les habitans de la cité d’aller
en procession à l’Eglise des Freres Prescheurs tous en chemise, & que là à
genoux ils demanderoient pardon à ceux de la ville, veu qu’ils les avoient
notablement offencez (en marge:
Satisfaction).
L’an 1258 nous apprend (en marge: 1258) qu’Archambaud second du nom estoit nostre Comte (en marge: Archambaud 2, comte du Perigord; comté); il eut pour
femme Marie fille de Raymond quatriesme du nom Comte de Tholoze (en marge: Belloy l’est. de la mes. darm.),
a laquelle Alphonse Duc de Poictiers, & successeur de la Comté de Tholoze,
donna en dot la terre de Labardat. Et l’année suivante (en marge: 1259) nous presente une
notable union entre les deux communautez si souvent divisées (en marge: Ma. Sc. D. C. titul. & ne nos.);
elle fut traictée à la promotion de nostre Evesque, & ce en suitte
― Page 87 ―
de l’accord general que fit le Roy S. Louys avec le Roy
d’Angleterre, lequel il avoit attiré en France, avec ses femme & enfans,
& les principaux de son Royaume: & pour satisfaire à quelque scrupule
de sa conscience (en marge: Math. Paris.),
neantmoins contre l’opinion de son conseil, il luy donna à hommage une partie
de l’Aquitaine (en marge: Paul. aemil.),
qu’il appella Guyenne, prenant l’ethimologie des Ducs Guielmes. L’estenduë de ce Duché comprenoit seulement
trois Seneschaussées, Bourdeaux, Bazas, les Landes, ou Bayonne, avec
Xaintonge, Perigord, Agenois & Lymosin. Auparavant cet accord, qui est
plustost un don faict gratuitement à l’estranger (en marge: Donation à l’Anglois), le Roy avoit envoyé Thomas de
Monthalairdon chevalier, maistre de ses arbalestiers vers le Comte de Perigord
pour le sommer derechef en presence de l’Evesque de remettre son chasteau à l’obeyssance du Roy avec Geoffroy du Pont qu’il y tenoit
prisonnier (en marge: Ma. Sc. do. comm.).
Le Comte demanda un jour pour y deliberer (en
marge: Sommation), mais ne pouvant gaigner la volonté des soldats qui
tenoient la place, volontairement il se rendit prisonnier soubs esperance de
fléchir les rebelles qui tenoient sa maison. Le tiltre qui testifie ce narré
est seellé du cachet Episcopal, & commence par son nom Petrus.
Enfin
la paix entre les souverains fit que tout le pays jouyt d’une grande
tranquillité (en marge: Paix), dans
laquelle nostre Pasteur s’estudia aux actions de pieté, specialement d’avancer
la fabrique du
― Page 88 ―
Convent des Freres Prescheurs (en marge: Bern. Guido. Ma. Sc.), pour laquelle il donna bonne somme d’argent, unde non immerito, dict le manuscrit, D. Episcopus fuit conventus fratrum Praedicatorum vere pater & patronus. (en marge: 1260) Et augmentant de plus en plus en affection l’année 1260 il ordonne
(en marge: Fondation)
l’establissement d’un Convent de cét Ordre dans la ville de Bragerac (en marge: Fund. Conv. F. Praed. Brager.).
Il fut secondé de Marguerite de Turene, femme de sire Renaud de Pons seigneur de la ville, & leur
donna cinquante livres de rente annuelle pour un commencement. Elias Bruneti
bourgeois donna par pieuse liberalité le fons & place où le Convent fut
basty soubs la premiere direction de Frere Bernard de Porcheres. Deux ans
apres F. Guillelmus de S. Asterio, cousin de l’Evesque, fut le premier Prieur
de ce nouveau Convent composé de douze Religieux.
Mais parmy toutes ces
sainctes occupations (en marge: Ma. Sc.
Guid.) nostre Evesque aspire par un sainct eslans au repos spirituel (en marge: Desir de Religion), les
grandeurs luy sont à contrecoeur, la perfection religieuse l’attire puissamment
à la retraicte; desja il sollicite les Papes Gregoire neufîesme, Innocent
quatriesme, Alexandre quatriesme, à ce qu’ils receussent la cession de son
Evesché, & luy accordassent la liberté de la retraicte dans l’Ordre de S.
Dominique. Ainsi l’an 1266 il fut
demeurer au Convent des Freres Prescheurs à Lymoges (en marge: 1266) attendant la grace, qui luy estant accordée par le
Pape Clement quatriesme, il print l’habit de cét Ordre, auquel il vesquit
sainctement durant
― Page 89 ―
huict ans quatre
mois & demy, où il mourut le huictiesme Juillet l’an 1275 fut
ensevely au milieu du cheur de leur Eglise, ou nous voyons à costé gauche un
tableau posé comme pour epitaphe , qui contient l’epitome de sa vie en ces mots
(en marge: Epitaphe; Inscript. tabellae),
F. PETRVS DE S. ASTERIO EPISCOPVS PETRACHORICENSIS, summa scientia & eloquentia praeditus, magnus ac solemnis vir,
utique bonus ac devotus: filius DOMINI DE
INSVLA prope PETRACHORAS, venit ad
hunc Conventum PRAEDICATORVM
LEMOVICENSIVM prima die Marcii 1266. Et in
habitu Episcopali mansit ibidem per annum, tandem magna cum difficultate
praecibus importunis cessionem sui Episcopatus obtinuit à Domino CLEMENTE QVARTO, dignitate EPISCOPALI in
omnibus & per omnia reservata, quam cessionem non potuerat obtinere à
tribus summis Pontificibus praefatis Clementi, scilicet GREGORIO NONO, INNOCENTIO QVARTO, et ALEXANDRO QVARTO, post
paucos dies a dicta cessione obtenta, habitum ordinis reverenter accepit &
honorabiliter in eo Deo & ordini militavit annis octo, mensibus quatuor,
cum dimidio: fecit
multa & infinita bona Conventui tam in ornamentis Ecclesia quam in libris
& edificiis, fecitque edificare domum DE BALALEV. Obiit
autem pridiè IDVS IVLII, ANNO DOMINI 1275 ET EST
SEPVLTVS IN ECCLESIA HVIVS CONVENTVS IN MEDIO CHORI. ANIMA EIVS REQVIESCAT IN
PACE.
Il ne faut ensevelir la memoire d’une action
tres-saincte, qui comme une belle perle enri-
― Page 90 ―
chit sa thiare l’an 1261
auquel temps soubs les doubtes & conjectures touchant
le lieu où reposoit le corps du glorieux Apostre S. Front, plusieurs asseurans qu’il
estoit perdu dans la furie des Normans és siecles passez: d’autre part ceux de
l’Abbaye de S. Pons en Provence asseurans (en
marge: Chrono. insulae Lerinensis), comme ils disent encore, que ce corps
sainct estoit chez eux: mais aussi Dieu mesmes avoit baillé à quelques saincts
personnages certaines revelations & visions que ce thresor nous restoit
encor dans son sepulchre (en marge:
Invention du corps sainct). Pour vuider ces differens l’Evesque de S.
Astier assembla son Clergé avec les principaux bourgeois pour faire
l’ouverture du sepulchre du sainct, dans lequel estans descendus, ils trouvent
un cercueil de bois, qui renfermoit un coffre de plomb, à l’ouverture duquel
ils virent les ossemens du glorieux sainct, ensemble deux lames, l’une de plomb,
& l’autre de cuivre, dequoy il fit ostension au peuple le lendemain dans
son Sermon, ordonnant que la veille des Apostres S. Jacques & S. Philippe
on celebrat anniversairement ceste translation avec Indulgence de 40 jours. Le
procez verbal merite d’estre inseré en ce lieu (en marge: Procès verbal).
(en marge: Rescriptum Petri Episcopi Pet. anno 1261) Petrus Dei gratia
Petrachoricensis Episcopus viris venerabilibus & discretis Abbatibus,
Prioribus, Ecclesiarum Rectoribus, Clero ac populo universo Petrachoricensis
Dioecesis ad quos praesentes litterae pervenerint, salutem in Domino Jesu
Christo. Cum de corpore beatissimi Frontonis primi Pontificis Pe-
― Page 91 ―
trachoricensis longis retro
temporibus fuisset a pluribus dubitatum, utrum in Ecclesia sua esset in
sepulchro quod tumba S. Frontonis vulgariter appellatur, quibusdam ex
ignorantia, aliis ex malitia dicentibus ipsum à Normannis fuisse ablatum. Nos
& Capitulum & burgenses podii Sancti Frontonis volentes de hoc habere
certitudinem pleniorem, auditis primitus & plenius intellectis quorundam
proborum virorum revelationibus seu visionibus ostenfis à Domino ad honorem
Sancti, de hujusmodi veritate: pridie Kalendas Maii devote praedictum
sepulchrum intrantes, assistentibus nobis infra sepulchrum multis fratribus
minoribus & Praedicatoribus, & multis Canonicis Sancti Frontonis, & duobus
Burgensibus; exterius autem circa sepulchrum existentibus & assistentibus
aliis multis Canonicis, Presbiteris, & Clericis, & Consulibus villae
pradictae, aliis multis Burgensibus, cum magnis luminaribus cereis; aperuimus
cum magno labore tumulum lapideum, in quo per famam publicam & alias
conjecturas dictum sacratissimum corpus requiescere firmiter credebamus &
invenientes in praedicto tumulo magnam capsam ligneam fortem & bene
ferratam ipsam aperuimus, reperientes in ea magnam aliam capsam plumbeam, in
qua invenimus sicut sperabamus sanctissima ossa corporis integra, & per
Dei gratiam incorrupta, & magna frusta capitis solida atque firma; &
antequam de praedictis reliquiis aliquid tangeremus ambas capsas cum omnibus
contentis in eis de praedicto tumulo extraximus, & ante oculos omnium
praedictorum, & plurium aliorum de praedicta capsa plumbea, cum
― Page 92 ―
ingenti gaudio & devotione circumstantium, extraximus ossa singula,
& universa reposuimus in quodam pulcherrimo novo instrumento ligneo,
interius panno cerico involuto: quibus peractis & magnis laudibus &
gratiarum actionibus Domino persolutis, praedictis omnibus videntibus, dictas
reliquias reposuimus in sepulchro & tumulo de quibus extraxeramus (en marge: Vid. infra anno 1463, sub Elia Bourd. epis.), easdem servandas ibidem quousque in capsa nobili reponantur, quod erit in brevi Deo concedente. Poft istam autem translationem hora tertia de concilio
cleri & populi, festum translationis incoavimus ad honorem Domini Jesu
Christi, de beato Frontone missarum solemnia solemniter celebrantes
innumerabili populo qui ad Ecclesiam istam confluxerat; finito sermone omnia supradicta fideliter exponendo, ostendentes eidem
populo laminam plumbeam in qua littera hujusmodi erant scripta (en marge: Inscript.), HIC IACET CORPVS BEATI FRONTONIS IESV CHRISTI D1SCIPVLI, ET BEATI
PETRI IN BAPTISMATE DILECTI FILII. Item ostendimus eidem populo aliam
laminam cupream, vel aeream, litteras hujusmodi
continentem (en marge: Vid. anno infra ad capit. I. Sanct. Fronton.). HIC IACET CORPVS BEATISSIMI FRONTONIS
IESV CHRISTI DISCIPVLI,
ET BEATI PETRI APOSTOLI IN BAPTISMATE FILII, EX LICAONIA REGIONE ORTI, DE TRIBU JVDA, EX SIMONE ET FRONTONIA. OBIIT
OCTAVO KALENDAS NOVEMBRIS
ANNO QVADRAGESIMO SECUNDO POST PASSIONEM DOMINI IESV. Istae duae laminae inventa fuerunt à nobis in capsa plumbea cum
sanctissimo corpore supradicto, & quasdam alias literas invenimus in ipsa
capsa plumbea inscriptas, multos
versus ad laudem praedicti sancti compositos continentes. Cum igitur totus clerus & populus dictae dioecesis Petrachoricensis de tanto patrono, quisdem Catholicam primus in istis partibus praedicavit (en marge: Contra abbatem Solemnia censem in concilio Lemo. anno 1034), & populum ad Christum convertit gaudere debeat in immensum, universitatem vestram attente requirimus & rogamus, vobis in virtute sanctae obedientiae firmiter jungentes, quatenus festum praedictae translationis in vigilia Philippi & Jacobi ad honorem Dei, & beatissimi Frontonis perpetuis temporibus solemniter celebretis, nos enim omnibus pradictum festum pie & cum devotione celebrantibus quadraginta dies de injunctis sibi poenitentiis misericorditer relaxamus, datum sexto nonas Maii anno Domini 1261. (nn)
Helias
Paletisis, Evesque.
Henry IV,
Roy d’Agleterre (sic) & Duc d’Aquitaine.
Cependant (en marge:
L’an de Jesus Christ 1269) le coeur du grand & tousjours sainct Louys (en marge: Joinville c. 62) demeuroit
transpercé du regret sur l’infortune du premier voyage d’outremer (en marge: Voyage d’outremer) sans avoir
peu suffisamment secourir les Chrestiens Levantins (en marge: G. nangis). Il assembla à Paris les principaux de
― Page 94 ―
son Royaume, se croize derechef avec ses trois enfans, se
met au voyage, passe en Perigord pour aller s’embarquer à Aygues-mortes (en marge: Paul. Aemil.): estant à
Sourzat il fit bastir l’Eglise de la Parroisse qui s’appella à raison de ce la Bastille de S. Louys. De
là il fut à Cadoin pour rendre ses voeux au S. Suaire, & honorer ceste
Abbaye par ses liberalitez. Je conjecture qu’en ce voyage il adoucit les
coeurs de ceste province, qui par le passé avoit tenu le party de l’Anglois
contre luy; si est-ce pourtant qu’après sa mort ceux du Perigord se souvenans
des maux passez soufferts par ses Officiers, refusoient de le recognoistre pour
sainct.
Alors Elies
Paletisis estoit nostre Evesque (en
marge: Chenu. Gall. Christ.), & je trouve que
ceste mesme année 1269
le dernier de Septembre (en
marge: Dedicace) il consacra le grand Autel du Convent des Freres Mineurs
de ceste ville (en marge: Consecratio
altaris f. min.), In honorem Sancti Frontonis Apostoli B. Laurentii B. Francisci,
& B.
Agnetis
Virginis. J’ay veu aussi dans le livre des hommages de l’Evesché une
transaction qu’il fit avec l’Abbé & Religieux de Sarlac, pour le Prioré de
Sainct Leon qui luy fut assigné pour rachepter quelque rente qu’ils luy
devoient: passons à plus amples
mémoires. (oo)
Raymundus Dauberoche, Evesque.
Edouard, Roy d’Angl. & Duc d’Aquit.
Edouard
premier du nom (en marge: L’an de Jesus
Christ 1283), successeur de son pere pour la Couronne d’Angleterre & Duché
de Guyenne (en marge: Nangis) estoit
souvent troublé par les Seigneurs ses vassaux en la posseffion de ce qui
n’agueres avoit esté baillé à son pere. L’an 1283 Raymond de la maison d’Auberoche tenoit ce siege
Episcopal. Je trouve dans le thresor de la generalité de Guyenne (en marge: Ma. Sc. generali. Aquit. anno 1283),
que ceste mesme année le Sieur de Bonnes obeyt au jugement de cét Evesque (en marge: Arbitrage), en rendant son
hommage au Roy d’Angleterre pour la Seigneurie de Lymeuil, & chasteau & ville de Sainct-Drieux: le tiltre est
cacheté du sceau Episcopal (en marge:
Cachetes), portant d’un costé un Evesque gravé, & Raymundus autour, de l’autre l’effigie de S. Estienne: surquoy
je prens occasion de faire deux remarques pour les escritures publiques &
privées: la première est, que presque dans tous les tiltres de ce temps il n’y
avoit de signature; ains seulement divers sceaux ou
― Page 96 ―
cachets
pendus à des rubans ou lassets. Ceste pratique s’observe (en marge: Bern. Epistr. 330) dans S. Bernard en l’Epistre 330. Sygillum
non erat ad manum, sed qui leget agnoscet stilum quia ipse dictavi. Il repere (en marge:
Et ep. 339) le mesme en l’Epistre 339 ce qui est commandé par l’ordonnance
de Philippe le
long de l’an 1319. & encor aujourd’huy est
pratiqué dans l’Allemagne & Suede (en
marge: Vid. Pasquier en ses rech. lib. 4. 611). Secondement il estoit
assez ordinaire à la pieté de ce siecle de deferer la decision
des affaires temporels aux Ecclesiastiques (en
marge: 1286): comme l’an 1286.
Archambaud Comte de Perigord, ayant different avec les
Magistrats de
la nouvelle ville de Perigueux sur leurs jurisdictions (en marge: Ma. Sc. domus comm.), nomment
avec plain pouvoir decisif le Pere Prieur des Jacobins, & Estienne de Juvenals,
avec puissance d’augmanter ou diminuer aux articles de la
transaction pendant deux ans, laquelle ils ratifierent, & Philippe le Bel l’approuva
par ses lettres l’an 1293 (en marge: Acord).
Dés la première
année du regne de
ce Roy en aoust
1286 fut faict
accort entre luy & ledit Roy Edouard (en marge: Du tillet recueil des traictés des Franc. avec les Anglo.),
par lequel fut convenu que tout ce qui estoit des pays de Lymosin, Perigord,
Quercy, seroit pour le regard du Roy Philippe audit Edouard
specialement Brantosme en Perigord, excepté
les acquets faicts par les Roys de France depuis la paix de l’an 1259.
L’Abbaye de Ligueulx (en marge: 1287) avoit esté honorée de la precieuse Relique d’un
bras de S. Symeon apporté de Constantinople (en marge: Reliques): & d’autant qu’il ne
falloit pas que ceste seule province jouyst
― Page 97 ―
de ce bras celuy qui de ses doigts soustient
l’univers, l’Abbesse nommée Eyna print des lettres de l’Evesque (en marge: Lit. Reymond. episc. pro brach. S.
Sim. anno 1287), expédiées & scellées, Octavo Kalendas Martias anno 1287 rendant tesmoignage à l’Archevesque
de Bourdeaux, & à l’Evesque de Xaintes de la vérité de ceste Relique,
conformement à ce que son predecesseur en avoit escrit, recommandant ceux qui
l’apporteroient aux liberalitez des fideles. Dubouchet escrit (en marge: Dubouc. p. a. anno 815) que
Charlemagne apporta de Jerusalem & de Constantinople entr’autres Reliques,
un Suaire de Jesus-Christ, la chemise de la Vierge, & un bras de Sainct
Simeon, neantmoins ce voyage est impugné par les plus doctes. En suite nous
trouvons environ l’an 1191
que Louys fils unique du Roys Philippe II estant à Paris (en marge: Paulus aemil. in Phil. 2),
attaint mortelement de la dysenterie, on luy apporta en procession un clou du
crucifiement de Jesus Christ,
la Saincte espine, & un bras de Sainct Simeon (en marge: Joa. Meyer), lequel on appliqua sur le ventre du Dauphin,
& soudainement il reprint sa vigueur & sa vie (en marge: Miracle); je ne sçay si ce fut le mesme bras gauche qui
est aujourd’huy honoré à Ligueulx.
En suitte de ce temps nous trouvons la fondation du
Monastere de S. Pardoux la Riviere (en
marge: 1291) faicte par Marguerite fille du
Duc de Bourgongne pour les Religieuses de Sainct Dominique
(en marge: Funda. Convent Sanct. Pardulp.).
Gérard de Malmont, Abbé de Brantolme, tres-honorable Ecclesiastique, avoit esté
nommé executeur testamentaire par ladite Dame; ce pourquoy il transigea avec le
Prieur du Con-
― Page 98 ―
vent
de Périgueux, se reservant quelques biens de la defuncte, & assignant pour
la fondation & dotation du Monastere des filles plusieurs grands
revenus (en marge: Fondation);
or pour affermir le repos de ces servantes de Dieu, ledit de Malmont supplia le
Roy Philippe le Bel qui estoit à Melun, de mettre ceste maison religieuse
soubs sa protection, & ratifier la transaction qu’il avoit faicte avec
ledit Supérieur de l’Ordre. Ce qu’il luy accorda par les patentes qui
commencent (en marge: Litt. Philip. Reg.
Gal. ann. 1291). Philippus, concluant
en ceste façon (en marge: Confirmée),
Nos
autem ipsius Magistri
Gerardi devotis
supplicationibus pro salute animae nostrae, & progenitorum nostrorum piè
condescendimus, in
hac
parte volentes & concedentes quod Prior issa, & conventus praedicti
loci pacifice gaudeat assignatione, concessione, & donatione praedictis,
& praefatum Monasterium cum omnibus praedictis sibi assignatis acquisitis seu etiam acquirendis sub
nostra tuitione suscepimus & ea recepimus in nostra custodia, & gardia
speciali, & ut liceat famulantibus Domino in dicto Monasterio sub
nostra & successorum nostrorum Regum Francorum Gardia & custodia in pace & tranquillitate
vivere, & pro salute nostra & stabilitate regni nostri liberius
contemplationi & orationibus vacare, praedictum Monasterium cum omnibus
sibi concessis, assignatis, & datis de praedictis, gardia & custodia
speciali per hoc nostrum regale privilegium ad robur praemissorum, &
ad aeternam
rei memoriam communivimus, salvo in aliis jure nostro, & jure quolibet alieno,
&c, Actum apud Meledunum, anno Domini millesimo ducentesimo nona-
― Page 99 ―
gesimo primo, mense Februarii.
L’année après (en
marge: 1292) Raymond estoit encore nostre Evesque, suivant les tiltres de
Chancelade, il estoit surnommé Bardus, si je ne me trompe (en marge: Bardus): car dans l’afieusement du Sieur de Cugniac de
Biron faict à Gérard de Fumel l’an 1285 (en marge:
Ma. Sc.) il est dict Regnante
Domino Edouardo illustri Rege, & Bardo Episc. Petrachoricensi, où nous
remarquerons en passant la saincte coustume pratiquée durant plus de cinq ou six
cens ans, de marquer dans les actes publics le nom de l’Evesque, & de les
cacheter du seel Episcopal, & du Chapitre Cathedral (en marge: Nangis), qui estoit gardé par le Capischol ou
maistre-schole de l’Eglise.
L’Anglois trop impatient d’avoir n’agueres rendu l’hommage pour le Duché de Guyenne (en marge: Paul Aemil.) au Roy Philippe, dresse ceste année une armée navalle pour surprendre la Rochelle qui appartenoit aux François (en marge: Ann. de Franc.), lesquels d’autre-part estans opprimez soubs la domination de cét estranger se reclament au Roy de France (en marge: Plaintes). Le Perigord (en marge: 1293) fut des premieres provinces à se plaindre (en marge: Dubouchet pa. 4 c. 2). Surquoy nostre Roy envoya sommer Edouard de luy envoyer à Perigueux (en marge: Delest. recher. des Gaul.) ceux qui luy avoient voulu surprendre la Rochelle (en marge: Dutill. traict. entr. les Franc. & Angl.); en suitte le faict adjourner à comparoistre en personne à la Cour des Pairs par deux Chevaliers & le Seneschal du Perigord & Quercy Jean Darrablay. Sur son deffaut & contumace la Guyenne est saisie par le Connestable de Nefle, lequel venant à Bourdeaux est receu presque de tout le pays (en marge: Guienne aux François), & le
Roy Philippe le
Bel en recognoissance de la particuliere fidelité du Perigord, voulut que
le Puy Sainct Front fut entouré de murailles pour estre la ville capitale de
ceste province (en marge: Ville bastie),
leur baillant les tailles d’icelle, qui montoient douze mille livres par an (en marge: Ma. Sc. do. com.), pour commencer
& continuer ceste fabrique. Il approuva aussi par les patentes de ceste
mesme année la transaclion que le Comte Archambaud avoit faict avec les
habitans pour les limites & bornes de leur jurisdiction. (pp)
Audoinus,
Evesque.
Philippe, Roy de France & Duc d’Aquitaine.
(en marge: L’an de Jesus Christ 1294)
Nous rencontrons Audoin pour nostre Evesque dés l’an 1294 & l’an
1300 & trouvons que pour la
police & bon reglement de son Chapitre Cathedral, il fit plusieurs bonnes
ordonnances & statuts capitulaires. Pour lors Elie Talairand cinquiesme du
nom (en marge: Elie 5 com. du Perigord),
fils d’Archambaud second, & de Marie de Tholoze, estoit nostre Comte; il fut marié en premières nopces à Philippe
Vicomtesse d’Auvilar & de Loumagne (en
marge: Ex Beloy en l’estat de la maison d’Armagnac), de laquelle provint
― Page 101 ―
Marqueze de Perigord, laquelle desdaignant les
grandeurs de sa naissance en parangon des thresors de la pauvreté religieuse,
se cloistra par une saincte resolution dans le Convent des filles de Saincte
Claire à Périgueux (en marge: Religieuse),
où elle fit donation de tous ses biens à son Ordre: mais le Roy cassa ceste
donation , & voulut que
ces grands biens fussent donnez au Comte son pere, qui en secondes nopces
espousa Brunezinde, fille de Rogier Bernard Comte de Foix (en marge: Ma. Sc. do. com.), duquel mariage sortirent les trois
lumières de ceste province, Archambaud, le Cardinal Thaleyrand, & Rogier
Bernard. Le gouvernement du Compte Elie fut assez paisible (en marge: 1302), mesmes l’an 1302 il
ratifia la transaction que son pere Archambaud avoit faicte avec les habitans
de la ville.
Son fils
Archambaud troisiesme du nom fut marié à Jeanne de Pons (en marge: Archambaud 3, Com. du Per.), & demeura peu de temps
Comte de ceste province: neantmoins dans ce temps il tesmoigna sa pieté en la
fondation de la Chartreuse de Vauclaire en Perigord (en marge: Fund. Carthus. vallis Clarae), & après avoir
bonnement posé la première pierre de ce bastiment il deceda (en marge: Fondations); mais son frère le
Cardinal Evefque d’Albe, homme incomparable en pieté, continua munifiquement
le dessein de son frère; comme aussi il se rendit signalé par la fondation du
Collège de Perigord à Tholoze; sa mémoire est encore plus celebre dans tout
l’Ordre des Pères Chartreux, lesquels ordonnerent dans leur Chapitre gene-
― Page 102 ―
ral qu’à perpétuité dans toutes les Chartreuses de la
Chrestienté on diroit
tous les ans apres son
decez (en marge:
Concessio Triennarii Card. Petroch. Taleyrando) un trigennaire de Messes
pour son ame (en marge: Tricennaire):
l’un des motifs de ceste ordonnance fut parce que ipse domum, seu Monasterium Vallis Clarae nostri ordinis inchoatum,
per inclitae recordationis principem
Archimbaudum Comitem Petrachorensem germanum suum praeclarissimum,
quasi in primo lapide praematura morte, sed tamen devota & Deo grata
sublatum erexit, munivit, magnificeque dotavit, & nihilominus quasi desuper
abundanti pro supplemento aliquorum edificiorum restantium, duodecim millia
florenorum in manibus ordinis novissime numeravit, & ut tenemus haud dubie
maturius magnificentiusque consummasset nisi guerrae quae ibidem
perseveraverunt inter Reges Franciae & Anglicae viginti quinque annis & amplius obstitissent. Remarquons
icy comme le trouble de l’estat temporel mettoit en desarroy l’Eglise de ceste
province: ce qui m’obligera d’arrester quelque peu dans la suitte.
Roger Bernard troisiesme fils de Elie Taleyrand succeda a
son frère (en marge: Rogier Bernard Com.
du Perig.), il fut mary de Heleonor, fille de Bouchard Comte de Vandosme (en marge: Belloy ibid.) dés l’an 1308 jusques à l’an 1323 duquel mariage provint Archambaud
quatriesme Comte du nom (en marge:
Archambaud 4 Com. du Per.).
(en marge: 1305) L’an 1305 nous mena en ceste province le Sainct Pere Clement
cinquiesme au retour de son sacre faict à Lyon pour revoir son pays originaire
de l’Aquitaine (en marge: Vita summ. Pont.); il passe de Lymoges
― Page 103 ―
à Perigueux; de là
vient à Bourdeaux où il avoit esté Archevesque l’année auparavant (en marge: Genebr. anno 1305): peu après
il deposa Gautier Evesque de Poictiers, & le remit dans son Cloistre des Freres
Mineurs (en marge: Concile); la
cause estoit arrivée l’année auparavant, lors que le Pape estant Archevesque
visitoit les Eglises de Poictou, il intervint de grands debats entre ces deux
Prelats, à raison de leurs jurisdictions. Papirius Masso (en marge: Papir Mass. Not. Episc.) remarque que ceste année-là 1304 un Concile de ses Evesques
suffragans avoient esté convoqué par cét Archevesque au bourg de Rouffignac en
Poictou (en marge: Conc. Pictav.), si
que l’année suivante, ayant l’authorité en main, il deposa son andagoniste (en merge: Ann. Aquit. 4 p. c. 2). Ce qui
ne fut approuvé du Ciel; comme le Pape recogneut après la mort du S. Religieux,
suivant le rapport de S. Anthonin (en
marge: Anthon. 3 p. tit. 24 c. 10). Peu de temps apres l’Evesque de Cahors
Raymond Pauchelly fit avec plus de liberté cession de son Evesché (en marge: Demission), n’ayant peu
supporter les oppressions contre les immunitez Ecclesiastiques: toutesfois il
se vist contraint de demander au Pape quelque charité pour son entretien,
desirant finir ses jours en repos sans aucune charge Ecclesiastique. Le Sainct
Pere sur sa supplique, & du Cardinal son successeur à l’Evesché (en marge: 1312), expédia un Bref aux
Archidiacres de Périgueux, Lymoges & Sarlac, specialement à l’Archiprestre
de Sainct Meard (en marge: De cruce act.
ep. Cadurcens.), à ce qu’ils donnassent à Raymond du bien d’Eglise jusques
au revenu de trois cens francs (en marge:
Breve Clem. 5), de peur
qu’au préjudice de la dignité Episcopale il ne fut à
raison
de son zele reduit aux angoisses d’une amere pauvreté & honteuse mandicité. Commence Clemens
Episcopus servuus servorum Dei dilectis filiis Lemovicensi Sarlatensi Petrochoricensi Archidiaconis & Sancti Medardi Petrachoricensis dioecesis
Archipresbitero Ecclesiarum salutem & Aposlolicam benedictionem, &c. Le nom & la pratique des pensions estoit pour lors
incogneuë. (qq)
Raymundus,
Evesque
Edouard II, Roy d’Angleterre & Duc d’Aquitaine.
(en marge: L’an de Jesus
Christ 1306) Edouard premier du nom, Roy d’Angleterre estoit mort dés l’an 1306 (en marge:
Polidorus; Du tillet), laissant le Royaume à son fils
Edouard second sans qu’il
jouyt du Duché de Guyenne jusques à l’an 1308 lors Philippe le luy rendit moyennant
hommage (en marge: 1308; Duché),
& ce à raison du mariage qu’il luy accorda avec Izabelle fille de France.
Jean vingt & deux (en
marge: 1316) natif de Cahors fut Pape l’an 1316 (en marge: Geneb. hoc anno) &
d’autant que dans peu nostre Evesché changera de face, je veux dresser un
tableau racourcy des lineamens qu’il avoit conservé
― Page 105 ―
durant plusieurs siecles (en marge: Estat du dioceze), disant comme auparavant les
demembremens. Il y avoit dans le dioceze de Perigord sept Archidiaconez (en marge: Ma. Sc. cap.). Le premier
& grand Archidiacre avoit soubs soy cinq Archiprestres, à sçavoir de la
Quinte, de Tyviers, d’Issidueil, de Champagnac
&d’Avaleuil. Le second Archidiacre en avoit trois,
celuy de Neuvic, deVilades & de Velines. Le troisiesme Archidiacre en avoit
trois, Perdurix, Vieux Marueil & Piliac. Le quatriesme avoit deux
Archiprestres, Sarlac & Castelnau. Le cinquiesme en avoit deux, Limeuil
& Beauregard. Le sixiesme en avoit trois, Montreuil, Galiardon & Caprasium.
Le septiesme Archidiacre avoit trois Archiprestres, Villebois, de Gouts &
de Ladouble: mais il fallut sur ce corps mettre deux testes (en marge: Division). Le Pape Jean 22 ordonna un nouveau Evesché dans le
Perigord, luy donnant ce qui est de ceste province au delà des rivieres de la
Vezere & Dordongne,
depuis l’Arche jusques au Fleix, soubs tiltre d’Evesque de Sarlac. La mesme
multiplication fut faicte par luy dans plusieurs lieux de l’Aquitaine (en marge: Chron. Eccl. S. Pauli Narbonn.),
l’Evesché de Tholoze estant erigé en Archevesché avec six nouveaux Evesques
fuffragans (en marge: Extrav. Joannis
Papae 22), Mirepois, Montauban, Lavau, Rieux, Lombés, & Sainct
Papoul. Dans l’Archevesché de Narbonne il multiplia deux Evesques à l’Abbaye
d’Alet, & à Sainct Pons de Thoumieres. Castres fut mis en deux. Il démembra aussi Alby; Agen eut de
nouveau l’Evesché de Condom (en marge:
Nouveaux Eveschez), Lymo-
― Page 106 ―
ges donna Tulle, Clairmont
a de surcroy S. Flour, & Rodez eut Vabres, Poictiers receut deux nouveaux
Eveschez, Maliezé & Lusson. Tout ce remuëment & multiplication sembla
rude & fascheux à plusieurs, veu mesme l’ordonnance du Pape Anaclet (en marge: Epist. Anacl. Pap.), Episcopi in castellis aut modicis civitatibus ne constituantur, sed
presbiteri per castella & modicas civitates & villas ab Episcopis ordinentur singuli tantum
per singulos titulos suos, &c. Nonobstant
ce (en marge: 1317), dans l’Abbaye de
Sarlac sur estably un Evesché (en marge:Ma. Sc.), duquel Raymundus de Roca fut le premier l’an 1317. J’ay rencontré dans un vieux
manuscript ses successeurs, comme aussi le nom des Abbés ses predecesseurs (en marge: Abbés), Raymundus de Felendou
commençant l’an 1160 jusques au
dernier Abbé Arnaldus de monte Elemardo; & d’autant que ceste chaire
Episcopale & ses Prelats doivent se recognoistre estre sortis de nostre
matrice; voicy leurs noms (en marge:
Chenu ex quo Gall. Christ.) qui sont aussi rapportez dans le Gallia Christiana (en
marge: Evesques de Sarlac). Le second
Evesque de Sarlac fut Bertrandus Berengarius. 3. Arnaldus Ramiard. 4. Guillelmus de Sendrieus. 5. Petrus
Berengarius. 6. Petrus de
Mirolac. 7. Petrus
Iterius. 8. Elias de
Saligniac. 9. Asterius
de Sancta Columba. 10.
Joannes de Roussillon. 11. Giraldus de Paleirac 12. Raymundus
de Bretenous. 13. Joannes
Amici. 14. Joannes
Arnaldi. 15. Bertrandus
Lacropte. 16. Petrus Bonaldi. 17. Bertrandus de Rouffignac. 18. Pontius de Saliniaco. 19. Carolus de
Bonavalle. 20. Guido
de Idie de Ribeirac. 21. Arnaldus de Gontaud de Biron. 22.
Franciscus de Bourgeul. 23. Joannes de Rolliac 24. Jacobus de Larmendia. 25. Cardinalis Nicolaus de Gaddis. 26. Franciscus de Sancto Nectorio. 27. Franciscus de Saligniaco. 28. Ludovicus de Saligniaco. 29 Ludovicus de Saliniaco, qui
aujourd’huy tient ce Siege Episcopal.
Au temps de ce demembrement Raymundus estoit Evesque
de Perigueux, & suivant le livre des hommages il occupoit le Siege depuis
l’an 1314
jusques à l’an 1328. (rr)
Petrus,
Evesque
Raymundus, Evesque
Edouard III, Roy
d’Angleterre & Duc d’Aquitaine.
(en
marge: L’an de Jesus Christ 1328) Charles le Bel
Roy de France mourant sans enfans (en
marge: Nangis), appella à la couronne Philippe de Valois, comme son plus
proche (en marge: Froissard I Vol.).
Souvent il fut aux prises pour le Duché de Guyenne avec le fils d’Edouard (en marge: Duché), qui estoit mort en
prison la mesme année du decez du Roy de France (en marge: Ann. de Franc.). Ce nouveau Prince Edouard troisiesme
pretendant de grands
― Page 108 ―
droicts
sur tout nostre Royaume, se fit apeller Roy de France, ce qui causa de grands
soulevemens dans tout le pays, mesmes, ô malheur! Archambaud quatriesme du nom,
fils de Roger Bernard & de Heleonor, se rendant au party de l’Anglois (en marge: Comté), obligea le Roy
Philippe de Valois (en marge: 1328)
de confisquer le Comté du Perigord l’an 1328. Ce
que depuis fut revoqué, & le Comté rendu à Roger Bernard Chanoine de
Paris (en marge: Rogier Bernard, Com. du
Perig.), nepveu de Archambaud, duquel je trouve plusieurs actes 1’an 1331 & 34 specialement
dans la generalité de
Guyenne; nous voyons la transaction qu’il faict avec le Roy Philippe de Valois,
pour l’eschange
de Bragerac avec la Seigneurie de Monscuq l’an 1339 (en marge: Ma. Sc. de la general. de Guien.).
La
revolte du Comte avoit mis du desordre par toute ceste province, mesme nostre
Evesque nommé Pierre, est aux prises contre les Magistrats de la ville (en marge: Division), se maintenant estre en droict & possession
de garder les clefs de la porte de la ville ancienne, nommée Bourderie, pour
son service de nuict & de jour (en
marge: Ma. Sc. domus comm.): ce qui fut une bluette qui dans quelques ans embrazera
& demolira la maison Episcopale, quoy que pour lors d’un commun accord les
clefs furent données à son
Official & au Vicaire general, avec pouvoir de decider ce differend, lequel
compromis fut violé par les Officiers de la ville qui firent mettre une ferrure
à ceste porte; ce qui donna occasion à nostre Evesque de fulminer contr’eux par
son Official la sentence d’excom-
― Page 109 ―
munication, de laquelle s’estans rendus appellans au
Sainct Pere, le mal couva quelques ans (en
marge: 1333), jusques à ce qu’il se presenta un second affaire plus
fascheux, qui porta le sieur Evesque à jetter une seconde excommunication
contre les officiers & les habitans. Le subject fut que le Roy Philippe de
Valois ayant dressé une puissante armée par mer & par terre contre Edouard
troisiesme (en marge: Froiss.; Du Till. I
vol. in Phil.), & ses finances desja epuisées, pour avoir de l’argent,
non seulement il mit à la presse les banquiers Italiens, signalez uzuriers dans
son Royaume: mais encore il imposa sur son peuple des notables sommes, dont les
officiers de la ville voulurent faire contribuer les Ecclesiastiques contre
toute sorte de droicts & immunitez. L’Evesque ayant donné son
excommunication contr’eux (en marge:
Excommunication); ils s’en plaignent au Roy, qui l’an 1333 envoya
commission au Seneschal de Perigord (en
marge: Ma. Sc.) pour mettre le temporel de l’Evesché en la main du Roy,
& retenir le bien jusques à ce que les Ecclesiastiques eussent payé: tant
la necessité oblige souvent les grands d’enfraindre les loix les plus sacrées.
L’Evesque Raymond ne tient long temps l’Evesché. Je trouve
son nom & Episcopat l’an 1336 parmy les
tiltres de Chanselade (en marge: 1336).
L’an 1339 est marqué par un acte tout pieux (en marge: 1339), c’eut la première fondation
de la maison-Dieu en la ville nouvelle, soubs le tiltre de Saincte Marthe par
le tres honorable & charitable Chanoine Brunet. Le tiltre de sa fondation
est datté du
― Page 110 ―
Vendredy
apres la Feste Sainct Barthelemy, soubs le Pape Boniface, disant comme le
Chapitre Collegial de Sainct Front (en
marge: Fondation de l’Hospital), composé de Jean
Chalignac Chantre, Guillaume du Puy Rudel, Guillaume de Montardy, Girard de
Armagnac, Pierre de Leiguié, Gérard de Mont-Preignac, Archambaud du Puy, Pierre Brunet, Maffre de Vigier,
Jean de Chatillon, & Itier Boudin, Chanoines capitulairement assemblez,
recognoissent qu’il y a une Aumosnerie en tiltre d’office dans leur Chapitre (en marge: Fundatio Zenochii Petroch.),
d’où dependent certains revenus pour la nourriture journaliere de cinq pauvres,
avec quelques autres charges annexées à cét office; & d’autant qu’il n’y
avoit de maison pour retirer ces pauvres & les aumosmer, Pierre Brunet
declare avoir faict eslever un Autel prés une maison qu’il avoit acquis, en
intention de la consacrer pour recevoir les pauvres qu’il vouloit entretenir
journellement, jusques au nombre de treize dans la maison de Sainct Amans,
& à cét effaict il baille plusieurs belles rentes & revenus (en marge: Ma. Sc. dom. comm.), qui s’agrandirent
apres, tant par l’union d’autres cinq Hospitaux du voisinage (en marge: Unions), qui fut faicte l’an 1552 comme aussi par les liberalitez des particuliers. (ss)
Guillelmus, Evesque.
Edouard III, Roy d’Angleterre & Duc d’Aquitaine.
Dans peu
de temps (en marge: L’an de Jesus Christ
1342) plusieurs & trop importuns changemens ne nous marquent rien de
recommandable, fors que Guillelmus l’an 1342 & 1346 reçoit
quelques hommages (en marge: Liber homm.
episc.), comme Evesque de Perigueux (en
marge: 1346). Rapelons en memoire le Cardinal du Perigord Taleyrand, qui
voulut laisser dans sa ville un memorial de ses bien faicts, fondant la
Chapelle qui aujourd’huy est apellée de S. Anthoine (en marge: Fondation); & pour le service d’icelle y establit
douze Vicairies (en marge: Fund. 12
capel. S. Anth.), comme porte la supplique faicte au Pape Clement 6 qui
demandoit à sa saincteté d’agréer ceste fondation, avec les statuts & bons
reglemens qu’il avoit dressez pour polisser les douze Chapellains (en marge: Bulla Clem. 6), ce qui fut
faict par Bulle expédiée l’an 1347 (en marge:
1347).
Nous
voicy insensiblement engagez dans les funestes desordres de la guerre (en marge: Froiss. I vol.), qui
troublerent l’Eglise de ceste province durant les vingt ans ja mentionnez (en marge: Guerres): car dés l’an 1344 (en marge: Paul Aemil.) Edouard troisiesme est au prinses contre le Roy de
― Page 112 ―
France, envoyant à Bourdeaux le Comte d’Herby avec une puissante armée (en marge: Bell. Forest.): d autre-part le Comte de l’Isle
Gouverneur de Guyenne pour s’opposer aux ennemis, rassemble à Bragerac l’eslite
de la Noblesse du party du Roy pour s’opposer à l’estranger, qui dans peu les
assiege, les bat en ruine; le Comte Valantinois y est tué à l’assaut, le Comte
de l’Isle blessé, les principaux des nostres saisis d’effroy abandonnent de
nuict la ville; ainsi les habitans se rendent le lendemain entre les mains de
l’Anglois. Le siege d’Auberoche est encore plus funeste aux François (en marge: Infortunées): car dix mille
furent surpris par mille; plusieurs Seigneurs sont faicts prisonniers, entre
lesquels fut le Comte du Perigord. De là à quelque temps le vainqueur repasse
dans ceste province, ravageant comme un torrent débordé rout ce qui s’opposoit
à sa furie. Toutesfois peu apres Philippe reconquit plusieurs places dans la
Guyenne, & mourant l’an 1350 le Roy Jean luy succede (en marge: 1350). Ces malheurs grossirent
par la perte de la bataille de Poictiers, les Anglois demeurans vainqueurs sur
les François. Auparavant que ces deux gros nuages vinsent à s’entrechocquer
par la bataille, le Sainct Pere Innocent 6 natif du
Lymosin (en marge: Vie des Papes Inn. 6),
envoya en
diligence deux Cardinaux ses Legats (en
marge: Legats Apostoliques), pour dissiper cét orage, & empescher que
les armes du Roy de France & du Prince de Galles ne s’entrechoquassent (en marge: Froiss. c. 155 & 160 t. I),
le Cardinal Taleyrand, l’un des deux Nonces (en marge: 1356), porté d’un zele particulier
― Page 113 ―
lier envers son pays, se rendit en diligence aux
deux armées, abouchant à diverses reprises les deux
generaux, avec des paroles qui pouvoient tout à faict dissiper la tempeste (en marge: Pour appaiser); puis que sur le
poinct de donner le signal de la bataille il obtint surceance d’armes pour un
jour: voire desja le Prince des Galles luy avoit donné parole de se retirer,
son honneur & celuy des siens demeurant sauve: mais
l’impatience naturelle aux François, le desir de reparer la honte du passé,
specialement le Cardinal du Perigord leur semblant suspect, d’autant qu’il
avoit trois grands Seigneurs ses proches parens dans l’armée des Anglois, les
fit totalement resoudre à livrer le lendemain la bataille (en marge: Bataille) à leurs
ennemis (en marge: Ann. Aquit. 4 p. c. 3),
qui à la faveur
de ceste surceance d’armes s’estans encore mieux revanchez (en marge: 1357), soustindrent l’assaut,
& en suitte se ruerent tres-funestement sur nos trouppes (en marge: Du Till.): si que le Roy Jean demeura leur prisonnier ayant perdu la
bataille (en marge: Belleforest). Le
Cardinal de Perigord l’année apres ne
perdit courage de poursuivre le traicté de paix à Bourdeaux (en marge: Chron. Geneb.), où le Roy
avoit esté mené prisonnier; mais il est remis en Angleterre, où le Roy fut
conduit prisonnier, jusques au traicté de Bretigny faict l’an 1359 par lequel il est dict specialement
(en marge: 1359) que le Poictou,
l’Agenois, Perigord, Lymosin, Quercy & Angoumois seroient donnez en souveraineté
à l’Angleterre
(en marge: Traicté).
Jaçoit
que ces lugubres desordres divertissent grandement les sainctes intentions du
Cardinal
― Page 114 ―
Taleyran,
si est-ce pourtant que de coup à coup il portoit son souvenir sur le bien
spirituel de ceste province (en marge:
Cardinal Taleyran), dés l’an 1342 il obtint
une Bulle du Pape Clement 6
en faveur de l’Eglise Collegiale Sainct Front, par laquelle
le Chanoine qui est en Hebdomade a puissance de reconcilier l’Eglise & le Cemetiere lors qu’ils sont
pollus. Plusieurs autres sainctes actions de ce grand Prelat sont celebrées
dans l’acte de la fondation du Trentenaire (en marge: Concessio Triennarii in brevario
Carthusianorum) qui luy eet accordé par les Peres Chartreux dont nous avons
parlé cy-dessus, comme aussi nous voyons en plusieurs lieux ses armories,
qui marquent le soing qu’il a eu des edifices Ecclesiastiques, tant dans
l’Abbaye de Chancelade dont il estoit Abbé, comme en plusieurs autres
endroicts.
Le Pape
Innoccnt 6 estant à
Avignon (en marge: Vita Pontif. Gallice)
donna le chapeau
de Cardinal à quelques Prelats de France: Pierre Iitier Evesque d’Acqs,
originaire de ceste Province (en marge:
Ma. Sc. Cancell.), fut faict Cardinal le 16 Septembre l’an 1361 (en marge: 1361).
Nous
avons veu comme par le traicté de Bretigny nous demeurions subjects à
l’Anglois: rnais il estoit bien rude de flechir les volontez de nos François.
Jeanne fille du Comte Roger avoit demeuré heritière de son pere (en marge: Meyn. 3 part. l. 9), a raison
dequoy elle porta à son mary Jean d’Armagnac second du nom le Comté du Perigord
(en marge: Jean d’Armagnac, Com. du
Perigord). Ils s’opposerent fortement avec plusieurs autres Seigneurs à
ceste distraction l’an 1364 ce
que fit aussi Archambaud estant remis en grace (en marge: 1364), & ses
― Page 115 ―
enfans
furent honorablement dans l’employ pour les François sans vouloir flechir à
l’estranger: toutesfois l’instante prière de Charles cinquiesme depuis peu Roy
de France (en marge: Froiss. t. I)
les porta à recognoistre
l’Anglois pour le bien de la paix, mesmes lors que le Prince des Galles fut
secourir le Roy de Castille Pierre le cruel (en marge: Dupl. t. 2), le Comte Archambaud luy fit compagnie avec
le Seneschal du Perigord.
Papirius
Masso (en marge: Papir. Mass.) remarque
que l’année suivante 1365 Elie Archevesque de Bourdeaux assembla les Evesques
ses suffragans dans un Concile (en marge:
Not. Episc. Gall.) pour remedier par la faveur de la paix aux desordres de
l’Estat Ecclesiastique (en marge: Conc.
Burd. anno 1365). Aujourd’huy nous ne trouvons les actes de ce Synode, le
tout estant perdu dans les confusions qui se preparent: car les playes à demy
consolidées se r’ouvrirent dans peu, lors que le Duc (en marge: Annal. Aquit.) voulut imposer sur toute la Guyenne le droict
de foüage (en marge: 1369; Fouage),
le Comte de Perigord avec quelques autres Seigneurs forment leurs oppositions
pardevers le Roy Charles (en marge:
Chronic. Burdigal.) qui les receut à bras ouverts (en marge: Froiss. t. I), les mit soubs sa protection, tant cét
appel estoit juste, par l’adveu mesmes des Historiens Anglois, quia, dict Polidore Virgile (en marge: Polyd. lib. 19 Hist.), nimis vectigalium exactionibus ab Anglis
pramebantur. Le Roy Charles pour faire droict aux plaignans
envoya à Bourdeaux adjournement personnel (en
marge: Adjournement) au Prince de Galles pour comparoistre à la table de marbre (en marge: Chronic. Engol. Corl.), auquel
il respondit, qu’il comparoistroit de vray, le bassinet en teste, accompagné de soixante
― Page 116 ―
mille hommes de guerre (en amrge: Ma. Sc.). Soudain Louys fils
& Lieutenant du Roy en Guyenne, faict Taleyrand frere & fils du Comte
de Perigord General de son armée, avec commission de faire telle levée de gens
de guerre qu’il seroit requis: commande aussi à Archambaud cinquiesme du nom (en marge: Archambaud 5 Com. du Per.), de
faire la plus forte guerre qu’il pourroit contre l’Anglois.
Ces tristes nouvelles
mirent le miel en bouche du Roy d’Angleterre pour couvrir la rigueur dont son fils
nous avoit voulu traicter, il expedia ses patentes qu’il fit publier à
Bourdeaux (en marge: Chron. Burdig.),
disant avoir esté adverty, que son fils le Prince de Galles molestoit
l’Aquitaine (en marge: 1370); partant
qu’il luy commandoit de cesser ces exactions, & de
restituer ce qu’injustement estoit pris (en
marge: Litt. Edouardi Regis Anglorum), & si aucun de nos feaux amis & subjects, tant Prelats comme gens d’Eglise, Universitez,
Colleges, Evesques, Comtes, Viscomtes & Barons, Communautez, gens de ville, se sont retournés, & se sont voulus tenir par mauvaises informations & pauvre advis au Roy de France
nostre adversaire, nous leur pardonnons le mesfaict,
si ces lettres veuës ils retournent à nous, ou dans un mois apres,
&c. Ce que nous avons solemnellement juré sur le corps de le Jesus-Christ le cinquiesme
Novembre l’an 1370
(en marge: 1370). Voila les
inventions d’Angleterre pour arrester les esprits de l’Aquitaine qui tournoient
leurs affections vers Charles cinquiesme, qui aussi de son costé par ses
patentes données la mesme année 1370 promettoit aux habitans de Périgueux de
les
traicter
avec les mesmes immunitez, franchises & privileges que les bourgeois de la
ville de Paris, les exemptant de tailles,
d’estre subjects à l’appel du ban & arriere-ban, permis d’acquérir fiefs
nobles sans finance, & autres grands advantages (en marge: Litt. Carol. 5 anno 1370 sub nota Socii), partie desquels
ils avoient desja accordé l’année precedente. Ainsi l’Anglois ne peut adoucir
ceux de ceste province, c’est pourquoy il envoya fondre sur eux le Comte
Pennebrot (en marge: Froissard t. I)
avec une puissante armée qui nous fit sentir des premiers la cholere de son Roy (en marge: Furie Angloise), les voisins confederez en eurent leur
bonne part, Lymoges est mis à feu & à sang, l’Evesque de la ville fut
compagnon de l’eschaffaut à trois mille habitans: bref tout est en desolation
qui par son horreur me faict arrester la plume. (tt)
Petrus,
Evesque.
Edouard, Prince
des Galles & Duc d’Aquitaine.
(en marge: L’an de Jesus Christ 1370)
Charles cinquiesme recognoissant la fidélité du Comte de Perigord, en foy
& parole de Roy, luy promet par ses patentes, que luy ny ses successeurs à
la couronne de France, ne mettroient jamais hors leurs souverainetez (en marge: Meynard p. 3 lib. 9) les
― Page 118 ―
terres
feodales de son Comté, desquelles il luy avoit rendu hommage: mais, ô jugement
de Dieu! ce fidel vassal deviendra rebelle à son souverain peu de temps après;
mesme sa soeur Eleonor fut mariée à Gaillard de Durford, sieur de Duras,
laquelle mourant laissa sa fille Marguerite de Perigord Comtesse Doné en
Poictou, qui luy estoit substituée pour le Comté du Perigord, laquelle dés
l’an 1364
fut mariée à Renaud de Pons, à condition qu’il tiendroit le party de
l’Anglois; à quoy pourtant il ne s’arresta lors que Charles cinquiesme envoya
Duguesclin son Conestable dans la Guyenne (en
marge: Hist. Duguesc. c. 50): pour lors le Comte Sire de Pons se met de son
party, & se trouve avec honneur pour la France dans nos histoires (en marge: Froissard): à raison dequoy (en marge: Confiscation) Edouard donna
& confisqua à sa femme Marguerite de Perigord les biens de son mary (en marge: Paul. Aemil.), par lettres que
j’ay veu, expédiées à Xaintes le septiesme de May l’an 1371 (en marge: Litterae Edouardi anno 1371) dans lesquelles Edouard se nomme fils aisné du Roy de France &
d’Angleterre,
Prince d’Aquitaine & des Galles.
Desja
le Duc de Lenclastre faict descendre à Calais une seconde & tres-puissante
armée contre la France (en marge: 1373),
& comme un torrent debordé, forçant & renversant tout, traversa
l’Auvergne, Lymosin (en marge: Polyd.
Virgi.), & vint en Perigord, desolant tout le plat pays (en marge: guerres), jusques à Bourdeaux,
où il fit sa retraitte
(en marge: Ann. de Franc.). L’année
suivante 1374 nous
trouvons pour Evesque du Perigord un Petrus (en marge: 1374), lequel siegera plus long temps dans son Pontificat
que
― Page 119 ―
ses predecesseurs (en marge: Ma. Sc. Cancell.), quoy
que non si paisiblement, à raison des malheurs publics qu’il nous faut
poursuivre.
La mort du Prince des Galles (en marge: 1376) l’an 1376 mit un peu d’eau au vin boüillant
de 1’Anglois (Annal. Aquit. 4 p. c. 6), estant suivie
du decez de son pere Edouard: joinct que Richard fils du Prince des Galles,
heritier du Royaume d’Angleterre, estoit assez jeunet ce qui donna occasion au
Duc d’Anjou frere de Charles, de venir soudain avec nouvelles forces dans la
Guyenne (en marge: 1377), commençant
des conquestes par Bragerac en Perigord, contre lequel il pose le siege (en marge: Bell. Forest.; siege), le bat
de furie: l’Anglois qui vient au secours est mis en pièces (en marge: Froiss. t. 2), les assiegez se
rendent, & sont suivis de plusieurs places de ceste province, comme
d’Auberoche, de l’Abbaye de Cadouin & autres (en marge: Paul. Aemil.). Il est à croire que nostre Evesque
tenoit le party de l’Anglois, & les habitans de la ville celuy de France:
puis qu’ils se ruent sur la maison Episcopale (en marge: Ma. Sc. dom. comm.), la bruslent, la demolissent, se
servent des materiaux pour renfermer leur ville (en marge: Evesché demoli). A raison dequoy l’an 1379 à la faveur de quelque tresve il
les actiona (en marge: 1379), le
procez fut devolu pardevant Clement septiesme (en marge: Chronol. geneb.), qui estoit a Avignon, recogneu par les
François pour Pape. Apres plusieurs contrastes le Roy de France accorda ce
differend, ordonnant que les habitans payeroient à l’Evesque trois mille Francs
d’or, desquels le Scindic paya mille contents, les autres deux mille payables
dans un an: mais ne pouvant acquiter ceste fomme l’année
― Page 120 ―
suivante,
ils eurent recours au Roy, lequel manda à l’Evesque qu’il se rendoit plaige de
ce debte, lequel il vouloit payer à la descharge de la communauté (en marge: Accord unique), pour laquelle
il luy demandoit acquit: ce que l’Evesque refusant, le Roy mande au Seneschal de
l’y contraindre; mais lors
qu’il voulut proceder contre luy, l’Evesque l’excommunia, & sur l’apel
interjetté pardevant le Roy, sa Majesté s’obligea à l’Evesque,
& luy fit donner quittance du debte à la communauté. Que falloit-il esperer
de mieux en ce temps déplorable? auquel la France avoit colloqué l’idole dans
le Siège de S. Pierre, qui n’avoit d’yeux pour voir l’oppression de l’Eglise,
point de langue pour crier, point de mains pour la deffendre: cependant le
Seneschal demeuroit dans l’excommunication, jusques à ce qu’elle fut levée (en marge: 1382) par Monsieur le Cardinal
d’Ans l’an 1382.
A peine ceste querelle estoit assoupie, que la mesme année
un autre (en marge: Querelle) se
r’alume entre l’Evesque & la maison de ville (en marge: Ma. Sc. Ibid.) sur l’estenduë de leurs jurisdictions,
l’Anglois cependant se saisit du chasteau des Rolfies, qui appartenoit au Comte
Archambaud, comme nous avons souvent dict, celuy qui commandoit dedans ayant
traistreusement abbatu le pont au Seigneur de Mussidan Anglois: ceste place
estant tout contre la ville de Périgueux, qui tenoit pour les François,
contraint les habitans de composer avec le preneur, à la somme de trois mille
francs d’or, ainsi la place fut remise.
― Page 121 ―
Mais quoy? la desloyauté
du Comte Archambaud demeurera elle impunie? non sans doubte; car l’an 1391 le Roy Charles envoye mandement (en marge: 1391) au Seneschal de ceste
province pour le prendre prisonnier (en marge: Comte) avec ses complices hors
de lieu sainct. De plus Robert de Betune Viscomte de Meaux, Lieutenant du
Seigneur de Coussi, qui estoit Capitaine general du Roy en Guyenne, faict
demolir le chasteau de Rolphius (en
marge: Ma. Sc. dom. comm.) , duquel le seul emphiteatre à retenu le nom de Cacorotta: en suitte dequoy les officiers de
la ville degagés de ceste oppression font serment de fidélité au Roy de France
dans l’Eglise de Sainct Front entre les
mains dudit Sieur Viscomte, & d’Aymeric de la Roche Choüard Seneschal:
ainsi ceste année donne un peu de respir à la paix. Mesmes l’accord
est arresté sur la querelle desja intervenuë entre la maison de ville & le
Sieur Evesque pour les bornes des jurisdictions (en marge: Bornes), estant convenu qu’aux limites accordez on
releveroit des grandes pierres, qui d’un costé porteroient les armes de la
ville gravées, de l’autre
celles de l’Evesque, qui sont trois bezans
traversez d’une barre lesquelles nous
voyons en plusieurs endroits, pour marque que ce Prélat avoit contribué
notablement aux bastimens Ecclesiastiques.
Tous ces maux racontez cy-dessus (en marge: Schisme) n’estoient rien au prix de celuy du Schisme qui
attaqua le chef de toute l’Eglise par
l’Antipape nommé Clément (en marge: Plat. in vita pont. Paul Aemil.
Naucler.), lequel avoit excommunié, fulminé,
― Page 122 ―
& anatematizé Urbain 6 avec les Anglois qui luy
adheroient. De ceste generale combustion nasquirent mille desordres; en voicy
un notable. Nous avons veu comme un des saincts Suaires de la sepulture de
Jesus-Christ fut apporté à l’Abbaye de Cadoin en Perigord, il y a tantost 270 ans: de present ceste Abbaye estoit
sur la frontière du pays qui tenoit pour l’Anglois, lesquels toute la France
reputoit pour excommuniez & fauteurs de l’Antipape: comme reciproquement
les Anglois nous reputoient pour tels, & partant indignes de posseder ceste
sacrée Relique: ainsi ils estoient desja aux aguets pour l’envahir. L’Abbé de
Cadoin Bertrand de Molinis
trouva bon de prendre secretement ce S. linge, & le
porter en lieu d’asseurance (en marge:
Sainct Suaire à Tholoze): la ville de Tholoze (en marge: Ma. Sc. domus comm. Tholosae) luy sembla
convenable pour ceste garde, & ce sera des nobles memoriaux de leur maison
de ville que j’emprunteray le recit de ceste histoire, apres ce que Nicolaus
Bertrandi
(en marge: Histor. Tholoz. Nicol. Bert.
anno 1392) en dict en ces mots, Anno Domini 1392
cum Reverendus in Christo Pater
Dominus Bertrandus de Molinis Abbas de Cadunio, certificaretur quod aliqui schismatici,
de partita adversaris Domini nostri Regis nitebantur per vim à dicto Monasterio
de Cadunio abstrahere sanctum Sudarium, in que Dominus noster Jesus Christus
in sancto Sepulchro fuit involutus quod per ducentos septuaginta annos in dicto
Monasterio permanserat, causa ipsum translatandi in aliquem locum obedientiae
adverfaris Antipapae Domini nostri Regis Gallia. Considerans etiam di-
― Page 123 ―
ctus Abbas dictum Monasterium esse in fronterio dictorum schismaticorum,
& pluribus aliis rationibus, dictum sanctum Sudarium secrete portare voluit
in praesentem civitatem: quelques autres conventions entre
le Sieur Abbé & le Chapitre de S. Sernin de Tholoze sont accordés,
entr’autres, que le sainct Suaire
seroit mis en l’Eglife du Taur pour y estre veneré, & que le Chapitre achepteroit
un logis tout contre pour la residence de l’Abbé & de ses Religieux.
Cela
condud, au jour de S. Simon & Jude, la solemnité de la translation du
sainct Suaire de Jesus-Christ fut faicte par l’Archevesque de Tholoze Pierre de
Molendino, lequel accompagné de neuf Evesques le porta par la ville (en marge: Ostension) où plus de trente
mille ames, soit forains ou habitans, s’estoient assemblez (en marge: Ma. Sc. domus comm. Tholosae),
& pour l’ostension il choisit l’Eglise depuis peu bastie hors la porte
d’Arnaud Bernat, in Cernio Sancti Quentini. De là il
fut remis en l’Eglise du Taur, & gardé fort religieusement: toutesfois les
Tholozains ne nous raviront si
impunément ce sacré thresor; car les habitans de ceste
province se liguent avec l’Ordre de Cisteaux, font un Scindicat pour poursuivre
leur droict devant le S. Pere contre le Chapitre de S. Sernin (en marge: Ma. Sc. domus comm. Tholosae),
comme j’apprens de ce qui suit (en marge:
1394), Anno Domini 1394 die I 10 mensis Maii, Domini de Capitulo praedicti, fecerunt plures fieri
legationes ad Dominum nostrum Pappam,
& ad Dominum nostrum Regem,
& ad Dominum Abbatem Cisterciensem; & quia gentes Petrachoricenses
― Page 124 ―
petebant restitui in loco de Cadunio dictum sanctum Sudarium asportatum
huc; super quibus in curia Romana diu fuit litigatum inter gentes partitae
praedictorum Petrachoricensis, procuratorem fiscalem Domini nostri Papae,
procuratorem generalem Ordinis Cisterciensis ex una parte, & scindicum Dominorum
de Capitulo, & dictum Dominum Abbatem ex parte altera.
Durant ces contraires faisons une reveuë (en marge: 1394) chez le Comte Archambaud devenu un peu plus sage
par sa perte (en marge: Ma. Sc. do. com.), l’an 1394. il traicte avec leViscomte de Meaux, luy remettant
en sa puissance soubs l’obeyssance du Roy les chasteaux d’Auberoche, Roussille
& Bourdeille (en marge: Paix):
ainsi tout demeure en calme, mesme le ciel semble promettre une gratieuse paix
à tout le pays (en marge: Chron. Burd.),
par l’entreveuë de Richard Roy d’Angleterre, avec Charles sixiesme, le mariage
de l’Anglois conclu avec Isabeau fille de France (en marge: Du Till.), la solemnité parachevée elle est conduite en
Angleterre par son espoux (en marge: Froiss t. 2),
qui commit au Duc 1’Enclastre son oncle le duché de Guyenne (en marge: Juvenal des Ursins): lequel
neatmoins ne fut au goust des Bourdelois (en
marge: Polid. Virgil.), qui refusent de recevoir tout autre pour Gouverneur
que le Roy Richard (en marge: 1395);
mais estant peu après depossedé de son Royaume par Henry son cousin germain le duc de l’Enclastre (en marge: Froiss. t. 2 c 110), fut en
suitte reduit à la perpétuelle prison.
Henry (en marge:
Henricus 4 duc Aquit.) se voyant de nouveau receu à la couronne d’Angleterre
ne voulut recevoir tous ces traictez
que ses predecesseurs avoient conclu
― Page 125 ―
avec les François, ains regaigna doucement les
affections des principaux Seigneurs de la Guyenne: voire il attira à son party
le Comte de Perigord (en marge: Comte),
lequel s’eschappa à plusieurs actes d’hostilité (en marge: Ma. Sc. do. com. munis.), mesmes contre l’Abbaye S. Front
& tout le Clergé de ceste province (en
marge: Ma. Sc. dom. de Pons.), dequoy ils forment leurs plaintes à Charles
Roy de France, qui luy manda de se tenir coy, sans traicter hostilement ses
subjects, à quoy il n’obeyt; ains se declara tout à faict ennemy de ceste
couronne, faisant plusieurs felonnies contre les serviteurs du Roy,
specialement la lubricité de son fils Archambaud (en marge: 1396), desja recogneu pour Comte, causa un sanglant
desordre au Puy S. Front; ayant jetté l’oeil de concupiscence sur une fille
d’une honorable famille. Il se resolut de la ravir par l’assistance de ses
satellites (en marge: Archambaud 6 comte
du Perig.); mais ses parens avec les habitans du lieu se mettent en
deffence, dont plusieurs furent massacrez, & en suitte continua plusieurs
violences. Les Maire & Consuls forment leurs plaintes au Roy de France,
obtiennent contre le Comte condemnation a trente mille livres d’amende à la
fondation de de deux Chapellanies destinées pour prier Dieu pour les ames des
tuez; tous les adherans bannis hors du Royaume fors un Moyne qui fut laissé à
la justice de son Ordre, le chasteau de Roussille où se tenoient les brigands
conquis au Roy.
Cecy
effaroucha davantage le Comte & les siens (en marge: 1398), qui s’esleverent (en marge: Juvenal des Ursins) à de plus grands desor-
― Page 126 ―
dres:
surquoy le Roy envoya à l’encontre une armée conduitte par le Mareschal de
Bousicaud qui le cita, & sur la contumace le condamne criminel de leze
Majesté avec tous ses adherans, & que les chasteaux de Montignac, de
Bourdeille, Auberoche, Causade, & autres seroient razez. Bientost apres il
le cantonna dans le chasteau de Montignac (en
marge: Prisonnier), le contraignit de se rendre, & se soumettre au
jugement du Parlement de France, auquel il est amené & condamné attaint
du crime de felonnie, le Comté du Perigord est confisqué au Roy.
Ceste
punition du Comte (en marge: Condamnation)
fut de beaucoup plus severe que celle qui avoit esté obtenue par les mesmes
Magistrats contre le Comte Elie Taleyrand l’an 1247 par nous obmise (en
marge: Vid. sup. 1247): car pour lors, soit à raison de violences, razemens
de maisons, & meurtres des habitans du Puy S. Front, que pour les ruines
causées à l’Eglise Cathédrale S.Estienne, soustenant le siege dans son
chasteau des Rolphies, il fut seulement condamné envers les parens des
deffuncts au revenu du Comté qui proviendroit dans trois ans dans l’enclos du
Puy S. Front: mais encor les citadins fauteurs de sa rebellion furent condamnez
à la fondation d’une rente notable pour prier pour l’ame des murtris (en marge: Ma. Sc. dom. comm.); aussi le menu peuple executeur de sa
fougade perdit les biens qui estoient dans l’enclos du Puy, & fut banny
hors la banlieue; de plus les autres habitans de ce lieu qui tenoient le party
du Roy contre le Comte,
― Page 127 ―
pour avoir lancé par leurs machines de batterie des
quarreaux contre l’Eglise Cathedrale, quoy que par mesgarde, furent condamnez à donner un
ciboire d’argent doré du poids de sept marcs. Ainsi ceste punition avoit esté
divisée a plusieurs; mais maintenant tout l’orage vint fondre sur le Comte.
Bref (en marge: 1397) la justice de
la ville & banlieue fut adjugée à la maison de ville par arrest de
l’an 1397 (en marge: Arrest du Parlement de Paris l’an
1397) à
raison des trente mille livres d’amende non payée (en marge: Justice adjugée). Pour le
Comté du Perigord (en marge: Comté
confisqué) le Roy le donna à son frère Louys en partage de la maison de
France (en marge: 1399) avec le Duché
d’Orléans & Comté des Vertus le vingt-quatriesme Janvier 1399
nonobstant toutes les oppositions qui furent formées par
les successeurs d’Archambaud, & de ses soeurs Eleonor & Brunisande, qui
encore aujourd’huy suivant l’observation de Choppin (en marge: Chopp. de Dominio lib. 3 tit. 12 & lib I, tit. 7, num. 4),
demandent au Parlement de Paris leur estre faict droict pour leurs légitimes
assignées sur le Comté de leur frère.
Le Roy Charles sixiesme par notable accident estant
tombé en frenesie (en marge: Ann. Galliae),
qui sembloit irrémédiable au secours humain, manda à son
Conestable Louys de Sanserre, qui pour lors estoit à Toloze (en marge: Hist. Thol. Bertrand), qu’il
luy envoyast le S. Suaire de Jesus-Christ, priant ceux du Chapitre de Sernin de
vouloir faire compagnie a la saincte Relique (en marge: Saint Suaire à Paris); l’Archevesque se met en chemin
avec l’Abbé de Cadouin, & les députez de la ville, & du Chapitre,
craignans que le Roy retiendroit ce qui nous appartenoit; toutesfois ils
furent congediez apres que le Roy eut faict ses devotions (en marge: 1399), & reviennent en
triomphe dans Tholoze au jour de S. André (en
marge: Rendu à Tholoze). Le nombre sans nombre des grands & autentiques
miracles que Dieu voulut operer dans tout ce pays Tholozain lors que ce gage
sacré leur fut rendu sont incroyables, je veu les fragmens de leur
verification, &m’estonne grandement qu’en ce siecle nostre ferveur soit
tant attiédie, puis que nous avons maintenant en nostre puissance ce que les
Roys, les Princes & les villes ont d’autresfois si esperducment desiré. (uu)
Gabriel,
Evesque.
Raymundus
Joannes, Evesque.
De
Bretenous, Evesque.
Henry IV, Roy
d’Angleterre, Duc d’Aquitaine.
(en marge: L’an de
Jesus Christ 1399) Nous apprenons par l’information qui sera faicte d’icy à
six vingts ans pour la saincte vie & moeurs du Cardinal de Bourdeille (en marge: Inquisitio de vit. & morib.
Card. anno 1526), comme soixante ans auparavant l’an 1447 auquel il
fut appellé à nostre Evesché, aucun
― Page 129 ―
Evesque n’avoit ozé resider dans le Perigord, à cause de la
cruauté des guerres qui ne pardonnoient mesmes au Clergé (en marge: Desolation), veu que les Anglois les traictoient
hostilement, & comme schismatiques. Desja l’Abbaye de Brantosme avoit esté
demolie par le Sieur de Mucidan (en
marge: Ex Ma. Sc. abbat. anno 1463), plusieurs autres lieux saincts
desolez., & presque toutes les Eglises ou démolies, ou polluës de meurtre.
Il est vray (en marge: 1400) que le
commencement de ce centenaire 1400
fut adoucy par quelques petites tresves pour la Guyenne,
interrompues de coup à coup par les attentats des François: l’an 1405 Gabriel estoit Evesque en ce Siège
(en marge: 1405).
Mais d autre-part (en marge: Paul Aemil.) le Duc de Bourgongne ayant faict assaziner
Louys son cousin germain, &
frere de Charles sixiesme (en marge: Du Till.), r’alluma dans le gros du Royaume de
plus en plus le malheur des desordres passez. Louys estoit Duc d’Orleans &
Comte du Perigord (en marge: Monstrelet,
t. I, c. 36). Il laissa trois enfans, Charles, Jean & Philippe: le
second (en marge: Jean de Valois, com. du
Perigord) eut pour son partage les Comtés du Perigord & Angoumois. L’an
1407 & l’an 1408 nous presente Raymond de Bretenous
(en marge: 1497 et 1408), qui comme
nostre Evesque reçoit les hommages deus à son Evesché (en marge: lib. hommag. episcop. pet.). Je conjecture qu’il estoit
de la maison de Bretenous, qui aujourd’huy est incorporée ou dans la famille
des Sieurs de Roquefeuil, ou du Comte de Clermont. J’apprens des documents de
la maison de ville (en marge: Ma. Sc.
dom. comm.), que ceste mesme année Jean fut promeu à cet Evesché, &
sans faire d’autre rencontre je parviens à l’an 1413.
auquel les trois fils du deffunct Duc d’Orléans (en marge: 1413) appellerent à leur party
l’armée Angloise pour vanger la mort de leur pere contre le Bourguignon: mais
la paix intervenuë congedia les Anglois sans coup ferir, lesquels pourtant ne
veulent se retirer sans avoir composé avec ceux qui les avoient apellez à la
somme de cent quarante mille escus pour leurs frais de la guerre; dont le Duc
d’Orléans paya cent quarante mille contents, & pour le restant deux cens
quatre vingt mille livres, monnoye de France, selon Monstrelet, le Comte de
Perigord fut donné en ostage aux Anglois, qui le menerent en Angleterre sur la
nouvelle de la mort de leur Roy Henry quatriesme, estant succedé par Henry
cinquiesme son fils. (vv)
Berengarius,
Evesque
Henry V, Roy d’Angleterre & Duc d’Aquitaine.
Tandis que le restant de la France est ampourpré du sang
de ses propres enfans, l’Anglois demeurant plus souvent vainqueur que vaincu, la guyenne demeure
en sa profonde paix soubs
― Page 131 ―
Henry
cinquiesme, lequel fut de surcroy tellement
favorisé de la fortune (en
marge: Anglois insolens), qu’ayant eu en mariage la fille de France, il se
faict declarer administrateur & legitime heritier de ceste couronne, &
abusant de l’incommodité d’esprit du bon Roy Charles cinquiesme, prend son
advantage contre Charles le legitime successeur: si que le voila eslevé à
lapogée de ce que ses predecesseurs avoient tant ambitionné, s’establissant
dans le throsne d’autruy jusques à sa mort (en
marge: 1422), qui fut l’an 1422 suivie
de prés par Charles sixiesme. Ainsi Charles septiesme & Henry sixiesme fils
des deffuncts, restent pour demesler ces debats implacables. L’Anglois estoit
presque generalement recogneu par toute la France (comme si la couronne des
fleurs de lys pouvoit tomber en quenouille, & la loy
Salique fondamentale du Royaume estre si facilement renversée) (en marge:
Annal. de Franc.). Il n’en sera pas ainsi, Dieu retirera
ce Royaume bien aymé du bord du tombeau: car il pleut au ciel (en marge: Remede divin) d’envoyer à
Charles septiesme ceste pucelle d’Orléans Jeanne Darc, tant renommée, affin
d’affermir par ceste foible main la couronne branlante & demy élochée de
dessus sa teste (en marge: 1428).
Comme de faict ce jeune Roy suivant & pressant les Anglois pied à pied,
reprenant ville apres ville, enfin ses ennemis estans deconfits à plusieurs rencontres
, il fut recogneu pour Roy de France, mesmes dans la capitale de sa Monarchie,
avec le tiltre de Charles le victorieux: mais il estoit desja temps qu’il soignast la police
& le calme de son
― Page 132 ―
Royaume, reparant dans l’estat Ecclesiastique & civil les bresches causées par la
malice des siecles passes.
De
faict le Pape Martin cinquiesme, soubs la faveur du Roy Sigismond, & à la
sollicitation du Roy de France (en marge:
1430), 1’an 1430 indiqua
un Concile oecumenique en la ville de Basle (en marge: Concil. Basilense, anno 1430), & ce suivant les
decrets du dernier Concile tenu à Constance (en marge: Conc. Constanciense). Le subject pour convoquer les
Prélats de toute la Chrestienté fut pour mettre la reformation des moeurs dans
le Christianisme, pour accoiser les troubles survenus en Boesme: mais par
special pour mettre meilleur ordre au stile de la Cour Romaine. Le Cardinal
Julianus Caesarius est deputé Legat du sainct Siege pour presider à la tenue du
Concile, & bonnement sur le poinct de l’ouverture, le Pape Martin
cinquiesme mourut (en marge: 1431),
& Eugène qui le succeda en commanda la première seance au dix-neufiesme
Juillet l’an 1431. Berengarius
Evesque de Périgueux fut à ce grand Concile, homme bien entendu &
rccommandable dans les affaires; puis que dans la cinquiesme seance où l’on
proceda à la nomination des Juges pour les causes de la foy, des Promoteurs
& Notaires du Concile; il fut choisi avec autres deux Evesques pour
examiner generalement toutes les causes devolues au Concile (en marge: Juges), hormis celles qui
appartiendroient a la foy. Voicy les termes (en marge: Sess. 5 Conc. Basil. memb. 3) de cét article, constituit, ordinat,
& deputat Judices seu commissarios ad audiendum omnes causae ad dictam
sanctam
― Page 133 ―
Synodum devolutas seu
desoluendas, causis fidem concernentibus exceptis, venerabiles Berengarium
Petrachoricensem, Petrum Augustensem provinciae Mogunciae, & Delphinum
Parmensem Episcopos. Tout alloit assez heureusement dans ceste venerable
assemblée (en marge: 1438), jusques à
l’an 1438 auquel le Pape Eugene piqué par la conclusion de quelques articles
qui derogeoient à l’authorité du sainct Siege, commanda aux Peres soubs paine
des censures Ecclesiastiques de se transporter à Ferrare pour la continuation
du Concile: mais la plus-part des Evesques se roidissent contre ce
commandement, excommunient les Prelats qui se rendroient à Ferrare (en marge: Conciliabule), voire dans la
seance trente & uniesme (en marge:
Sess. 31), tenuë le neufiesme Febrier; ils declarent le Pape Eugene
contumace aux commandemens du Concile, 1e suspendent de l’administration du Pontificat, tant au spirituel qu’au temporel.
Hardie & inouye entreprise! mesmes ils dresserent des articles &
reglemens au Roy Charles septiesme, le suppliant de vouloir les verifier dans
son Royaume (en marge: Articles), les
principaux Canons estoient (en marge:
Gaguin, lib. 10), que le Pontife Romain de dix en dix ans indiquera un Concile general au lieu qu’il luy plairra que s il est négligent à le convoquer
ceste puissance passera aux Peres de
l’Eglise; que le Pontife ne changera sans necessité le lieu qui aura esté
indiqué pour l’assemblée; que l’authorité du Concile de Basle avec ses droits demeure
inviolable; que jamais aucun, ny mesme le Pontife Romain, n’attente de les oster, infirmer, ou transporter. Avec plusieurs
― Page 134 ―
autres chefs qui estoient extraits de ce que desja avoit
esté conçeu dans le Conciliabule de Basle.
Le Roy Charles voyant que le trouble luy donnoit beau jeu
faict une assemblée à Bourges de plusieurs Evesques de son Royaume (en marge: Conciliabulum Bituricense, to. 4
conc.), qui justement est appellé Conciliabulum
Byturicence, d’autant que la pragmatique cension
y fut concluë suivant les articles proposez (en marge: Pragmatique cension). Ce fut le septiesme Juillet de l’an
1438 auquel
jour (en marge: 1438) l’authorite
Pontificale receut un notable deschet; mais comme Dieu laisse tousjours des
Phinées zélés pour sa querelle (en marge:
opposition), lors que son party semble plus desesperé; aussi il sussita
Pierre Archevesque de Bourdeaux (en
marge: Gaguin, ibid.), qui envoya ses deputez à Bourges avec nostre Evesque
Berengarius pour maintenir l’authorité du S. Pere (en marge: Paul Aemil.), & s’opposer à
la pragmatique cension (en
marge: Du Till.), entreprise toute courageuse! qui pourtant ne peut
reussir: car par authorité Royale elle fut promulguée au Parlement de Paris le
treiziesme du mesme mois de Juillet (en
marge: Vignier).
Ce ne fut pas seulement pour lors que le Pape reclamoit contre ces injustes usurpations, mais encor du depuis les Papes ses successeurs l’ont euë en horreur tout autant qu’une pernicieuse heresie. Ce sont les mots de Gaguin, aucun d’iceux ne l’ayant jamais vouluë approuver: mesme le Roy Louys onziesme successeur de Charles estoit sur le poinct de l’abolir, voire l’avoit accordé à la persuasion de Jean Balue
― Page 135 ―
Evesque d’Evreux, sans que le Procureur general, Jean de
sainct Romain, s’opposa à la verification de ceste revocation (en marge: Annal. Aquit.), jusques à ce
que François premier fit le concordat avec le Pape Léon dixiesme avantageant
après plusieurs années le droict de S. Pierre, qui pour lors n’avoit peu estre
conservé par nostre Evesque.
Tandis
que le Comte du Perigord & des Vertus fut retenu en ostage en Angleterre
pour le payement de 280000 livres
(en marge: Chronic. Comitum Engol. Corl.),
son Comté estoit administré soubs le nom du Duc d’Orléans tuteur, jusqu’à ce
qu’après plusieurs ans de sa retenuë il fut contraint de la vendre à Jean de
Bretagne Sieur de Legle, Viscomte de Lymoges 25000 florins (en
marge: Jean de Bretagne, comte du Perig.), ou seulement selon Chopin (en marge: Chopp. lib. 3 de Domin. titul. 12)
seize mille escus sans que jamais ses freres l’eussent voulu secourir. Quelque
temps après l’Advocat du Roy au Parlement de Paris, soustint ceste vendition
estre nulle (en marge: C. imperialem §
praeterea de prohibit. feud. alienat. per Frideric. in feudis), & que
le possesseur du Comté à tiltre d’apanage, avoit les mains liées pour
l’aliéner, si ce n’est avec congé & permission du Roy: de plus, que le
Comté du Perigord faisoit une bonne partie de l’apanage donné au pere de
Charles pour un temps, & a la charge de reversion, & quoy qu’elle eut
esté purement donnée, neantmoins qu’il ne luy estoit loisible de l’ipotequer:
toutesfois ceste vente & achapt ont demeuré pour valables. (xx)
Elias
Serven, Evesq.
Petrus
de Durfort, Evesque.
Raymundus
Laubariensis, Evesq.
Godefridus
Berengarius darpajou, Evesq.
Charles VII,
Roy de France, Duc d’Aquitaine.
Dans
moins de huict ou neuf ans (en marge:
L’an de Jesus Christ 1438) nous changeons quatre ou cinq fois de Prélat, desquels
nous ne trouvons bonnement l’année de leur reception; comme s’il n’eut fallu
faire memoire d’eux dans la posterité puis qu’ils n’avoient residé en leur Evesché par defaut de
courage (en marge: Changemens importuns).
Elias Serven succeda (en marge: 1437)
à Beranger dés l’an 1437. Ce
qui me baille soupçon que son predecesseur avoit suivy le party du pape Eugene puis que
l’année 1438
Beranger se trouva au Conciliabule de Bourges (en marge: Vid. sup. anno 1438) pour s’opposer à la
pragmatique
― Page 137 ―
que sanction; & neantmoins celuy-cy qui est apellé son
successeur, est marqué nostre Evesque un an auparavant; & pour continuer
les conjectures peut estre Berengarius d’Arpajou que nous trouverons dans peu
sur les rangs de nos Evesques, sera le mesme Berengarius qui auroit esté remis
a l’Evesché, lors que Charles septiesme s’accorda avec le Sainct Pere, haec dubitanter.
Pierre de Durfort succede à Elies;
plusieurs ont estimé que Durfort est la maison de Duras; il fut promeu par le
Pape Clement qui l’avoit pris de l’Ordre des Freres Prescheurs, & nous
conjecturons (en marge: Mort) que
l’epitaphe gravé dans la muraille de l’Eglise Cathédrale du costé gauche du
Choeur luy appartient (en marge: Epitaph.
Pet.
Episc.).
Praesul erat Petrus, jacet hic in puluere puluis,
Sit
coelum requies sit tibi vita Deus
Obiit die 10.
Aprilis.
Raymundus Laubariensis auparavant Evesque de Sarlat
fut advancé à cét Evesché par le Pape Benoist. Auquel succeda Geoffroy
Berangarius d’Arpajou pourveu par le Pape Jean.
Souvenons-nous
des dessains que l’Evesque Pierre faisoit l’an 1261
(en marge: Rescript Pet. episc. anno 1261)
pour colloquer plus honorablement le corps de l’Apostre S. Front, lesquels pourtant n’avoient encor esté executez sans
le vouloir du S. Siège; c’est pourquoy le Pape Eugene expedia la Bulle suivante (en marge: License de lever le corps sainct)
qui nous maintient sur le possessoire contre l’Abbaye de Sainct Pons (en marge: Chronol. Insulae Lerin.),
& donne plusieurs tiltres
― Page 138 ―
d’honneur à nostre
Apostre (en marge: Bulla Eugenii anno
1441).
Eugenius
Episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis Capitulo
Ecclesiae S. Frontonis salutem & Apotolicam benedictionem. Piam sanctorum memoriam
recolendam, qui Christi sequendo vestigia, aeternae beatitudinis praemia
consequenti, cuncti fideles Christi eo debent libentius honorare, quo in eorum
merita gloriosa uberior justis tribuitur gratia & peccatoribus delictorum
suorum venia ipsorum intercessionibus facilius indulgetur; propter qua fideles
populos ad eorumdem venerationem sanctorum tanto attentius invitamur, quanto id
efficacius eis proficere novimus ad salutem. Sane sicut ex serie petitionis pro
parte vestra nobis nuper oblatae percepimus, licet
bonae memoriae Petrus Petrachoricensis Epis. revolvens & pie considerans
quod altissimus ipsius sancti qui in illis partibus patronus, &
Christicolarum intercessor praecipuus habetur meritis
plurima miracula operari dignatus est (en
marge: Miracula S. Front), prout in dies
operatur, quodque ejusdem sancti corpus in loco minus decenti requiesceret (en marge: Vid. sup. anno
1261); cupiensque
summopere ut corpus hujusmodi decentius, & venerabilius conservaretur ac
per amplius exaltaretur, quandam argenteam satis pulchram, & preciosam
thaecam, ad hoc quod corpus ipsius inibi collecaretur, ac de loco ubi consistit
ad aliquem alium in praefata Ecclesia locum pro illius veneratione magis
convenientem atque congruum fieri procuraverit, & diem translationis sive exaltationis (en marge: Festum translationis) dicti sancti ultima die mensis
Aprilis singulis annis solemniter ibidem celebrare instituerit, &
ordinaverit; pro eo tamen quod dictus Episcopus dudum , sicut Domino
― Page 139 ―
placuit, debitum naturae persolvit praemissa ad effectum nondum deducta
fuerint, nec perduci potuerunt; quare pro parte vestra nobis fuit humiliter supplicatum (en marge: Supplica
capituli), ut vobis corpus hujusmodi in theca praedicta reponendi, & etiam transferendi
licentiam concedere de benignitate Apostolica dignaremur. Nos igitur
institutionem & ordinationem hujusmodi aliorumque per eundem Episcopum
circa venerationem & exaltationem ipsius corporis factam plurimum in Domino
commendantes (en marge: Concessio), ac cupientes ut illud a Christi fidelibus congrue
veneretur, & decenter conservetur, ejusmodi quoque supplicationibus
inclinati. Vobis corpus praedictum juxta intentionem, institutionem, & ordinationem Episcopi in dicta theca reponendi (en marge: Translationis), necnon de loco in quo existit, ut praesertur ad aliquem altum decentem, & ad id
congruentem in ipfa Ecclesia locum de quo melius videatur transferendi, ac
etiam caput dicti sancti de corpore hujusmodi per aliquem Catholicum Antistitem
separandi (en marge: Et separat. capitis), in aliquo condecenti tabernaculo seu vase precioso,
necnon supra majus Altare, vel alibi ubi in dicta Ecclesia congruentius
videbitur, ut populo melius & decentius ostendi possit,
quotiescunqne vobis videbitur, etiam reponendi licentiam auctoritate Apostolica
tenore praesentium largimur. Nonobstantibus,
&c. Nulli ergo hominum, &c. Datum Florentiae anno Incarnationis
Dominicae 1441 decimo septimo Kalendas Januarii, Pontificatus nostri anno undecimo.
Berengarius d’Arpajou finit ses jours l’an 1447 (en marge: Ma.
Sc.) nous laissant en sa place un tres digne ouvrier pour
reparer les ruines de l’estat Ecclesiastique. (yy)
Elias
de Bourdeille, Evesque, Cardinal
Charles VII, Roy de France & Duc d’Aquitaine.
Combien le Ciel
fut liberal de ses grace
envers ce dioceze (en marge: L’an de
Jesus Christ 1447), lors qu’il luy donna pour Pasteur celuy qu’il avoit
faict naistre (en marge: Chenu, Gall.
Christ. in Tab. ep. Pet. & Archie. Turon.), non tant pour soy-rnesme,
que pour servir d’eschole de vertu à la noblesse, de modelle aux bons
Prelats, de prototype à l’austerité des Religieux, de pourtraict de saincteté
pour tout le Christianisme (en marge:
Loüange). Ce fut Elie de Bourdeille, qui dans le cours de sa vie fut loué
pour sa saincteté, obey pour sa
prudence, respecté pour sa gravité, aymé pour sa douceur,
& par le violent esclat de tant de grandeurs, la grandeur de tant de
ferveurs, la ferveur de tant de sainctes actions de lumière, se rendit plus
esclatant dans ce siecle tenebreux, que les lumières & flambeaux qui apres
sa mort brusloient continuelement dans l’Eglise de Tours devant son sainct
sepulchre (en marge: Ma. Sc. Ann. 1526),
plus que le cierge ardent qui estoit posé prés du grand Autel de l’Eglise S.
Front
― Page 141 ―
devant son chapeau de Cardinal qui luy fut envoyé sur ses
derniers ans par le Pape Sixte quatriesme. Il semble que la recherche que nous
avons faict des Evesques ses predecesseurs depuis cinquante ou soixante ans ne
soit que pour rehausser davantage l’esclat de ses perfections, comment cognoistroit-on la rareté des diamans? s’il n’y avoit d’autres
cailloux, & la
beauté de l’or si
le cuiure n’estoit en usage? aussi luy estoient-elles données d’en-haut
pour maistriser les coeurs des plus grands, specialement pour retenir les
pieces du debris de ce pauvre dioceze desolé par les guerres contre
l’Angleterre, pour lesquelles ceste province servit souvent de funeste theatre,
ce qui avoit obligé les Evesques durant 60 ans, de
s’en absenter.
Tout ce que nous dirons de ce grand Prelat aura pour garand
les auteurs anciens &
modernes: mais par special sera averé par treize tesmoings jurez (en marge: Tesmoings), tous gens de
marque, qui furent interrogez juridiquement quarante ans apres sa mort (en marge: Inquisitio pro Elia Card. anno
1526), lors qu’on procedoit à l’inquisition
de ses vie &
moeurs (en marge: Speciatim ex Ma. Sc.
Petri de Boys), ce sera de leur deposition (en marge: Morin à secretis & confessionibus d. Card.) que nous
recueillirons l’eslite des fleurs qui embaumerent pour jamais l’ancienne &
noble famille des Sieurs de Bourdeille, desquels il print naissance.
Arnaud de Bourdeille, Seneschal & Lieutenant du Roy en
Perigord eut cinq enfans (en marge:
Origine), entre lesquels Elie dès son bas aage donna des augures de sa
saincteté future (en marge: Origo nobilis),
ce sainct enfant mesme
― Page 142 ―
à l’aage de sept ans (en marge: Vocatio in septemnio), ayant veu souvent dans le chasteau
d’Agonac le Pere Bertrand de Combort de l’Ordre des Freres Mineurs, fut saisy
d’un violent desir, qui porta son courage plus grand que son corps à embrasser
la saincte Religion de S. François; déclare son desir à ses parens tous
estonnez de la resolution de cét enfant: Madame sa mere est encore plus aux
affres de perdre son fils, & met en jeu tous moyens possibles pour divertir
ce qu’on croyoit du commencement ou despit, ou fantaisie puérile: mais sa
perseverance de trois ou quatre ans fit paroistre qu’il n’avoit rien d’humain
dans son desir; mais plustost qu’il venoit du ciel, auquel son pere craignant
de s’opposer; d’autre-part pressé des importunitez de l’enfant parvenu desja à
l’aage de dix ans (en marge: Novitiatus
in decennio); se resolut de le mener au Convent des Religieux de S.
François à Perigueux. Et d’autant que les troubles des guerres estoient fort
eschauffés dans tout le pays, Monsieur le Seneschal assembla soixante ou
septante chevaux pour la conduite de son fils, lequel donna bien de l’estonnement
à toute ceste noblesse, lors qu’après les derniers adieux donnez à sa mere, on
luy amena un bon cheval pour le monter: ce devot enfant s’opiniastre à ne prendre
de cheval pour son voyage, disant qu’il ne vouloit qu’un asne pour sa
conduitte, à l’imitation du Pere S. François, auquel il se vouloit desja
conformer. Il est mené en cét equipage, & mis dans le Novitiat, apres
lequel il estudia
― Page 143 ―
en Philosophie, de là envoyé à la Théologie dans le grand
Convent de l’Observance à Toloze (en marge:
Doctrina in Theolog.), où il fit paroistre la rareté de son esprit à l’aage
de dix-neuf ans, soustenant durant huict jours les Theses du Chapitre general
celebré en ce lieu, composé de l’eslite des plus doctes de ce temps: de là il
fut conduit au Convent reformé de Mirepoix pour y faire les premiers essais de
ses prédications.
Durant ce temps l’Evesché de Périgueux vaqua par la
mort de Geoffroy Berengarius d’Arpajou (en
marge: 1447), l’an 1447 le droict des nominations restant encore aux Chapitres par
la pragmatique cension, les Chanoines unanimement eslevrent F. Elie pour leur
Evesque (en marge: Fit episc. aetat. 24
anno), qui à ces nouvelles s’effaroucha, & se disant incapable de ceste
charge se roidit pour ne l’accepter (en
marge: Faict Evesque); mais afin qu’il ne peut se desgager, on deputa deux
Chanoines vers son Provincial, à ce qu’il luy commandast par obedience de les
suivre vers le Pape Eugene, qui pour lors estoit à Boulogne, où estans arrivez
les Deputez supplient sa saincteté d’agreer leur eslection, & dispenser à
ce qui manquoit sur l’aage de vingt-sept ans pour l’Episcopat; mais la docte
& eloquente harangue de F. Elie fut plus admirable, desadvoüant les
vingt-sept ans d’aage que les Deputez luy donnoient, & qu’il estoit seulement
au vingt & quatriefme, partant qu’il supplioit sa saincleté de ne le
dispenser sur son incapacité. Humilité! qui seule sembla meriter sa
confirmation. Le
― Page 144 ―
Pape commandant au Cardinal de Saincte Croix de le sacrer
pour Evesque. Ainsi en despit de tous ses efforts il faut obeyr; il vient à sa
ville, faict son entrée solemnelle le 3 Aoust de
l’an 1447. Trouva que le vice s’estoit
authorisé dans tout son dioceze (en
marge: Status dioecesis Petr.), les Eglises desolées, bruslées, renversées,
sans service divin, le Clergé sans ordre ny discipline, l’impunité des vices
alloit eshontéement la teste levée.
Grande moisson pour un si bon ouvrier, qui avec l’aide de
son Dieu s’appliqua au travail, à la visite, exhortation, confirmation, reconciliation
des Eglises, & à tous les
autres exercices de sa charge, qui pour l’ordinaire reculoient son repas à deux
heures après midy, avec un plus grand fruict qu’il n’eut ozé esperer de ce
grand desordre. Specialement faut noter le puissant remède dont il se servit
heureusement pour extirper le blaspheme qui regnoit pour lors en la bouche de
tous (en marge: Jureurs punis);
c’est que dés le commencement de sa promotion il fit une ordonnance (en marge: Decretum cont. de jeran...),
que tous ceux qui auroient juré fussent citez par le Curé du lieu à
comparoistre devant luy, & que deslors les denoncez subissent les peines
des excommuniez, jusques à ce qu’il parut par lettres testimoniales de leur
absolution, menassant par censures les Curez pusillanimes à la denonciation,
encourageant les zélés à l’exécution. La peine qu’il
imposoit (en marge: Poena) pour le
blaspheme estoit que durant la Messe le criminel se tiendroit à la porte de
l’Eglise un cierge
― Page 145 ―
en main,
nud pieds, sans chapeau ny ceinture, quelquefois en chemise, & qu’a la fin
il se presentast au pied de l’Autel pour recevoir publiquement l’absolution;
ainsi, faisant subir inexorablement ceste peine à toute sorte de personnes, il
n y eut dans un an aucun si huppé, & pour noble qu’il fut, qui osast ouvrir
la bouche contre le ciel (en marge:
Effectus). O Dieu! que ne revelliez-vous en nostre siecle le feu de ce nouvel Elie, puis que
nous en avons besoing plus que jamais?
Ces
heureux commencemens faisoient enrager de despit tout l’Enfer avec ses
partisans; il suscita le bastard de Gramont Anglois, qui commandoit dans le
chasteau d’Auberoche, lequel espiant l’occasion de se saisir de nostre Evesque
lors qu’il alloit innocemment pour reconcilier l’Eglise de S. Anthoine (en marge: Capitur ab Anglis), qui avoit
esté polluë par les meurtres faicts par cét Anglois dénaturé, n’ayant d’autre
escorte que l’Abbé de Brantosme, & quelques autres Eclesiastiques: ainsi
facilement il le print pour prisonnier de guerre, luy accordant à peine un sien
Prestre pour le servir (en marge:
Espreuve). Durant sa prison il fut plus mal traicté par louyë, suivant son
dire, qu’autrement: parce qu’il estoit contraint d’entendre ordinairement ses
ennemis qui blasphemoient en damnez. De là il est conduit au chasteau de la
Roche Chalais, & sur la crainte que les preneurs avoient que son frère le
Seneschal de la province ne vint assieger & forcer la place, deliberent de
le conduire à Lybourne, pour de
― Page 146 ―
là
l’envoyer en Medoc, ou en Angleterre. L’Archevesque de Bourdeaux Pierre
Berland, vray homme de Dieu (en marge:
Eripitur per Archiep. Burdig.), & reputé pour sainct, apprint le danger
où se trouvoit nostre Evesque, & secondant la noblesse qui estoit desja aux
champs pour l’enlever, il conduit si adextrement l’entreprise qu’ils le retirent de leurs mains
à Lybourne (en marge: Delivrance), le
jettent dans un bateau, & conduisent heureusement à Bourdeaux.
L’Archevesque accompagné de son Clergé & du corps de la ville le vint accueillir
au port, le mene à l’Archevesché, le festina par plusieurs jours, avec les
principaux de la ville.
Par ce narré nous passerons au
temporel (en marge: Montreslet),
comme desja la ville de Bourdeaux estoit en l’obeyssance (en marge: 1450) du Roy de France, lequel dés l’année 1450 (en marge: Annal. Aquit.) ayant
heureusement reconquis la Normandie, il porta sa pensée à déguerpir des mains
estrangeres nostre pauvre Guyenne (en
marge: Alain Chartier), & pour cét effet il commença ses reprises par
la ville de Bragerac (en marge: Dup. t. 2),
qui tousjours a esté reputée une des clefs de la Guyenne (en marge: Bragerac rendu): il y envoya le Comte de Pontieure &
de Perigord avec puissante armée, qui aux premieres aproches contraint les
assiegez à demander capitulation: le Comte reçoit la ville au nom du Roy,
permettant à l’Anglois de sortir bagues sauves, & les habitans sont
maintenus en leurs privileges (en marge:
Regestre de la gener. de Bourd. fol. 186): ce qui fut confirmé par lettres
Royaux de Charles l’an 1451
le 24
Novembre (en marge:
1451), avec abolition du passé, & promesse que leur ville ne seroit
jamais se-
― Page 147 ―
parée dé la couronne de France.
L’année suivante (en marge: 1452) nous ramenera en Guyenne le Comte Dunois avec
puissante armée, qui dans moins de deux mois conquit toutes les villes &
places les plus opiniastres, hormis Bayonne, de fléchir soubs les armes
Françoises, specialement la ville de Bourdeaux (en marge: Chronic. Burdigal.), despourveuë de secours Anglois, le
receut avec toute son armée le 21 Juin.
Ainsi
trois cens ans après que nous avions esté démembrez de la couronne de France
par l’infortuné mariage d’Eleonor, nous revenons heureusement à la domination
de nostre premier maistre, par la faveur du ciel, & la vaillance de la
noblesse (en marge: Loüange): surquoy
je ne puis taire ce qui a esté remarqué en ce lieu par Gilles, Dubouchet,
Dupleix & autres (en marge:
Annal. Aquit.);
c’est que parmy le grand nombre de ceux qui servirent le Roy de France, pour reconquerir l’Aquitaine,
seulement deux Seigneurs acquirent le nom de Chevaliers sans reproche (en marge: Gill. nic.
Chronic. de Franc.). Le Seigneur de Barbazan (en marge: Dup. t. 2), & François de Bouchard Viscomte
d’Aubeterre, Chambellan du Roy, Seneschal d’Angoumois, fils de Jochin, fils de
Savary, fils de Pierre, qui aussi porterent le tiltre de Comte, possedans de
plus les Seigneuries de Castillon, Mucidan, Puinorman, Cadillac, Rochefort,
Roussilles, Sainct Jean d’Angles, Rochemeaux, Sainct Martin de la Coudrée. Ce
qui soit dict en faveur de nos Evesques sortis de ceste noble famille.
Mais
(en marge: 1452) la grande &
longue maladie de l’Aqui-
― Page 148 ―
taine ne
peut se guerir tout soudain sans quelque recheute qui fut l’année suivante 1452 la ville de Bourdeaux (en marge: Polid. Virg.), & en suitte
les villes du voisinage se rendent derechef à la rébellion (en marge: Rebellion); ce qui a soudain
apella à Bourdeaux le plus signalé des Capitaines Anglois Thalabot (en marge: 1452); mais ce fut pour finir
bien tost ses jours dans le Perigord; car accourant pour secourir les quinze
cens Anglois assiegez dans Castillon par les nostres, il fut porté par terre
d’un coup de coulevrine, & au sepulchre dans la Chapelle nommée S. Jean de
Colles, bastie au desa du ruisseau qui separe ceste province du Bourdelois.
Mort qui fut suivie de celle de son fils, & de l’estonnement des rebelles
qui aux aproches du Roy Charles (en
marge: Alain & Jean Chartier), rendirent à sa discretion la ville de Bourdeaux, la Guyenne rebelle trouva
la misericorde dans ce coeur vrayement Royal pour les Ecclesiastiques &
Nobles (en marge: Misericorde Royale).
Neantmoins pour punition exemplaire il se reserva sur eux le chastiement de
vingt personnes, & le payement de cent mil escus, tant pour leur Chef que
pour leurs prisonniers.
Accompagnons
le retour de nostre Evesque (en marge:
Eliae ep. reditus in urbem) qui par la faveur de la paix revint à
sa ville, qui le receut comme jadis Alexandrie & Constantinople les Chrysostomes & Athanases apres leur exil: aussi
virent-ils sa ferveur redoublée (en
marge: Fervor), & plustost un Evesque Religieux, qu’un Religieux devenu
Evesque (en marge: Actions saintes):
n’ayant retranché rien de trois Caresmes de sa regle (en
marge: Jejunia); & au surplus y adjoustant les jours du Mecredy &
Samedy: la veille des
― Page 149 ―
grandes
solemnitez estoit au pain & à l’eau, lavant les pieds à certain nombre de
pauvres, suivant la solemnité du jour, lesquels il servoit à la table teste
nuë, & auparavant
prendre son repas, qui tousjours pour quelle compagnie qu’il y eust, fut
assaisonné de la lecture des saincts livres: un banc estoit sa couche
ordinaire, un livre pour cuissin, son habit un rude gris brun (en marge: Vestis), de vingt & cinq
sols l’aune, son manteau presque de si vil prix; & quand il fut Archevesque
l’aulne de son drap coutoit quelque quarante sols, aussi le disoit-il estre
trop precieux. Enfin le vray esprit & la vertu d’Elie estoit avec luy, par
laquelle il estoit plus-que fervent à reprendre les vices (en marge: Conciones), comme il parut
dans une quarantaine preschant à son peuple deux heures tous les jours sur les
sept pechez capitaux. Son assiduité aux confessions estoit toute pastorale: ne
permettant qu’aucun se retirast sans consolation (en marge: Benignitas), tant il estoit bening envers les pecheurs
repentans: mais severe & plus que lyon envers les superbes opiniastres.
Certains Chanoines, Prieurs, voire Abbés de son dioceze pour eviter sa
correction, ne vouloient recognoistre sa jurisdiction; mais il les ramena
puissamment à leur devoir (en
marge: Magnanimitas); voire il intenta procez contre les universitez qui
bailloient si facilement les degrez à ceux qui par leurs chicanes rongeoient le
pauvre peuple. Dc plus sa charité estoit notoire envers les pauvres
necessiteux, desquels il estoit le nourrissier dans sa maison, le Mede-
― Page 150 ―
cin
dans l’Hospital (en marge: Charitas),
leur Curé pour les Sacremens & sepulture. C’estoit du sanctuaire sacré de
l’oraison & contemplation (en marge:
Oratio) qu’il empruntoit ce brasier de charité toute fervente, passant le
peu de la nuict qu’il desroboit à ses occupations pour vaquer à sa méditation,
qu’il destrempoit pour l’ordinaire d’un ruisseau de larmes respanduës pour ses
diocezains. C’estoit pour eux qu’il consacroit tout ce qu’il possedoit, donnant
sa santé, sa vie, ses pensées, & son revenu pour les Eglises (en marge: Aedificia sacra), bastimens,
pauvres & necessiteux; sa liberalité fut grande aydant à rebastir l’Eglise
collégiale de S. Astier, ruinée par les guerres passées; il rebastit aussi la
moitié de l’Eglise S. George qui est dans les faux-bourgs de la ville; comme
aussi fit dresser le grand Autel de son Eglise Cathédrale que le vieux
manuscript dict par exaggeration, avoir estè le plus beau & magnifique de ce
Royaume.
Mais
il semble que Dieu avoit reservé ce S. Evesque Religieux de S. François, pour
executer apres plus de deux cens ans les dessains d’un autre Evesque Religieux
de S. Dominique (en marge: Vid. sup. anno
1261), qui l’an 1261
avoit determiné de lever le sainct corps de l’Apostre du Perigord (en marge: Corps sainct honnoré), &
n’agueres nous avons veu le congé que le Pape Eugene (en marge: Vid. Bull. Eugen. 1441) en a donné au Chapitre. Ainsi le vingt-cinquiesme
ou vingt-septiesme May de l’an 1463
Elies de Bourdeille (en marge: 1463),
assisté de l’Evesque de Sarlac, & de son oncle l’Evesque de Rieux (en marge: Ma. Sc. dom. comm.), &
jadis de Sarlac, tous deux de la maison de Rouffignac
― Page 151 ―
en
Lymosin, celebrerent l’élevation du corps du bien-heureux S. Front, colloquans
à part son chef dans un grand tabernacle qu’il avoit faict eslever &
richement elabourer au milieu du Choeur, basty de lames de cuivre, esmaillées
& dorées, renfermé de grilles de fer; ouvrage d’un merveilleux artifice,
qui à nostre siecle a demeuré en proye aux harpies huguenotes.
Ce
fut en suitte un coup de la prudence de nostre Prelat d’accoiser (en marge: Accord) les differens
intervenus entre les deux Chapitres Cathedral & Collegial (en marge: Ma. Sc. dom. comm.), chacun
pretendant devoir posseder le chef de ce corps sainct, l’accord faict par le
sainct Evesque fut portant processionnelement à l’Eglise Sainct Estienne un
bras de S. Front le jour de Saincte Quitere.
Sur ce sujet il ne faut obmettre comme ceste mesme année (en marge: 1463) redonna à ceste province le sainct Suaire que les Tholozains avoient possedé depuis l’an 1392. Certains escholiers de l’ordre de Cisteaux envieux de ce qu’il avoit esté ravy à leur Ordre par droict de represaille l’enleverent habilement de l’Eglise du Taur (en marge: Sainct Suaire), le rapportant à Cadouin, & peu de temps apres le portent a l’Abbaye d’Aubasine, où il fut retenu durant sept ans, non sans plaintes des Tholozains, & de l’Abbé de Cadouin, jusques à l’an 1463 (en marge: Ma. Sc. Abb. Cadunii); pour lors le Roy Charles commanda par ses patentes à M. Pierre de Combort Evefque d’Evreux, & Abbé d’Aubasine, de rendre à l’Abbé de Cadouin P. de Gain, le sainct Suaire,
― Page 152 ―
comme il appert par l’inscription de son sepulchre (en marge: Epitaphium Abbatis Cad.).
HIC IACET CORPVS F. PETRI DE GAIN,
qui senior Abbas hujus monasteris, per cujus opem recuperatum fuit Sanctissimum
Sudarium, videlicet die decimo mensis Junii anno Domini 1463 de
manibus reverendi in Christo patris Petri de Combornio Eboracensis Episcopi,
administratoris Aubasinae.
Je suis estonné sur la merveille des miracles approuvez
& verifiez par l’Archevesque de Toloze l’an 1413 lesquels continuerent dans ceste province,
suivant le tesmoignage que l’Archevesque de Bourdeaux Arturus de Montauban,
baillé l’an 1470. Ce qui
obligea les Papes Innocent huictiesme, Urbain cinquiesme, Boniface septiesme, & Alexandre
quatriesme, Grégoire onziesme, Jules second, Clement septiesme, & plusieurs
autres plus anciens de bailler beaucoup de privileges à ceste Abbaye,
confirmez par le Pape Paul l’an 1535.
Revenons à l’année 1463
qui donna assez pour d’incommodité à ceste province (en marge: Commiss. pour les francs-fiefs),
par la commission baillée au Seneschal du Perigord sur le faict des
francs-fiefs (en marge: anno 1463),
& nouveaux acquests faicts specialement par les communautez Ecclesiastiques
& Religieuses, qui apres tant de ruines se trouvoient bonnement sans
tiltres pour prouver ce que les Commissaires demandoient.
De la passons
à nostre Evesque Elie, lequel Dieu relevoit tout autant qu’il se deprisoit par les actions de son humilité
ordinaire (en marge: Archevesque de Tours).
Le Roy Louys onziesme successeur de Charles eut co-
gnoissance de ses merites, le choisit pour son confesseur,
& l’Archevesché de Tours vacant, il le ravit à ceste province pour le
colloquer (en marge: 1468) en plus
haut grade, l’an 1468.
Pour le Comté du Perigord, il avoit esté entre les mains
de Jean de Bretagne Sieur de l’Aigle (en marge: Corl. Comit. Engol.), Vicomte de
Lymoges (en marge: Juvenal des
Ursins); il eut un fils nommé Guillaume de l’Aigle (en marge: Guillaume de l’Aigle, comte du Perig.) son successeur
l’an 1443 qui decedant sans hoirs, fit sa
soeur Françoise de Bretagne son heritiere, qui l’an 1460 fut mariée à Alain Sire d’Albret (en marge: Alain d’Albret, Com. du Perig.)
d’où nasquit Jean d’Albret. (zz)
Radelphinus,
Evesque.
Louys XI, Roy de France & Duc d’Aquitaine.
Par
la promotion d’Elie à l’Archevesché de Tours (en marge: L’an de Jesus Christ 1468), nostre Siège Episcopal
escheut à Radelphinus ou Ranulphius, pourueü par le Pape Paul second (en marge: Bulla Paul 2 anno 1468),
suivant la Bulle expediée l’an 1468.
Quant
au Duché d’Aquitaine l’année suivante (en marge:
1469) Louys onziesme donne pour apanage (en marge: Duché) à son frere Charles (en marge: Charles Duc de Guyenne), non toute l’Aquitaine; ains
seulement le Bourdelois, 1e Bazadois, les Lannes, la Xaintonge & la
Rochelle; mais trois ans
― Page 154 ―
après la mort luy ravissant la vie (en marge: Nicol. Gilles), causa la reunion totale de la Guyenne à
la couronne de France (en marge: 1472)
par reversion d’apanage: ainsi tousjours jusques aujourd’huy elle a demeuré en
propre au Roy de France.
Les
occupations de l’Archevesque de Tours ne luy avoient faict oublier son pays (en marge: 1476): si que l’an 1476 il obtint par sa sollicitation du Pape Sixte
quatriesme une Bulle des grands pardons en forme de Jubilé (en marge: Indulgences) pour dix ans en
faveur des fidèles qui visiteroent les Eglises de Sainct Estienne & S. Front és jours de leurs festes (en marge: Bullae Sixti 4 anno 1476), ou
quatre jours suivans, & y seroient leurs liberalitez pour reedifier leur
ruine imminente, à
la charge que le tiers des oblations viendroit à la Chambre Apostolique. En suite l’Archevesque Elie par une autre Bulle est
commis pour General Pénitencier & Surintendant à ce Jubilé, avec puissance
d’absoudre & dispenser sur les voeux & irrégularité. Dans la première
Bulle nous aprenons les Reliques qui reposoient pour lors dans l’Eglise de
Sainct Estienne, in
qua certae reliquiae ejusdem Sancti, & corpora Sancti Leonis Papae qui
magnus Leo dictus, & beati Patrocli, & Sancta Sabina martyris
requiescunt. Il dict en suitte plusieurs
tiltres d’honneur de l’Eglise S. Front, qu’il apelle un des
septante deux Disciples de Jesus-Christ, &c.
Le
mesme Pape Sixte quatriesme l’an 1481 ordonna (en
marge: Chron. Burd. anno 1481) à la requisition du Roy Louys onziesme (en marge: 1481) qu’on fit inquisition de
la saincte vie & miracles
faicts par Pierre Berland cy-devant Ar-
― Page 155 ―
chevesque de
Bourdeaux, & pour cét effet commet
Raoul Evesque de Perigueux, & Raymond Evesque de Bazas Inquisiteurs (en marge: Gabr. Lurb. de Viris, Illustr.
Aquit.), qui après plusieurs & fidèles recherches, rapporterent leur
procez verbal en l’assemblée de tous les Ordres de la ville de Bourdeaux le
dix-huictiesme Decembre audit an, pour envoyer des deputez en Cour de Rome
poursuivre la canonization de ce grand Prelat: ce qui pourtant fut sans effet.
Je
ne veux encor quitter la memoire de l’Archevesque de Tours Elie de Bourdeille;
car il n’abandonnera jamais son pays par esprit & affection. Ce nouveau
grade ne luy avoit enflé le coeur; moins encore quand le Pape Sixte quatriesme
l’an 1483 le
fit Cardinal du tiltre de Saincte Luce in Silice (en marge: Cardinal); il demeura tousjours sur son cube inébranlable en
sa simplicité contre ces faveurs humaines: c’est le tesmoignage que Rodolphius
Tosciniacensis (en marge: Rodolphius
Toscin. lib. 2 hist.) luy donne dans son histoire Seraphique, sic in rebus secundis quae
caeterorum etiam sapientum animos fatigant, ne quidem latum unguem à recto
statu vel cursu huc atque illuc deflexit, sed sapienter vento nimis secundo vel contrahere cum coelestibus praeceptis, tum exemplis
edoctus, prosperitatem humanam judicavit vento similem aut vitro quod maxime
frangitur cum maxime splendet; quippe qua falsis imaginibus ludit, quam
adversitas qua instar lapidis Lydii filios Dei non extus auratos sed intus aureos
indicio demonstrat, & tactu probat, &c. Il ne s’agrandit qu’en noble courage pour la
deffense des immunitez Ecclesiasti-
― Page 156 ―
ques,
s’opposant aux usurpations des Officiers du Roy; mesme au péril de sa vie.
Desja le Chancelier de France & le grand Conseil l’avoient faict adjourner
à comparoistre personnelement (en
marge: Défenseur du S. Siege); mesme tout le temporel de son Archevesché
estoient mis entre les mains des Comrnissaires; mais contre tous ces tonnerres
il s’arme de sa plume; escrit plusieurs
traictez de la puissance du Pape, & la defense des concordats faicts contre la
Pragmatique sanction (en marge: tractatus
de potest Pap. per Eliam de Bourdeille, Arch. Tur.), l’un desquels
commençoit à summo coelo (en marge: Deffensorium
concord. cont.). Q’estoit mettre de l’huile au feu,
qui embrasoit les cervelles politiques, & quoy que desja il eut par sa
parole adoucy le coeur du Roy; neantmoins certains courtisans le mettent en
totale disgrace, l’un d’iceux est substitué à son office de Confesseur du Roy; mais dans peu de
jours finissant sa vie, laissa de l’estonnement aux autres
(en marge: Chenu. in ep. Pet. &
Archie. Turon.), & bailla de l’admiration à toute la
France sur la constance de nostre Prelat.
Le
temps de sa mort s’approchoit, il le cogneut estant malade dans le
chasteau d’Artene prés de Tours (en
marge: Gall. Christ.): il s’arma des Sacremens, defend toute pompe funèbre,
& ne veut d’autre lict pour mourir que la cendre, d’autre sepulture que le
cemetiere des pauvres (en marge: Mort);
aussi mourut-il vrayement pauvre ne s’estant rien laisse: mais ayant tout mis
en depost dans les mains des pauvres aux Hospitaux, ou Eglises & Monasteres
ruinez. Il mourut faictement l’an 1484 laissant
la ville de Tours plus desolée qu’elle n’avoit esté depuis
― Page 157 ―
le decez du grand Sainct Martin. Les Tourengeaus
par plusieurs jours honorerent ce Sainct, & Dieu du ciel voulut le
recommander par plusieurs miracles (en
marge: Miracles), comme il avoit faict durant sa vie (en marge: Miracula ex Inquis. vitae & sanct.). Raportons-en
quelques-uns: estant à Tours celebrant la saincte Messe, un Capitaine de
l’armée du Roy Charles aliéné de son esprit se jetta à ses pieds, & soudain
fut remis en son bon sens. A Amboise estant dans son Convent en la mesme action
au jour de la Feste de S. François, le Maistre d’hostel de la Royne de France
Charlote l’advertit à l’oreille du danger de mort où elle estoit dans le
travail d’enfant, il s’arresta un peu, offrit à Dieu sa prière pour elle, &
soudain elle fit heureusement ses accouches. De plus deux demoniacles, l’un à
Tours, l’autre à Périgueux, furent delivrez par son exorcisme, Guillaume
Chalupy Advocat, & jadis son domestique, rend tesmoignage qu’ayant appris à
Tours, la maladie de son frère qui tiroit aux abois, demanda congé à son
maistre pour venir en ceste ville servir le malade: mais cét homme de Dieu
respondit n’estre necessaire qu’il seroit bien tost en santé, ce qui fut vray
par la vertu de sa prière. Guillelmus de Valle habitant de ceste ville
tesmoigne comme ayant sa cuisse rompuë depuis quinze mois, & despendu son
bien à se taire traitter sans apparence de guerison, oyant le rapport des
merveilles du bien-heureux Cardinal, demanda affectueusement à Dieu sa guerison
par les prières de ce bon Prelat qu’il croyoit
estre
bien-heureux au ciel, & dans peu se voit miraculeusement guery: cecy
suffira pour declarer une partie des merites de celuy qui durant vingt ans a
esté noftre Evesque. (1)
Godefridus
de Pompadorio, Evesque.
Louys
XI, Roy de France.
Gabriel
Dumas, Evesque.
Charles VIII,
Roy de France.
Godefridus
de Pompadorio, Evesque.
Louys
XII, Roy de France.
Nous
trouvons (en marge: L’an de Jesus Christ
1481) que Geoffroy de Pompadour surnommé de Chasteaubouchet (en marge: Ma. Sc. D.
pub.), tint le baston Pastoral de ce dioceze l’an 1481 (en marge: Chenu in Tab. ep. p.). Peu d’années après on commença l’establissement (en marge: Fondation) du Convent des Peres
Augustins hors la ville (en marge: Gall.
Christ.) par son consentement & de la communauté de la ville l’an 1483 à la promotion
― Page 159 ―
de
FF. Jean, & Prongentius de Villezaio Religieux de cet Ordre: plusieurs
bien-facteurs contribuerent à cét oeuvre pie (en marge: Fund. August. anno 1483): Jean Dupuy Sieur de Trigounan
donna le fonds où l’Eglise fut bastie; ce lieu fut beni par nostre Evesque Geoffroy,
assisté de F. Pierre d’Abzac de la maison de la Douze (en marge: Ma. Sc. do. comm.), Religieux de l’Ordre de S. Augustin,
Evesque de Rieux, & du depuis de Laitoure; il demeura Prieur jusques à l’an
1494 auquel il fut faict Archevesque de Narbonne.
Revenons
à l’année 1483 funeste par la mort de Louys onziesme (en marge: 1483) qui obligea la Royne de convoquer
les Estats generaux l’année suivante (en
marge: 1484), ils furent premierement assignez à Orléans (en marge: Nic. Gill. Chronic.), de là à
Tours, où se trouverent les deputez des trois Estats de ce Royaume, l’Evesque Geoffroy de Pompadour y assista
pour le Clergé de ceste province (en
marge: Ma. Sc. dom. comm.) avec les autres deputez (en marge: Estats generaux); lesquels
obtindrent du Roy la confirmation des immunitez & franchises bailléez par
les Roys de France à ceste province; plusieurs bons reglemens y furent conclus,
specialement on donna au Roy Charles huictiesme fils unique du defunct la somme
de douze cens mille livres, & cent mille escus pour son couronnement (en marge: 1485). De là nostre Prelat
augmentant de grade, est faict grand aumosnier du Roy, president en la
Chambre des Comtes à Paris. Mais sa fortune receut une notable secousse par
l’accident qui luy survint en ce temps: car la minorité du Roy Charles, fit
naistre à deux Princes ambitieux l’occa-
― Page 160 ―
sion de poursuivre la regence du Royaume (en marge: Nic. Gill.) avec telle
violence qu’ils sembloient plustost vouloir conduire cet Estat au sepulchre,
que le gouverner & recourir
de l’orage; c’estoit le Duc de Bourbon contre Louys Duc d’Orléans, qui estoit
poussé & possedé
par François Comte du Dunois (en marge: Revoltés), homme de prompt
& violent esprit (en marge: P.
Des Rey); qui voyant le Competiteur eslevé à l’office de Conestable de
France, fit resoudre le Duc d’Orléans en tiltre de premier Prince du sang &
le plus proche de la couronne, de se liguer avec les principaux Seigneurs pour
venger ses interests & mescontentemens pretendus: desja le mal esclatoit en
guerres civiles; mais les plus zélés François travaillerent à reconcilier le
Duc d’Orléans avec sa Majesté, ce qui fut heureusement conclu à Bougency (en marge: Appaisées), à la charge que le
Comte de Dunois promoteur de la revolte vuideroit le Royaume (en marge: Argentré lib. 12 c. 27).
Toutesfois l’impatience de cét esprit tout bouffi de rage ne
peut se tenir coy plus long temps en la ville d’Ast en Piedmond (en marge: Rengregées); il revint en
France sans rappel, à son arrivée fortifie Partenay pour son asseurance, de là
en avant il remuë ciel & terre, tasche de renouer la ligue des Princes mécontens,
sollicite puissamment le Duc d’Orléans à poursuivre ses premieres pointes; mais
Anne de France tante du Roy, qui par les Estats de Tours avoit eu le
gouvernement de sa Majesté, ne dort pas, elle descouvre les principaux
conjurez, nostre Evesque de
― Page 161 ―
Pompadour, l’Evesque de Montauban de la maison de
Caumon, avec le Seigneur de Bussi son
frere (en marge:
Jaligni), & Philippe de Commines, sont convaincus par leurs propres
lettres d’estre adherans à celle ligue, à raison
dequoy ils furent arrestez prisonniers (en marge: Ligueurs faictz prisonniers); les Evesques estoient
traictez honorablement;
tandis cependant qu’on leur faisoit leur procez par les Commissaires de la Cour
de Parlement de Paris (en marge:
Convaincus). Duquel procédé le Pape Innocent huictiesme estant adverty
envoya en France des Commissaires de sa part pour l’instruction de ceste cause
(en marge: Dupleix, to. 3), lesquels
ayant ouy les Prelats, & recogneu leur conspiration par trop criminelle se
rendirent de Juges, advocats pour obtenir du Roy leur pardon (en marge: Pardonnez), qui se tesmoignant
vrayement Roy & clement, se contenta de consiner les Evesques à quelque
canton de leur dioceze.
Ceste
mesme année nous trouvons nostre Evesque dans la chaire du Puy en Vellay (en marge: P. odo de Giff. lib. 3 c. 38);
mais quittant nostre Siege Episcopal (en
marge: Chenut. Epis. Podiens.), il ne voulut pourtant se descharger de
plusieurs benefices importans qu’il possedoit dans le dioceze (en marge: Benefices) & ailleurs,
suppliant le Pape Alexandre sixiesme qu’il luy fut permis de retenir avec
l’Evesché du Vellay les Abbayes de S. Anian de Boisse en Angoumois (en marge: Ex
schedis dom. comm. Engol.), de nostre Dame de Chancelade en Perigord, les
Priorez de S. Cyprien en Sarladois, de S. Jean de Colle en Perigord, les
Prevostez de S. Pardoux & d’Arnac, un Canononicat & Prebande en
l’Eglise de Lyon. Ce
― Page 162 ―
qui luy fut accordé par le Pape Alexandre, le 17 Juillet, l’an neufiesme de son
Pontificat.
Gabriel Dumas l’année mesme du départ de Geoffroy (en marge: Chenut.), fut aussi prins de
l’Evesché de Mirepois, & pourveu de ce siege de Perigueux l’an 1485 par
Innocent huictiesme (en marge: 1485),
l’an second de son Pontificat (en marge:
Bull. Inno. 8 anno 1485), comme il est marqué par sa Bulle, & l’an 1490 fut faict accord entre luy & la
maison de ville pour les limites de leurs jurisdictions (en marge: 1490). L’année precedente & le vingt-huictesme Avril, le
Seigneur Pierre d’Anton faict don au Chapitre de S. Front de Perigueux (en marge: Ma. Sc. Eccles. S. Front) de
la precieuse Relique de la saincte Coiffe ou Voile de la Vierge (en marge: S. Voile) qu’il avoit apporté
de son voyage d’outre mer, & ce à certaines charges & conditions
portées par la transaction. Un habitant de la ville Olivier de Brehault par
testament donna tout son bien pour fonder une Vicairie (en marge: 1500) pour servir & honorer la mere de nostre Dieu,
laquelle par son usage & attouchement de son corps tout virginal avoit
sanctifié ce linge sacré.
Nous
trouvons (en marge: 1500) Geoffroy de
Pompadour pour nostre Evesque pourveu par Alexandre 6 l’an
1500, le 18 de son Pontificat (en
marge: Bull. Alex. anno 1500), il estoit nepveu de Geoffroy, qui n’agueres
nous avoit quitté, passant à l’Evesché du Puy en Vellay. Il fit son entrée
Episcopale le 12 de
Novembre de ladite année sans continuer dans ceste charge au delà de l’an 1503 quoy qu’il vescut davantage (en marge: 1503), jusqu’à l’an 1514 Joannes Auriens luy succeda (en marge: 1504) à son Evesché l’an 1504.
― Page 163 ―
Quant au Comté du Perigord (en marge: Comté), Jean sire d’Albret (en marge: Jean d’Albret Com. du Per.), fils d’Alain Albret, fut
heritier de son pere, & marié à Catherine
de Foix Royne de Navarre, d’où provint Henry d’Albret (en marge: Henry Dalbret), qui du costé de son pere fut Comte du
Perigord, & (en marge: 1517) du
costé maternel Roy de Navarre l’an 1517.
Je ne veux passer
soubs silence comme Anthoine de Sainct Symphorian (en marge: Juve. des Ursins) Abbé régulier de Brantosme, estant mort
à S. Valeric
l’an 1501 (en marge: Du Till.
invent. des Roys de France) les Religieux de ceste Abbaye en
nombre de quatorze vocaux s’assemblerent pour l’eslection d’un successeur,
& procedans par voye de Scrutin (en
marge: Ma. Sc. Abb. Brant. anno 1501), ils furent mi-partis, sept ayans
nommé frere Hugues d’Abzac de la Douze, qui
desja estoit Abbé de Allodiis de l’Ordre Sainct Benoist, les autres sept
esleurent frere Pierre de Sandalesses Prevost de Puychambaud, qui estoit de
leur famille: (en marge: Abbé de
Brantosme) à raison
dequoy il intervint des grandes contrastes. Enfin Sandalesses, ne se voyant
assez puissant pour resister à Dabzac, resigna son droict de l’Abbaye au Cardinal
d’Albret Amanée. Malheur qui apporta le premier Abbé commandataire dans ce
lieu, où pourtant il fit plusieurs & magnifiques bastimens, qui encore
aujourd’huy presentent ses armoiries. Il mourut à Casteljaloux l’an 1520 chargé des Eveschez de Bazas, de
Pamies, de Pampelone, avec les Abbayes de Brantosme, du
Mas-dazil, de Lozac, & de S. Amand. (2)
Joannes
Auriens, Evesque.
Guido
de Castro-Novo de Bretenous, Evesque.
Jacobus
Murisso de Castro-Novo, Evesque.
François
I, Roy de France.
Nous
rencontrons (en marge: L’an de Jesus
Christ 1504) un nouveau Prélat dans une saincte action, pour honnorer un
sainct qui par excellence porte le titre de Grand sans reserve (en
marge: Ma. Sc. Capit. Cathed.). Ce fut l’an 1504 que Joannes Auriens Evesque de Perigueux au jour de
S. Thomas l’Apostre, esleva & transporta dans un nouveau Reliquaire
d’argent les ossemens sacrez du grand S. Leon Pape (en marge: Corps sainct), qui des plusieurs années avoient esté
portez à l’Eglise Cathédrale de S. Estienne. Peu de temps apres & l’an 1509 Anthoine de Luzec Evesque
& Comte de Cahors (en marge: 1509)
estant mort apres ses obseques, le Chapitre assemblé, suivant l’ancien
― Page 165 ―
droict des communautez, proceda à l’eslection & nomination d’un successeur qui fut l’Abbé de Bonneval, de l’ancienne & illustre maison de Castelnau de Bretenoux. Le Pape Jule 2 confirma l’eslection ceste mesme année le 13 de Juin; mais desja nos Roys vouloient acrocher ceste amorce qui restoit pour les bonnes lettres dans la Pragmatique sanction, s’approprians les droicts des nominations qui par icelle restoient aux communautez. Ainsi le Roy Louys onziesme estant à Vienne le quatorziesme Aoust de ceste année 1505 envoya deffenses au Clergé de Cahors de recevoir autre pour Evesque que Germain de Ganay frere du grand Chancelier de France (en marge: Evesché), auquel il avoit donné son placet, comme nous apprenons des documens de la maison de ville de Cahors, rapportés par la Croix (en marge: De Cruce in actis epis. Cadurc.; ex quo Chenut. & Gall. Christ.). Surquoy intervindrent grands procez, & pour les appaiser fut trouvé bon que l’Abbé de Bonneval relaschant son droict a l’authorité Royale, fut pourveu à l’Evesché de Perigueux (en marge: 1511), l’autre demeurant à Germain de Ganay. Ainsi l’an 1511 Guy de Chasteau-neuf, le dernier jour de Fevrier, fit son entrée Episcopale à Perigueux; ses armes estoient trois tours d’argent en champ d’azur, lesquelles nous rencontrons en plusieurs edifices sacrez qui ont eschappé les derniers saccagemens, specialement au pilier-boutaut de la Chapelle S. Estienne, où aujourd’huy le Chapitre faict le divin service, on lit ceste inscription (en marge :1521), L’AN MIL V. C. XXI. ET
― Page 166 ―
LE XIII. D’AVRIL FVT
COMMENCEE LA PRESENTE CHAPELLE. GVIDO DE CASTRO NOVO
(en marge: Inscript. lapid.). Il fut
suivy en l’Evesché par Jaques Murisse de Castelnau, qui le 5 d’Octobre 1523 fit son entrée Episcopale (en marge: 1523): mais ce ne fut pour
vivre long temps apres, decedant à Cahors l’année suivante, le 10 jour d’Aoust jour de S. Laurens (en marge: 1524). Ceste année fut
remarquable par la donation que fit Pierre Ruffis ou Roux, Curé de Montagut,
pour la fondation de la Chapelle adjoincte à l’Eglise de S. Front (en marge: Fundatio Capell. Sanctae Annae
anno 1524), soubs le tiltre de S. Jean Baptiste. La première pierre de ce
magnifique & bien entendu bastiment (en
marge: Fondation) fut mise en ceste année 1524 le contract passé avec [avec répeté] les maistres qui receurent pour
commencer six mille cinq cens livres; le fondateur ne peut voir son
entreprise conduite à chef, estant prevenu de la mort: mais pour la
continuation de la fabrique il donna tout son bien à la communauté de Perigueux
(en marge: Ma. Sc. dom. comm. anno 1524),
qui l’an 1549 fut en
procez (en marge: Et anno 1549)
contre les Architectes pour n’avoir bien assis leurs
premieres voutes, & contractans avec d’autres font continuer ceste
fabrique jusques aux années infortunées par la prinse de la ville, & sur
la reprise ceste Chapelle changea de nom, estant consacrée à Saincte Anne en
recognoissance du bienfait receu au jour de sa Feste, comme nous dirons. (3)
Joannes
de Plagnies, Evesque.
François I,
Roy de France.
Incontinent
(en marge: L’an de Jesus Christ 1524)
apres le decez de Jaques, dans la mesme année 1524 le dixiesme Novembre Jean de Plaignie (en marge: Chenu.), ou Planis, fut
destiné pour son successeur (en marge:
Gall. Christ.). Il estoit de ceste ancienne & illustre famille de
Desplas en Lymosin (en marge: Ma. Sc.),
qui jusques à nostre temps a produit de tres-grands & tres-dignes Prelats
és sieges de Bazas & de Leitoure (en
marge: Origine), dans lequel nous honorons encor la venerable & pieuse
vieillesse de l’oncle,
& le zele du nepveu. Nostre
Evesque estoit fils aisné du sieur Anthoine Desplas, & de Marie de
Miramont, portant pour armes trois barres de geule my-parties en champ
d’argent. Le 23 d’Avril
1525
il fit son entrée Episcopale (en marge:
Ex schedis capit. Cathedralis), de laquelle ayant parlé si souvent je veux
maintenant d’escrire
la solennité. Les quatre Barons du Perigord estoient convoquez, à sçavoir Bourdeille,
Mareul, Biron & Beinac
(en marge: Reception de l’Evesque),
lesquels par devoir portaient sur leurs espaules l’Evesque nouveau assis sur
une chaire, depuis l’Eglise de S. Pierre Laneys, jusques dans son siege Epis-
― Page 168 ―
copal, à l’entrée de son Eglise Cathédrale il estoit acueilly du Clergé, auquel il juroit sur les saincts Evangiles les articles suivants. Premierement, qu’il garderoit en general les coustumes & statuts qui sont observez dans l’Eglise Catholique. Secondement, qu’il conserveroit au possible les droicts Episcopaux, recouvreroit les biens alienez, & en particulier conserveroit les privileges de ceste Eglise. Tiercement, qu’il vouloit selon son pouvoir guarantir de leurs ennemis & de toutes hostilitez ceux de son dioceze. Haec omnia, disoit-il, praedicta promitto & juro ad sancta Dei Evangelia me facturum & servaturum pro posse (en marge: Jurement de l’Evesque). En suitte il frappoit de son baston Pastoral la porte de son Eglise, disant le verset, Attollite portas principes, &c. Le Choeur respondoit, Quis est iste Rex gloriae, &c. A l’ouverture l’on chantoit, Sint lumbi vesti praecincti, jusqu’au Maistre-autel, où l’Evesque disoit l’Oraison de S. Estienne; de là chantant le Cantique, Te Deum laudamus, il estoit porté par les Barons dans son siege Episcopal. Ce font les devoirs du Clergé envers leur nouveau Prelat, qui en suitte leur devoit faire plusieurs liberalitez.
Deplaigne
estant acueily avec ceste magnificence, s’occupa à plusieurs sainctes actions (en marge: Sainct Espine trouvée). La
mort du Capitaine des Anglois Talabot (en
marge: Vid. sup. anno 1453), tué prés de Castillon, avoit donné parmy les
despoüiles prises sur luy à noble Michel Peyrounin,
une Croix d’or, garnie de diamans, trouvée au
― Page 169 ―
col du deffunct, laquelle apres quelques années
tomba entre les mains de noble Pierre de Pombrian sieur de Monreal, lequel
faisant ouvrir ce sacre Reliquaire, trouva au dedans une espine enchassée,
& n’ayant asseurance s’il la falloit honorer, comme ayant servy à la
Passion de Jesus-Christ. Il consulta sur ce doubte nostre Evesque de Plaignie,
qui commit l’examen de cét affaire à son Théologal Maimont Gardien du Convent
de S. François, lequel dans sa consulte baillée par escript, respond qu’il
falloit demander à Dieu des signes extraordinaires par jeusnes & prières
publiques, afin qu’il luy pleut de declarer en quel estat il vouloit qu’on tint
ceste espine. Il est vray-semblable que dans l’essay faict, divers miracles
parurent (en marge: 1526): car l’an 1526 nostre
Evesque expedia un Bref (en marge:
Rescriptum Joannis de Plagn. anno 1526) en faveur de la transaction faicte
par le Sieur de Pombrian avec Sudiraut Curé de la Parroisse d’Aysac, declarant
apres plusieurs consultes qu’on peut & doit honorer la saincte Espine,
commandant de la porter processionnelement; j’ay veu l’original de ce rescript
dans le thresor du chasteau de Montreal.
Dés
la mesme année nostre Evesque expedia une commission autentique à Jean Ganeoti
Notaire Apostolique, à ce qu’il procedast à l’inquisition de la vie &
moeurs du deffunct Elie de Bourdeille jadis Evesque de Perigueux, puis
Archevesque de Tours, & Cardinal, decedé depuis quarante & deux ans. Ne tanti viri me-
― Page 170 ―
moria,
dict l’Evesque (en marge: Inquisition),
in
clero & populo praedictae dioecesis sepulta remaneat, ut ejus
exemplo caeteri ad vitae sanctitatem & laudem facilius trahantur, generosaque nobilitas tantis virtutitus excrescentibus, etiam
proclivior ad similia peragenda invitetur (Commiss.
Episc. de Pla. pro inquis. anno 1526). Ceste
inquisition fut faicte à la promotion de son nepveu, noble Jean de Bourdeille
Protonotaire Apostolique, qui avoit entrepris la verification de dix-huict
articles proposez sur les merites du deffunct; & à cét effet il fit ouyr
quatorze ou quinze tesmoings, & jaçoit que sa canonization ne soit esté du
depuis poursuivie en Cour de Rome, neantmoins il a esté tousjours tenu en odeur
de saincteté, comme nous avons dict. L’evesque Jean de Plaignie fit bastir le
chasteau qui porte son nom sur les frontières du Perigord & Lymosin, comme
l’on void aujourd’huy par ses armoiries qui y paroissent.
L’an 1530 le
Chapitre de S. Front
pour agrandir l’authorité de la maison de ville (en marge: Hommage pour la Vigerie, ex Ma. Sc. do. com.), contracta
avec ses officiels, pour la Justice de la Vigerie, qu’ils donnerent aux Maire
& Consuls, a la charge qu’ils leur rendroient hommage-lige lorsque la Feste
du Martyr S. Sillain tomberoit au jour de Dimanche (en marge :Hommage), & ce en la qualité suivante. Le Maire
ayant les deux genoux, le chapeau & ceinture en terre, teste nuë, le
chaperon posé sur le bureau, les mains jointes dans les mains de l’Abbé ou du
President du Chapitre, donnant trois florins d’or pour l’achapt, & leur
promettant vassalité fidele, reservé l’hommage & service
deu
au Roy. Semblable hommage-lige doivent ils rendre pour la Justice du Cellarier
(en marge: Hommage pour le Cellarier),
lors que la Feste de S. Front tombe au Dimanche, posant le chaperon &
ceinture sur le bureau du lieu capitulaire, se mettant teste nuë & mains
jointes dans les mains du President au Chapitre (en marge: Hommage), puis les posant sur les saincts Evangiles, promettant
vassalité au Sieur Abbé, Chanoines & Chapitre, puis se levant bailler le
baiser à la joüe du President (en marge:
Ma. Sc. cap. S. Front), luy donnant pour leur achapt un paire de gands
tissus de laine blanche. L’achapt de ceste Juftice avoit esté faict l’an 1484 pour huict cens livres: desja le Sieur Abbé & le
Chapitre en avoit vendu au Roy le plus liquide l’an 1336. (4)
Fulco
de Bonneval, Evesque.
Claudius
Givry, Evesque, Cardinal. S.
R. E.
François I,
Roy de France.
(en marge: L’an de Jesus Christ 1531) L’evesché de Bazas estoit possedé par Foucaud de Bonneval (en marge: Chenu. in tab. ep. Vasatens.);
il fit permutation de son Siege & du Prioré de Leyrac avec nostre Evesque
Jean de Plaigne, qui fut succedé
en celuy de Bazas par
― Page 172 ―
son
dernier frere Annet de Plaigne: ainsi le premier jour de Janvier 1531 Foucaud fit son entrée dans
Perigueux, estant porté par les deputez des quatre Barons, ayant esté inhibé
ausdits Seigneurs de s’y trouver en personne, à raison du desordre qui fut
survenu sur la preseance, disputée entr’eux (en marge: Ma. Sc. do. com.). Ce Prelat fut amateur du bien
public (en marge: Fondation), faisant
conduire la fontaine de Jameau jusques au milieu de la ville, à quoy la
communauté contribua (en marge: 1535):
car l’oeuvre estoit de haute entreprise, puis qu’il falloit traverser la riviere
de l’Isle par des aqueducs qui bien-tost
furent renverfez par l’effort du coulant des eaux.
La
mort du Cardinal d’Albret arrivée l’an 1520
avoit desja aporté de grandes
desolations dans l’Abbaye de Brantosme (en
marge: Abbaie), dont il estoit le premier Abbé commendataire (en marge: Ma. Sc. Abb. Brant.),
plusieurs fascheux & presque implacables procez intervindrent durant plus
de dix-huict ans, entre FF. Claude Rafin, & Pierre Saunier Religieux de cét
Ordre, pour succeder à ceste Abbaye, qui comme la Sabine tirassée par les
Romains expiroit; & destituée de Religieux, rendoit les abois entre les
mains trop avides. Enfin (en marge: 1538)
Saunier resigna ses droicts à M. Pierre de Mareul Protonotaire Apostolique,
qui l’an 1538 obtint
du grand Conseil arrest d’adjudication; & comme tousjours nostre Dieu tout
admirable, qui est en ses oeuvres, tire d’un grand desordre un bon reglement,
le grand Conseil ordonna à la requi-
― Page 173 ―
sition du Procureur general du Roy que ceste Abbaye de Brantosme
seroit reformée (en marge: Reformatio
Abb. Brantosm.) selon les statuts & definitions de l’Ordre S. Benoist,
& que Commissaires seroient deputez pour cét effet: ainsi (en marge: 1539) l’année suivante 1539 les Commissaires arrivent pour
executer l’arrest, accompagnez de R. P. F. Placide Leger, Prieur de l’Abbaye
dc Sainct Germain des prés, & Frere Quentin de Condé, à ce commis de par le
Roy François premier, ceux-cy avec l’Abbé de Brantosme dresserent les articles
de la reformation de ce lieu, tant pour le spirituel que pour le temporel.
Foucaud de Bonneval (en
marge: 1540) fit vaquer l’Evesché (en
marge: Ma. Sc. cap. S. Steph. & do. com.) par son decez l’an 1540. Il fut ensevely dans son Eglise
Cathédrale, audevant le grand Autel, accompagné des pompes funebres, ordinaires
à sa dignité Episcopale, laquelle de surcroy tomba dans les mains du Cardinal
Claude de Givry du tiltre de Saincte Agnes in agone (en marge: Cardinal), appellé
Evesque de Langres, Pair de France, administrateur perpetuel de l’Eglise, &
Evesché de Perigueux durant dix ans. (5)
Joannes
de Lustrac, Evesque.
Godefridus
de Pompadour de Chasteau Bouchet, Evesque.
Guido
Bouchard d’Aubeterre, Evesque.
Augustinus
de Trivulcis, Card. S. R. E., Evesque.
Henry
II, Roy de France.
Tandis
(en marge: L’an de Jesus Christ 1551)
que nos Pasteurs estoient endormis dans le calme apporté à la France par les
armes victorieuses de nos Roys, l’Enfer qui ne dort jamais estoit aux
aguets pour surprendre le troupeau du Seigneur si mal gardé par les Prelats nonchalans (en marge: Abus), lesquels s’ils
veilloient c’estoit pour se joüer du bien du Crucifix, comme d’une pelotte, se le
renvoyant l’un à l’autre par un tripotage tout sacrilege (en marge: Flori. de Raymond Ness. de l’her. lib. I). Dieu du ciel
ne peut davantage suporter les excez des prophanateurs
― Page 175 ―
de son sanctuaire, il lasche les alonges dont Satan estoit
attaché, & selon le stile ordinaire qu’il pratique en sa fureur, pour
chastier son peuple permet que les loups carnassiers, soubs la toison des
simples brebis entrent dans sa bergerie, pour renouveller toutes les cruautez
& boucheries sanguinaires, que les siecles passez de l’Eglise eussent
senty.
Desja
Martin Luther sur la fin de l’an 1517
(en marge: Heresie) avoit sonné le baffroy dans Vitemberg en Saxe (en marge: Thuanus Sleyden.), pour
reveiller les esprits panchans à la rebellion contre l’Eglise par le desir des
nouveautez (en marge: Annal. Nicol. Gilles);
desja les placards mal attachez & plaquez contre l’ancienne Religion,
voloient dans toute la Chrestienté (en
marge: Lutherienne), mesme dans l’année 1534
nostre pauvre France commença de
sentir la puanteur de ces libelles diffamatoires portez jufque dans la chambre
& cabinet du Roy François premier, qui pour lors estoit à Blois, attentat
qui oultra de douleur son cœur tout Chrestien! mais l’impudence passant
jusques à la ville de Paris avoit aussi mis en la main de ce bon Roy le fer
& le feu contre ceste hydre venimeuse (en
marge: Jean le Febvre): mais quoy! c’estoit de vray coupper les testes qui
renaissoient à centaines (en marge:
Calvienne), à la faveur d’un nouveau faux Prophete (en marge: Institution de Calvin anno 1535), qui ceste année 1535 bastit
son institution pour former la Samarie au milieu de la France, diviser l’union
de l’Eglise, & par un attentat sacrilege renversa l’estat & la foy des
François pour remettre sur pied des ruines de ceste Monarchie, les idoles de
ses fantaisies,
― Page 176 ―
fonduës du billon des heresies descreditées dés
long-temps
Henry second l’an 1547 successeur du zele (en marge: 1547) & de la couronne de
France, oppose à ce venin les plus opportuns remedes que le temps & la
pieté de ses ancestres luy fournit: mais la rebellion de l’Aquitaine (en marge: Paradin hist. lib. c. 5 & 7)
contre ses edicts & de son pere arrivant l’an 1547 fut le sujet de la gabelle (en marge: Gabelle), arma la cholere de
Dieu contre les villes du Xaintonge, Angoumois, Poitou, Lymosin, Perigord (en marge: Annal. Aquit.; 1548), &
autres qui sentirent & les effects de la justice du Roy
offensé (en marge: Chro. Engol.),
& de la part de Dieu, elles furent abandonnées aux plus funestes accidens
qu’il permet arriver contre les peuples les plus rebelles à ses loix divines,
specialement la ville capitale du Perigord, dans laquelle le Sieur de Brandon
Conseiller au Parlement (en marge:
Parad. c. 7) avoit esté inhumainement traicté pour ce sujet verra dans peu
la divine punition.
Jean
de Lastrac l’an 1550 comme
Evesque de Périgueux faict son entrée le 14 Juin (en
marge: 1550): mais ce ne fut pour y faire long sejour: car l’année suivante
1551 Geoffroy de Pompadour du
Chasteau Bouchet (en marge: Ma. Sc. Eccles.
Cat.) fut receu (en marge: Evesque)
dans la ville pour Evesque avec les pompes ordinaires le 13 Decembre (en
marge: 1551); j’ay apprins son extraction dans Chasteau Bouchet, maison
noble du Lymosin, qui est sur la frontière du Perigord, où l’on voit inscript dans une galerie les vieux pourtraicts (en marge: Inscript. in pariete) des cinq
enfans du sieur Geoffroy
de Pompadour, dont le troisiesme est nostre Evesque, suivant l’in-
― Page 177 ―
scription, qui l’apelle aussi Abbé de S. Maurin.
Mais
nous tardons trop d’entamer nos malheurs, qui commencerent en ce pays au
vingt-quatriesme jour de Janvier de ceste année 1551
par le plus estrange sacrilege
que jamais les Rouptiers eussent commis dans leurs persecutions (en marge: Sacrilege). C’est que desja la
rage Lutherienne eslançoit ceux qu’elle possedoit, specialement contre les
marques de nostre redemption; desja ils se ruent au débris des Croix, Images
& representations de Jefus-Christ. Ainsi à la faveur de la nuict ils
rompirent, abatirent & briserent toutes les Croix qui estoient arborées
depuis Perigueux, jusqu’au bourg de Marsac (en
marge: 1551), & sur les autres advenuës de la ville; deschargeant &
leur rage & leur ventre sur le piedestal qu’ils ne pouvoient arracher.
Sacrilège qui donna au coeur de tous les bons Catholiques! specialement aux
Officiers de la Justice qui se portent sur les lieux, font procez verbal de ces
excez (en marge: Ex processu verbali
Stephani Bertin Majoris urbis & Consulum anno 1551), & sur les violens
soubçons que cét excez avoit esté commis en partie par certains Ecclesiastiques
& Chanoines infectez du Calvinisme (en
marge: Recherché), ils font exacte perquisition dans la cité pour rencontrer
les indices des auteurs de ce crime, sans trouver aucune preuve, sauf contre un
Prestre nommé Chaulet, qui fut retenu prisonnier. Et pour appaiser le juste
courroux de nostre Dieu lezé, l’on dressa une procession generale, demandant à
Dieu misericorde: mais ce n’estoient que les premières esgratigneures du foüet
de Dieu,
― Page 178 ―
qui coup fut coup nous escorchera plus visvement: car dés le lendemain vingt-huictiesme de ce mois, l’infortune fut plus grande. Ces harpies d’Enfer sur la minuict enfoncent la grille de la Chapelle apellée Nostre Dame de Pitié, en l’Eglise Cathedrale, où le thresor du Chapitre estoit gardé (en marge: Pillage), pillent tous les vaisseaux sacrez d