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Source : Bulletin SHAP, tome XLVIII (1921)

pp. 139-143.

ÉGLISES DU PÉRIGORD DEPENDANT D'ABBAYES POITEVINES

I. — ABBAYE DE CHARROUX

Le cartulaire et les chartes de l'abbaye poitevine de Charroux, fondée en 785, supprimée en 1762, ont été publiés en 1910 dans le tome XXXIX des Archives historiques du Poitou. De nombreuses églises du Périgord en dépendaient.

Je commence par relever ce que je crois une grave erreur sur Saint-Angel, dans le Dictionnaire topographique de la Dordogne, par de Gourgues (que je citerai souvent sous le nom de l'auteur). Il y est dit que cette église de l'arrondissement de Nontron fut donnée à Charroux en 785 par le comte de Limoges. Ces castrum et monasterium, quoique mentionnés sitôt après Nontron dans une charte du XIe siècle, sont d'autant moins identifiables avec le Saint-Angel du Nontronnais qu'on voit parfaitement dans des documents postérieurs qu'il s'agit du Saint-Angel de la Corrèze.

En 785, le Castrum Nuntronensem fut donné à Charroux par Roger, comte de Limoges et sa femme. C'est connu, passons.

Entre 1096 et 1099, Urbain II, ayant pris sous sa protection les droits et les biens de l'abbaye, on voit indiquées les églises de Sourzac — qui, d'après de Gourgues, dépendait auparavant de Saint-Florent (Anjou), ce qui est douteux — formant, dit une enquête des biens de l'abbaye en 1567 «château, terre et seigneurie... avec la justice... monastère dans le château où est l'église ». — Saint-Egide, inidentifiable. — Le Bel, appelé « Sanctus Petrus d'Elbel » et « Belli » ancienne paroisse unie à celle du Pic. — Frugie, nouvellement bâtie[1]. — Saint-Sauveur-Lalande, que le P. de Monsabert, l'éditeur du cartulaire, n'avait pu identifier, le texte portant souvent Landas, tout court ; elle était sous le vocable de Saint-Sauveur, d'où son nom, vocable de l'abbaye du reste. — Ribagnac, indiqué dans le cartulaire comme dépendant de l'archevêché de Bordeaux, ce qui est une erreur ; cette paroisse dépendit de l'évêché de Périgueux, puis de celui de Sarlat. — Sainte-Colombe. Bien que pour celle-ci, en disant qu'elle fut donnée en 1117 à Charroux, par l'évêque de Périgueux, de Gourgues assure qu'il s'agit de Sainte-Colombe, ancienne paroisse près de Lalinde, à laquelle elle est maintenant unie, je suis convaincu qu'il doit s'agir de la chapelle de Sainte Colombe, qui est près de Douville, puisque, comme on va le voir, celle-ci dépendait de cette abbaye.

Renaud, évêque de Périgueux, confirma en 1101 Charroux dans la possession de ses églises périgourdines. Outre Sainte-Colombe, Frugie, Saint-Sauveur, sont citées celles de Parcoul, Mazières (diocèse actuel d'Agen) et celles près «  de castro qui dicitur Cola » vraisemblablement Saint-Pierre-de-Côle et certainement Saint-Jean-de-Côle. Or, ce prieuré, d'après de Gourgues, aurait appartenu aux Augustins ayant celui de Saint-Pierre, comme annexe ; puis les églises de la Chapelle Faucher et l’Eglise-Nauve d'Eyraud. La pièce eut comme témoin Arnaud, archidiacre.

En 1117, Guillaume d'Auberoche, également évêque de Périgueux, maintient à son tour l'abbaye dans la possession de quelques-unes des églises précitées, telles que Sainte-Colombe (vide supra), et en outre : Saint-Médard-de-Limeuil (Mussidan), que Lespine dit être un prieuré de nomination royale ; — « ecclesian de Vornac » ; comme cette église est citée entre celle de Saint-Médard et la suivante, je suis disposé à l'identifier avec leur voisine Bourgnac, d'autant plus-que Lespine appelle celle-ci Bornac, et qu'en roman le V et le B se confondent ; — « ecclesian de Castro, quod dicitur Cosa » ; c'est donc Couze. Itier de Sauzet et Hélie de Vallan, chanoines de Périgueux et « Rudello petragoricensi consule » sont cités dans la charte.

L'église de Mussidan changea souvent de maître. En 1081, elle aurait été donnée à l'abbaye de Saint-Florent, en 1115, elle dépendait de celle de Cadouin. Vers 1170, le pape confirme le don que l'évêque de Périgueux en avait fait à Charroux, qui la possédait en 1203 (de Gourgues ignorait cette possession) ; mais, en 1210, c'est La Sauve-Majeure qui la détient. J'ai expliqué la raison de ces changements, à propos de l'abbaye de Celles.

Saint-Priest-les-Fougères[2] « Sanctus Projectus de Faugeras » et aussi « de Fracto-Jove » (de Frugie) a son église mentionnée, avec « ecclesiam novam de Fracto-Jove » et celles « Sancte Marie de Capella Faugerii », dans une bulle d'Innocent III, de 1211.

Le 27 février 1220, il y eut un traité entre le vicomte de Limoges et l'abbaye de Charroux. Le prieur de Saint-Jean-de-Côle se nommait Apcus. Parmi les témoins : Seguin, archiprêtre de Condat, Pierre et Hélie Grégoire, bourgeois de Nontron.

En 1237, le pape Grégoire IX confirme le chantre du chapitre Saint-Front de Périgueux, et un de ses membres, Bertrand, comme arbitres dans un procès entre l'abbé de Charroux et le recteur de la Salvetat.

Les chartes 157 et 158 (cette dernière existe au Trésor des Chartes, JJ, 41) sont des plus intéressantes, car elles concernent la bastide de Saint-Louis[3]. La première est un traité d'association au paréage, entre le Roi et l'abbaye de Charroux, au sujet d'une bastide, et la seconde est l'établissement de cette bastide, qui sera dans Sourzac « Nos associaverunt ad loca... platearum de Chambonio et de Cruce, prope flumen, qui dicitur Insula, in parrochia de Souzaco, petragoricensis dyocesis » ainsi que sur les droits seigneuriaux que les contractants ont dans Saint-Mamet de Roussille (Douville), Sainte-Colombe de Douville « Sante Columbe de Doville », Saint-Front de Pradoux, Béleymas, Saint-Séverin d'Estissac, Les Lèches, Saint-Julien (la Crempse, ou Ataux ?) et « Galmares », que de Gourgues, dans ses Noms Anciens identifie en Gammarey et place près de Mussidan.

Le cartulaire donne d'importantes notes sur la seigneurie poitevine de Rochemeau, qui appartint à deux familles périgourdines, les Salignac et les Green de Saint-Marsault.

Trois des abbés de Charroux se succédant, appartinrent à une de nos anciennes familles du Périgord, les Jaubert. La Gallia Christiana a fait erreur en ce qui concerne la mère du premier, Pantaléon Jaubert, fils de Golfier, seigneur de la Rochejaubert. Elle ne pouvait pas être Liette de Cumond, la seconde femme de Golfier, mais sa première, Philippe du Puy de Brémond, dame en partie de Cumond, alors que Liette de Brémond, dite de Cumond, en était aussi coseigneuresse. Il serait cependant possible que Pantaléon ne soit qu'un petit-fils ou un neveu de Golfier, dont un fils, ou un frère Pierre, dit aussi de la Rochejaubert, épousa, en 1505, Catherine de Fayolles de Puyredon, dont les armes et celles de sa mère figurent en écartelé dans les armoiries du bréviaire de Pantaléon, conservé au château de Cumond[4].

Pantaléon, qui avait d'abord été Abbé de Royaumont, mourut avant 1593, ayant résigné son abbaye en faveur d'un neveu, François de Jaubert, fils de Robert, co-seigneur de Cumond et'de Françoise de Saint-Jean.

Celui-ci, qui se qualifiait d'aumônier du Roi et de baron de Charroux, vivait encore en septembre 1614. Il avait déjà comme coadjuteur cum jure succesionis, Jean de Jaubert, fils de Jacques, seigneur de Cumond. Jean mourut dès janvier 1636, ayant eu comme successeur sur le siège abbatial de Charroux, Richelieu, qui y précéda Mazarin.

Comte de Saint-Saud.

pp. 177-

ÉGLISES DU PÉRIGORD DÉPENDANT D'ABBAYES ÉTRANGÈRES'

(Suite.)

II. — ABBAYE DE BAIGNES

L'abbaye de Saint-Etienne de Baigne[5], dans l'ancien diocèse de Saintes, appartenait aux Bénédictins, et ce monastère est un des derniers de ceux, restant à la congrégation des Exempts, qui furent supprimés en 1770. Sa fondation remonte certainement à Charlemagne; la chronique de Turpin lui assigne même cinq siècles de plus.

Son cartulaire a été publié, en 1868, par l'abbé Cholet, chanoine de La Rochelle. Il y est trop souvent question de quelques églises occidentales du Périgord, particulièrement de la Double, pour que nous n'ayons pas trouvé inutile de signaler et analyser les chartes, qui en parlent, à l'attention de nos confrères. Le cartulaire va du XIe siècle à la première moitié du XIIIe. Les documents y étant donnés sans ordre chronologique, nous les citons en les groupant par églises.

CHASSAIGNE — CHENAUD

Charte LXU. L'an 1100. Hélie Odon[6], Pierre, Géraud et Odon, qui avaient déjà donné pour la fondation de Puymangou, comme on le verra plus loin, une partie de leurs dîmes « in alio loco ad ecclesiam sancti Joannis que vocatur Acasanias », donnent à celle de Chenaud leur terre de Chassaigne « donum.... de terra que est in villa que vocatur Casianias », et cela le jour de la consécration de cette église de Chassaigne[7]. Renaud (de Thiviers), évêque de Périgueux, se rendit le lendemain à Chenaud et en consacra l'église sous le vocable de saint Pierre.

Voici donc déterminée la date de consécration de deux de nos églises périgourdines. Cette date de 1100 (le mois n'est pas indiqué dans le cartulaire) est d'autant plus intéressante qu'elle corrobore parfaitement ce qu'après le P. Dupuy, dit M. le chanoine Roux dans son remarquable ouvrage sur Saint-Front, que Mgr Renaud, de Thiviers, n'était pas mort en Palestine en 1099, ni même encore parti pour la croisade. La Gallia Christiana est donc fautive en le faisant mourir en 1099[8].

A une époque que j'ignore, la copropriété canonique de l'église de Chenaud (car une bulle de Grégoire IX ne donne à Baignes que « medietatem ecclesie de Chanaor » cessa d'appartenir à Baignes. Passa-t-elle à l'abbaye d'Aubeterre, qui avait l'autre partie, ou à l'évêché de Périgueux ? Je ne sais. Toujours est-il qu'en 1730, Henri Brisson, curé de Palluau, ayant été pourvu de la cure de Chenaud par l'évêque de Périgueux, et Jean Brioude, chanoine d'Aubeterre, pourvu du même bénéfice par l'archevêque de Bordeaux, il y eut un choix d'arbitres pour régler le différend[9].

EYGURANDE

Charte LXVIII. — Non datée, mais relatant un fait de la fin du XIe siècle ; postérieure à la nomination de Guillaume d'Auberoche en 1104 et antérieure à sa mort que le chanoine Roux (op. cit.) recule à 1128. Renaud, évêque de Périgueux, avait donné l'église de Saint-Etienne d'Eygurande à l'abbaye de Baignes, le jour même de la consécration de l'église de Gardedeuil, en présence de Géraud Doleirac (de Liurac; vide infr.) et de Seguin de Ladirac. Plusieurs années après, Mgr Guillaume d'Auberoche, son successeur, confirma cette donation, rattachant Eygurande à Gardedeuil, que desservait le moine Pierre, de l'avis de Bernard Gilbert et de Pierre Gachet, prêtres de l'église d'Eygurande, de l'avis aussi des seigneurs qui y avaient des droits seigneuriaux : Géraud de Grimouard et ses frères, Gautier de Montpon et ses frères, Raymond « Geraudi », Pierre « Gaufridi », Hélie et Godefroy de Gaudric[10].

Ces donations faites par des évêques peuvent être quelquefois considérées comme une fiction. Il faut dans ce cas interpréter : un tel, évêque, se substituant à tous les intermédiaires et représentants de Dieu, de qui les hommes sont censés avoir tout reçu sur la terre, approuve, ratifie et autorise d'une façon définitive la donation de telle église faite à telle abbaye.

Dans la bulle de 1232 de Grégoire IX énumérant les églises relevant de Baignes, il n'est plus question d'Eygurande.

GARDEDEUIL

Nous voici plus au cœur de la Double, et nous touchons à un point sinon plus sauvage — ce qui n'est guère possible — du moins plus isolé encore que Puymangou, point qui est comme le centre de la région affectionnée depuis quelques années par les sangliers. A voir la modeste chapelle actuelle de Gardedeuil (paroisse d'Eygurande), à moitié cachée par les grands arbres, qui couronnent la colline sur laquelle elle est élevée, qui aurait cru qu'en plein moyen âge, elle aurait été l'objet de donations de la part de grands seigneurs et que son action canonique s'étendrait sur des paroisses voisines ? Elle était en ruines au siècle dernier. En 1894 elle fut réédifiée sur l'emplacement de l'ancienne et il semble que dans les bases des murs de la nouvelle petite église on a conservé des vestiges de l'ancienne.

On a vu dans la charte 78 que l'église de Gardedeuil, sous le vocable de saint Léonard fut consacrée par l'évêque tout à la fin du XIe siècle. Immédiatement elle fut l'objet de donations et fondations pieuses.

Charte LXIX. — Commencement du XIIe siècle. — « Helias Gauterii » donne à Gardedeuil son bien de « ad Fontem-Chairic » tout en s'en réservant la moitié en usufruit, du consentement de sa mère Ova, de Géraud et Aizcon de Montpon, de ses parents « pater Girberti et Aimericus Girberti et soror illorum uxor Wilelmi Fulcherii », Constantin Vigier. Géraud Gautier, frère d'Hélie « post multum temporis... hoc donum concessit », faute de quoi que les peines éternelles pèsent sur les donateurs comme sur Dathan et Abiron.

Faut-il identifier ce bien de Fontchairic avec la terre de Fontchérig devenue Fontchéran et sise près d'Aubeterre, comme le dit de Gourgues dans son Noms anciens de lieux, p. 116 ? C'est douteux, puisque les sires de Montpon ratifient la donation, comme suzerains sans nul doute.

Charte LXX. — 1109-1117. — Archambaud, vicomte, donne « toto pascherio de Gardadel » et une mesure de sel payable le samedi avant Noël, à l'église nouvelle, en présence de Guillaume Hélie, de Gautier de Montpon, et de Guillaume Giraut. Arnaud Bernard « suo teleoneario »[11] doit faire apporter le dit sel. Ce don est ratifié par Raymond, frère d'Archambaud, en présence de Guillaume Hélie, de Géraud de Montpon, nommé dans la précédente charte. Plus tard, Audouin Borel et son fils firent don de ces pâturages en présence de «  Gombaudo de Aquistris et Ademaro Gaufre et postea isti viderunt donum de filio Willelmi Eldradi et Fulcaudus Slephani et Petrus Tetbau. » Giraud (Géraud ou Gérard en autres chartes) de Grimoard et ses frères donnèrent également la onzième partie de ce qu'ils avaient dans les susdits pâturages de Gardedeuil, tous leurs bois, ce qui leur appartenait « in terra que vocatur Chaumort, deux maisonnettes de paysans et un moulin sur le ruisseau « Carbonario », ce dernier du consentement d'Aimery et Etienne frères. Raymond, fils d'Alcon[12], donne de son côté tout ce qu'il possédait « totum quod habebat Engargadel ».

Le lieu de Chaumort serait-il le lieu de la Chaume, devenu verrerie dans Saint-Barthélémy ou Chauvet près de Gardedeuil? Le ruisseau du Charbonnier, que ne sut identifier Chotet, porte toujours ce nom ; il prend naissance près de Gardedeuil et se jette dans la Petite-Duche. Mais quel est donc le vicomte Archambaud donateur ? Un vicomte de Turenne, ou pour mieux dire, un cadet des Turenne, appelé vicomte de Ribérac, non point que Ribérac fut vicomte (il n'y avait pas de vicomtes en Périgord à ces époques reculées), mais parce que les cadets des princes quasi-souverains d'alors gardaient à titre personnel le titre de leur père ou de leur aîné. Pour ce motif, sans doute, est-il désigné sans nom de lieu après son titre. Raymond, son frère, est Raymond I, vicomte de Turenne (de la lignée des Comborn). Ils étaient fils de Boson I, mort à Jérusalem en 1091 (Cartulaire de Tulle, passim).

Pourquoi et comment Archambaud, mort en 1127, reçut-il la seigneurie de Ribérac, proche de Gardedeuil — ce qui explique cette donation — Je ne sais. Est-il téméraire de supposer que sa mère ou sa femme étaient de la famille possédant la châtellenie de Montpon? Ce qui est certain c'est qu'Archambaud eut un fils, prénommé Raymond, nommé en 1120 dans le cartulaire de Chancelade, appelé aussi vicomte de Ribérac et même vicomte de Turenne. Celui-ci n'eut qu'une fille Raymonde, mariée à Hélie VI, comte de Périgord (1158-1203). Voici comment Ribérac et Montpon arrivèrent à nos comtes[13].

En 1232, Gardedeuil ne figure plus comme dépendant de Baignes. Au XVIIIe siècle, les derniers Fronsac s'en qualifiaient de seigneurs.

MÉNESTEROL.

Chartes LXIII et CCLXXVII. - 1083-1098 - Donation de l'église de Saint-Pierre de Ménestérol par Renaud (de Thiviers, Vaucocour), évêque de Périgueux ; Lambert, archidiacre ; Géraud de Loirac[14], Godefroy, archiprêtre; Seguin de Ladirac ; Hélie, desservant l'église ; Géraud de Montpon ; son frère Aicio[15] et autres chevaliers qui abandonnent leurs droits seigneuriaux.

Même donation (plus complète, celle-là), par Arnaud Calau, qui possédait trois parties de cette église, par son fils Raymond, par Géraud du Puy et son frère Bégon, par Raymond de Gérard et sa femme, et par Seguin de Ladirac. Elle fut consentie par Grimoard de Gérard, qui avait Ménestérol en fief, et par Géraud et Aico de Montpon, ses suzerains. Présents les mêmes archiprêtre, archidiacre et desservant, que dans la précédente charte, Géraud Itier, Foucher de Malfainet, Robert de Proliet.

Ici, nous nous trouvons en présence d'une église déjà bâtie par des personnes séculières. Dans quel but ? Dans celui d'y installer un monastère, comme son nom l'indique ? Cependant elle est desservie par un prêtre séculier. Ces sortes de donation n'avaient souvent d'autre motif, sous des apparences pieuses, que de s'affranchir de l'entretien de l'église elle-même et de son desservant, comme me le fit observer M. Vigeri, notaire de Chalais, quand il appela, il y a quelques années, mon attention sur le cartulaire de Baignes. Les Bénédictins de Baignes ne gardèrent pas longtemps cette paroisse, dont la juridiction s'étendait sur Montpon, puisqu'en 1122 ils la passèrent à la collégiale de Saint-Astier.

PUYMANGOU

Charte LVIII. — 14 février 1083. — Hélie et Pierre Odort frères et leurs cousins Guillaume dit Poitevin, Géraud Léodgaire, frère de Pierre et Odon Léodgaire, donnent à Dieu et à saint Etienne, martyr, leur terre appelée Puymangou (Podiomangor) en long et en large, telle que l'a vue l'Abbé,-afin d'y bâtir une église, qui sera dédiée à la Sainte Vierge, à saint Etienne (seul ce vocable resta) et à tous les saints. Ils y ajoutent l'emplacement du cimetière, le village, des vergers, sans cens à payer, les serfs, des servitudes, le droit de justice « si... habitatores aut alii... fecerint aliquid mali... non apprehendamus rectum pro nostra vi, sed pro manu domini abbatis ». Prennent part à la donation ceux qui relevaient féodalement des donateurs : Foucaud de Brossac, Géraud et Etienne « de la Lata »[16], Guillaume et Pierre Gérard, Hélie de Chenaud, Hélie d'Aubeterre pour ce qu'il tenait en fief d'Hélie, comte de Périgord, ledit comte et sa sœur Ermengarde, femme d'Hélie d'Aubeterre[17], Lambert « Gucius » et Hélie Alo. Il est même parlé de leur abandon de droits de marché, en cas d'établissement éventuel d'une foire.

Charte LIX. — 1083-1.098. — Donation à Saint-Etienne de Puymangou par Guitberge, sœur de Guillaume « Pictavensis » de tout un alleu (non désigné) et des revenus y attachés, qu'elle possède.

Charte LX. — Même époque. — Donation par Arnaud Artaut à la même église du terrage et des redevances de sa borderie de Frégolin (La Fuye ?) dans Saint-Aigulin.

Charte LXI. — Même époque. — Donation à la même église, par Guillaume Poitevin, ci-dessus[18]. Géraud, son frère, ses cousins Hélie et Pierre Odon, Géraud et Odon Léodgaire, de cens et rentes, dont une mesure de sel par semaine, de sextérées de blé, un alleu à Curlac, une vaure attenant à l'église de Chenaud avec faculté de bâtir un moulin à Chenaud, plus un mas dans cette paroisse à Masuères, et leur part dans les dîmes de Chassaigne.

Ces donations appellent de notre part les réflexions suivantes. Puymangou est certainement une des localités les plus petites (après Servanches) et les plus isolées de la Double. Or voilà sa création... De puissants seigneurs y appellent une colonie de moines, devançant l'arrivée de Cisterciens, fils comme eux de saint Benoit, qui, huit siècles plus tard, devaient, eux aussi, créer dans cette sauvage contrée forestière un foyer de culture. Pour quel motif Puymangou devait-il cesser de faire partie du territoire civil du Périgord pour devenir partie à demi-intégrante de l'Angoumois? — il ne cessa d'appartenir au diocèse de Périgueux, dont les limites formèrent d'abord celles de la province[19] — Peut-être parce qu'il relevait de la châtellenie d'Aubeterre, qui fut rattachée à l'Angoumois.

Ces donations — il y en eut d'autres probablement, dont on n'a pas trace — prouvent que tout le territoire, qui composait alors, comme de nos jours, la petite paroisse (sans curé) de Puymangou (180 habitants), fut l'objet de libéralités successives. Comme le terrain y était plus que médiocre, les donateurs ajoutaient des terres enclavées dans des paroisses voisines, comme Saint-Aigulin alors limitrophe et Chenaud. Relevons l'autorisation de bâtir à Chenaud un moulin, pour les besoins des moines, sans que cela semble indiquer que celte paroisse n'en possédait pas au XIe siècle.

Charte DXLI. — 7 novembre 1215. — Pierre Vigier, d'Aubeterre, fils d'autre Pierre Vigier, en considération de la pieuse dévotion de ses aïeux pour l'église de Puymangou donne « quicquid juris et domini habebam in ribeirra de Chanaor que dicitur ad Populos», bordé par des fossés et par la Dronne. Il confirme les anciennes concessions de ses prédécesseurs. Présents : l'archiprêtre de Pillac, Guillaume Gautier prieur de Puymangou, Mainard prieur de la Garde, etc.

Nul doute qu'il ne s'agisse ici d'une ancienne famille féodale, qui possédait, tout près, un repaire noble, appelé de son nom, Puy-Vigier, bâti à côté d'une motte féodale, non étudiée, et qui a possédé en coseigneurie l'importante châtellenie d'Aubeterre. Inconnue des généalogistes, elle possédait des biens dans toute cette châtellenie. Hélie Vigier « miles de Albaterra et Claustia uxor sua «possédaient des biens en Essarts en 1260. Pierre, coseigneur d'Aubeterre, vivant en 1301, aïeul d'Hélie, père lui-même d'autre Hélie, damoiseau, reçut en 1367 un dénombrement, dans lequel figure Puy Vigier, fourni par Guilzin Brunet, fils de Léodgard, fils lui-même d'Arnaud, damoiseau, époux de Létice de La Faye dame de Puyvigier et de La Paye par son père Pierre, laquelle testa en 1334[20]. En 1463, Arnaud de Lantas rendit hommage pour Puyvigier à François Bouchard d'Aubeterre. Ce fief, qui avait des redevances dans Puymangou, fut cédé cette année-là à Arnaud Restier, écuyer.

Puisque nous parlons de Puymangou, il est peut-être intéressant de faire connaître que dans un dénombrement fourni par le seigneur de Parcoul, Christophe Green de Saint Marsault, en 1646, il est dit qu'il possède des droits féodaux dans plusieurs paroisses, parmi lesquelles sont justement cités Puymangou, Chassaigne, Saint-Séverin, Léparon, dépendant de Baignes.

Entre 1109 et 1121, le prieur de Puymangou se nommait Seguin; en 1113, le chapelain s'appelait Seguin; en 1213, Guillaume de Durfort était prieur et, en 1225, Guillaume Gautier. Ajoutons que dans les anciens registres de la paroisse le desservant s'intitule tantôt prieur, tantôt curé. En 1661, les actes sont signés Pensemat « curé et prieur » ; en 1677, Malhac appelé aussi Desmalhac; en 1696, Bertrand, qui décéda en 1719 et fut remplacé pa r François Faure de La Richardie, mort en 1731. Vinrent ensuite Etienne Petit, mort en 1753, remplacé par Varrailhou ; en 1771, Cadiot. - Une petite cloche paraît ancienne, la grande fut faite en 1867. Une assez grosse demeure, massive, du XVIIe autant qu'il m'en souvient, porte le nom de château. Eu 1720, elle appartenait à François de Pressac, seigneur de Chenaud. Comme on l'a vu, les moines de Baignes possédaient Puymangou en toute justice.

SAINT-BARTHELEMY DE BELLEGARDE

Charte LXVII. — 20 mars 1153. — Donation de l'église de Saint-Barthélémy de Bellegarde par Raymond (de Mareuil) évêque de Périgueux, à l'abbaye de Baignes et à Raymond de Grimoard), prieur de Gardedeuil. Présents : P. de Nanclars, E de Mareuil, Guillaume de Jourdain (Jordani) archidiacres et « P. Burdeli » (de Bourdeille?) archiprêtre; Boson étant comte de Périgord.

Cette donation, faite en même temps au prieur de Gardedeuil, semble vouloir dire, d'après d'autres indications de diverses charges, que le prieur de Gardedeuil avait celles des paroisses de la Double dépendant de Baignes, dont elles étaient éloignées.

Le chanoine Cholet met en note que l’Art de vérifier les dates disant que Boson III, associé en 1146 dans le comté de Périgord, était seul comte en 1135, cette charte prouve qu'il était seul comte au moins un an auparavant.

En 1232, dans la bulle de Grégoire IX en faveur de Baignes, Saint-Barthélemy figure toujours comme en dépendant.

SAINT-MÉARD DE GURÇON

Charte LXXI. — 1093-1099. — Renaud, évêque de Périgueux, d'accord avec Geraud, chapelain, et ses chanoines, donne l'église de Saint-Médard à l'abbaye de Baignes. «  Augerius de Gorzon, in cujus hereditario ecclesia constructa erat » accepte cette donation tant en son nom qu'en celui de son fils Gautier. Parmi les témoins, différents moines, puis Géraud de Liurac « Elias presbyter Mandageuda, capellanus prefate ecclesie (de Saint-Médard) », Hélie Odo, Andron-Saborel, Guillaume Alart et Bernard, orfèvre (aurifaber).

Il doit s'agir de Saint-Méard de Gurçon, car le nom du seigneur semble bien être Gurçon. Géraud de Liurac, un des témoins, est un chevalier du pays, ami des Bénédictins, souvent témoin de donations à eux faites. Cette église ne resta que quelques années sous la dépendance de Baignes, si toutefois il s'agit bien de Saint-Médard de Gurçon, car la Gallia nous apprend que Guillaume d'Auberoche, successeur de Renaud sur le siège de Périgueux « dedit S. Petro Uzercie pro remedio anime sue, et parentum suorum monasterium S. Medardi Abbatiae... Anno D. M. C. XXII ». S'il donne aux Bénédictins d'Uzerche, non encore sécularisés, ce monastère (on sait qu'en effet il portait le surnom de l’Abbaye) pour le salut de son âme et de celle des siens, c'est qu'il s'en considérait bien' comme le maître. La donation antérieure de ce prieuré conventuel avait pu ne pas avoir d'effet.

SAINT-SÉVERIN (DE PAVENCELLES)

Charte D XXVIII. — Vers I146. — Raymond, évêque de Périgueux, rend une sentence arbitrale au sujet de l'église de « Sancti Severini de Pavenceles » au sujet d'un différend, relatif au casuel, qui s'était élevé entre le prieur, Géraud de Pomarol, le chapelain et Hélie, Abbé de Baignes, en présence d'Hélie, Abbé de Chancelade, Hélie de Viginiac, Arnaud de Lalande. On y voit que l'église de Puymangou devait annuellement cinq sous à celle de Saint-Séverin.

Le chanoine Cholet mit comme date vers 1146; nous n'osons changer en après 1146, quoique la Gallia Christiana dise que Raymond de Mareuil ne put être nommé avant 1147, car le chanoine Roux (op. cit.) dit qu'il y a des doutes au sujet de son élection, qui peut remonter à 1142. Saint-Séverin, qui était de l'archiprêtré de Pilhac est dans la Charente.

Charte DXLIII. —6 août 1225. — Pierre Vigier, chevalier en Aubeterre, transige au sujet de redevances seigneuriales avec Hélie de La Rivière, prieur de Saint-Séverin. Présents : l'Abbé de Baignes, Aimeric, Abbé d'Aubeterre[21], les prieurs de Chalais, de Puymangou, de Passirac, I. Beranger et B. Pinpel chanoines d'Aubeterre, puis les chevaliers : O. de Chalais, R. et Hugues de Rochefort, etc.

DIVERS

Charte CCXXVII. — Sans date. — Bernard donne une borderie « que est in honore Petragorico prope Montent Maurellum ». -— Preuve nouvelle que l'évêché de Périgueux allait jusqu'auprès de Montmoreau. Du reste, je me souviens avoir vu dans une pièce très ancienne du chartrier de Chalais, que cette localité était indiquée comme étant, elle aussi « in honore Petragorico ».

Charte CCCLXXV. — 1083-1098. — « Petrus de Monte-Perfecto dedit... mansionem Constantini de Frandenx ». — Je ne sais pour quelle raison il est dit dans la table géographique du cartulaire que « cette seigneurie pouvait être vers les limites du Périgord ». Ce Pierre de Montparfait avait déjà sanctionné la donation de l'église de Blanzac par l'évêque d'Angoulême.

Charte CCLVII. — Sans date. — « Arnaldus Vicarius (Vigier) et Bernardus frater ejus » donnent une petite terre « in villa que vocatur Abelmont Abelesma » que le chanoine Cholet identifie avec Beaumont du Périgord et Béleymas. Villa a plutôt le sens de maison-de-champs, métairie si on préfère. Or notre paroisse de Béleymas est citée comme dépendant de l'abbaye de Charroux. Il y a dans Blis et Born un mas appelé Bélesma.

Charte DII. 1100-1121. — Donation à Baignes par Guillaume Boet « partem quam habebat in Vilaro de Buguet et dimidium quarterium vinee au Pomer et mediam partem maini de Podio Leuter ». Le Buguet étant près de Saint-Maigrin dans Criteuil, je ne m'explique pas pourquoi M. Cholet dit que « Podio Leuter » est probablement en Périgord. Puylautier, nom se rapprochant le plus, est une ancienne chapelle dans Saint-Jean d'Eyraud.

Charte DL. — La bulle de Grégoire IX de 1232 mentionne Saint-Pierre de Léparon (paroisse unie à celle de Saint-Michel l'Ecluse, dans la partie de l'ancienne châtellenie de la Roche-Chalais, faisant partie du Périgord) comme dépendant de l'abbaye de Baignes, avec Chenaud (en partie), Puymangou, Saint-Barthélemy, Saint-Séverin de Pavencelles. — De Gardedeuil, d'Eyguraude, de Ménestérol, plus question.

Comte de Saint-Saud.



[1] Elle fut restaurée en 1347 par noble Guillaume Arlot (Archives Nationales. M, 265).

[2] L’annotateur traduit simplement par Fougerac et ne peut identifier.

[3] Saint-Louis est une annexe de Sourzac. Chambon et Croix ne sont pas dans Belleyme. Ce sont probablement de simples tènements sur lesquels Saint-Louis s’édifia.

[4] Voir Généalogies Périgourdines, par de Saint-Saud, p. 232. Il pourrait se faire que ce bréviaire ait appartenu à un fils de Pierre, avant d’arriver aux mains de Pantaléon, ce qui concilierait tout.

[5] Baignes est actuellement un chef-lieu de canton de l'arrondissement de Barbezieux (Charente). L'abbé Cholet maintient Baigne sans s, s'appuyant sur ce que Beania en latin est au singulier.

[6] Odo latin se traduit souvent par Eudes.

[7] L'abbé Cholet n'avait su identifier cette église et nous pensons comme M. de Gourgues qu'il s'agit de cette paroisse, peu éloignée de Chenaud en effet.

[8] Hostes... Rainaldum sacra facientem... occidunt 8 idus sept. an. 1009.

[9] Arch. dép. de la Charente, E notaires, 1615. L'acte serait à voir.

[10] L'identification de ces seigneurs — observer que les Charles, de l'abbaye, sauf au XIIIe siècle, ne donnent pas de qualifications nobiliaires (miles, domicellus, valetus) — serait très difficile, les noms patronymiques n'existant pour ainsi dire pas à ces époques. Il n'est pas toujours absolu de dire non plus que lorsque deux prénoms sont accolés et que le second est au génitif, le mot filius soit sous-entendu entre eux. Dans les noms ci-dessus on peut conférer avec Grimoard de Gérard de la charte 377. On sait que non loin de Montpon il y avait au moyen âge des Grimoard, des Gérard.

[11] c'est-à-dire celui chargé de recouvrer les droits sur les marchandises venant du bord de la mer, ce qui est naturel pour du sel.

[12] Peut-être un Montpon d'après les chartes suivantes, en admettant que Aléo et Aicio ou Aico soient le même nom.

[13] On ne saurait trop consulter sur les comtes du Périgord, les vicomtes de Turenne, Comborn et Ventadour, l'opuscule de Strowsky, intitulé La Légende amoureuse de Bertran de Born. Il met au point la généalogie de ces grands seigneurs.

[14] Ce chevalier a son nom orthographié, selon les chartes, Doleirac, Dolairac, de Liurac, de Loirac.

[15] Ces sires de Montpon, proches parents du vicomte de Ribérac, pouvaient être de même lignée que les grands feudataires voisins, lois que les vicomtes de Castillon, et dont un aïeul aurait reçu en apanage cette importante châtellenie. On peut faire la même supposition pour les sires de Gurçon. Quant aux Montpon, la châtellenie de leur nom semble tomber peu après eu quenouille.

[16] Qu'on pourrait peut-être traduire par La Latière, ce qui n'aurait rien d'étonnant.

[17] Cette Ermengarde, sœur d'Hélie IV, ne figure pas dans l'étude généalogique sur les comtes de Périgord par Strowsky (Légende amoureuse de Bertrand de Born), ni dans celle de Saint-Allais. Il ne semble pas, sauf le cas d'un second mariage, que ce soit celle non prénommée qui épousa, vers cette époque, Guillaume VI, comte de Poitiers.

[18] Il y avait à celle époque reculée et au XIIIe à Villebois des chevaliers du nom de Poitevin.

[19] On ne saurait trop lire attentivement l'ouvrage de M. de Gourgues déjà cité. L'empiètement de la Saintonge et de l'Angoumois en Périgord ont été constants, en revanche celui-ci empiéta en Limousin.

[20] Ces dates sont douteuses ; la pièce consultée, aux archives de la Cousse, n'existant qu'en analyse ancienne, n'est pas claire en ce qui concerne les dates, mais nette pour les filiations.

[21] La Gallia, qui l'appelle Aimeric de Longa, chanoine de Périgueux, ne le connaît qu'à partir de 1211.

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