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Source : Bulletin SHAP, tome XLVII (1920) pp. 143-154.

 

LES BASTIDES DU PÉRIGORD ET LES ROLES GASCONS

 

Un des hommes, les plus importants de l'administration anglaise, qui a été mêlé de très près à la fondation et au fonctionnement des bastides du Périgord, est Bertrand de Panissals. D'après un des documents du fonds Périgord (Bibl. nat. vol. I, fol. 256, v°), il se présente de la manière suivante: io, senher Bertrand de Panissals, lavoier, luoc tenen, entre Drot et Dordogne, del noble baro Jehan de Greyle senescale ….. del noble rey d'Angleterre.

Après la guerre de Gascogne, Panissals, qui avait servi le roi d'Angleterre per triginta annos vel amplius, comme le disent les pièces officielles, en 1303, avait perdu tous ses biens meubles et immeubles ; fait prisonnier, dépouillé de sa fortune, exilé, et tout cela pro servicio domini Regis, il demande au Roi, de venir à son aide et à celui de sa famille. Le Roi l'appela à des fonctions lucratives et lui octroya des pensions en argent. (Voir R. G., n° 4.475 et la pièce insérée à l'introduction des Rôles Gascons, tome III, p. XCVII, a. Dom. 1303.)

Dans sa pétition, Bertrand Panissals rappelle qu'il a procuré au Roi profit et honneur (commodum et honorem) et il relate les faits principaux de sa carrière, intéressants pour notre sujet ; par ses actes, il avait procuré au Roi le castrum de Podii Guillermi (Puyguillem) et, en conséquence, ipse procuraverit terram de Bayanès (voir n° 713 R. G.) qu'il avait extorquée des mains de la dame de Bergerac; dans ce même territoire, ledit Bertrand avait construit bastidam de Rocapina (Roquépine, commune de Sainte-Radegonde (Dordogne), canton d'Issigeac, arrondissement de Bergerac).

Le même, dans un autre territoire, près du précédent, avait construit une autre bastide, scilicet Molieras prope abbaciam de Cadoino... (Molières, canton de Cadouin...).

Panissals, dans un autre territoire, près des premiers, avait construit une autre bastide, quae vocatur Monspassereus (Montpazier, canton de l'arrondissement de Bergerac, Dordogne).

A cette époque, comme en beaucoup d'autres endroits, l'état du pays était très mauvais in quibus locis tunc temporis, commitebantur multa Furta, Rapine et omicidia. Peregrini, clerici, et alii homines interficiebantur.

Après la construction de ces trois bastides, Panissals s'occupa de l'établissement de la Pêcherie de Lalinde dont personne, avant lui, n'avait eu l'idée, que domino nostro regi est magni honoris et commodi.

Sans insister davantage sur l'administration de ce haut fonctionnaire, dont nous aurons dans la suite à constater l'activité et que l'origine rattache peut-être au Périgord, car on trouve un fief de Panissal dans le territoire de Montignac, relevons dans les Rôles Gascons, les textes intéressant les bastides du Périgord.

La plus ancienne (1) de nos bastides est Villefranche-du-Périgord, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Sarlat.

Comme bastide, elle porte le nom de Villafrancha, nom générique, qui, à la rigueur, pourrait s'appliquera toutes les bastides, car toutes sont des villes franches ; mais on la distingue, dans les textes, par l'indication du pays dont elle faisait partie. On la désigne généralement par le vocable Villafrancha Petragoricensis diocesis.

C'est ce que fait le n° 856 des Rôles Gascons, qui nous apprend que la baillie, dont elle était le chef-lieu, avait été confiée, probablement par voie de fermage, au chevalier Hugo de Montmaynard ; son administration avait prêté à des critiques, et le Roi, en 1285. ordonne contre- lui une enquête confiée au sénéchal Jean de Greylly.

Une autre Villefranche appartenait au Périgord ; cette bastide revit dans Villefranche-de-Longchapt ; et ainsi ces deux villes ne peuvent pas, pour la période moderne, se confondre l'une avec l'autre ; il en était de même dans les Rôles Gascons, dans lesquels Villefranche-de Longchapt est désignée sous le vocable Villafrancha in honore castri de podio Guiellmi ou juxta podium Normanni.

Mais les textes des Rôles Gascons ne sont pas toujours aussi explicites : ainsi dans le n° 516, où il est question d'une bastide sous le simple vocable de Villafranchia : l'annotateur des Rôles Gascons n'hésite pas à croire qu'il s'agit de Villefranche-du-Queyran, bastide du Lot-et-Garonne, se distinguant des autres Villefranche, en général du moins, par la mention de Cayrano, nom du pays de sa situation et qui manque dans notre numéro 516.

Nous n'hésitons pas à croire que cette identification est erronée, car il faut remarquer qu'il s'agit dans notre texte de difficultés dans l'administration de Hugo de Montrnaynard, que le n° 856 a mentionné comme bailli de Villefranche-du-Périgord.

Or l'identification certaine pour ce premier texte, doit comporter l'identification pour le second, et elle doit être uniforme.

Nous en disons autant du n° 1795 des Rôles Gascons dans lequel se trouve pour la Villafrancha une détermination irrégulière.

Le titre s'occupe de la recette des droits de l'Agenais : le receveur était chargé de faire rentrer les revenus des territoires de l'Agenais, du Quercy, de Lectoure, des diocèses d'Auxitanie et de la bastide « nostre de Villafranca site in Petragoricensi propre castrum nostrum de Salva terra... » M. Charles Bémond n'hésite pas à identifier cette bastide de Villefranche avec Villefranche-de-Longchapt, et Salvaterra avec Sauveterre (Gironde), arrondissement de La Réole. Or nous croyons qu'il faut ne pas hésiter à identifier cette Villefranche du n° 1795 avec Villefranche-du-Périgord ; car le rapprochement de notre numéro avec les n°s 1390 et 1797 montrent que Villefranche-du-Périgord, quoique du diocèse du Périgord, était rattachée à la sénéchaussée d'Agen, au moins financièrement, ce qui n'a jamais été pour Villefranche-de-Longchapt. En outre, cette dernière Villefranche est presque toujours suivie d'une suffixe explicative ou podii Guillelmi ou juxta podium Normanni, qui fait défaut ici. Quant à Sauveterre, nous y verrions une allusion au castrum de Sauveterre la Lémance, dans lequel le roi d'Angleterre avait des droits, qui est près de Villefranche-du-Périgord, qu'il sert à déterminer.

Non seulement le n° 1390 R. G. rattache au point de vue financier Villefranche-du-Périgord à la sénéchaussée d'Agenais; mais en outre il détermine très exactement le territoire et les dex de Villefranche-du-Périgord.

Le n° 1797 R. G., dans le même ordre d'idées, fait dépendre Villefranche-du-Périgord du greffe du Quercy installé pour le territoire entre Lot et Dordogne et pour Villefranche in Petragoricensi, greffe confié au clerc Fulcon de Soyriz.

Les Rôles Gascons ne contiennent rien d’autre sur Villefranche ; mais n'insistons pas davantage, ayant présenté l'histoire de cette bastide dans notre étude des Bastides du Périgord, surtout au point de vue des coutumes qui lui étaient propres.

La bastide de Lalinde, fondée en 1267 (le 26 juin) par le prince Edouard, fait l'objet de nombreux numéros dans les Rôles Gascons. Notre confrère le regretté abbé Goustat en a présenté l'histoire ; je ne fais qu'indiquer les n°s des Rôles Gascons qui s'appliquent à elle, soit : les n°s 25, 26, 334, 336, 802, 804, 2135, 1726, 1767, 2004, 1720, me bornant à insister sur les n°s 1720 et 1726:

Le dernier 1726 est relatif à un pont à établir sur la Dordogne, et pour assurer les ressources nécessaires à ce grand travail d'utilité publique, un péage était établi pour dix ans, suivant le tarif suivant : un homme à cheval payait un denier bordelais, un homme à pied une obole, une bête chargée avec son conducteur trois oboles de la même monnaie.

Le n° 1720 a pour objet rétablissement d'une pêcherie à Lalinde. Ce travail, construit par Panissals, et dont, dit-il, personne n'avait eu l'idée avant lui, fut une des conditions à lui imposées, lorsqu'on lui concéda à cens les baillies de Lalinde et de Saint-Jean-de-Molières.

En 1279, le Roi avait indiqué, au connétable de Bordeaux, ce travail utile à réaliser à Lalinde, en lui donnant le nom de Nassa ou paxeria piscatoria (voir n° 334 R. G. an. 1279).

Dix ans plus tard, en 1289, Panissals réalisa ce grand travail (n° 1720, R. G.) et une convention fut signée entre lui et les représentants du Roi, nous dirions aujourd'hui qu'il fut dressé un cahier des charges.

La pêcherie devait être établie aux frais de Panissals ; elle devait être au fleuve de Dordogne, entre l'église de Lalinde et l'église de Saint-Front, sur le fleuve même ; elle devait être construite en pierre et bois, bonne et solide, suivant l'examen qui en serait fait par une commission d'agréement des travaux, composée de deux maîtres pêcheurs de Limeuil, de deux maîtres pêcheurs de Castelnaud (probablement Castelnaud au confluent de la Dordogne et du Céou) et de deux autres maîtres choisis par les agents du Roi. Cette pêcherie devait comporter en outre deux moulins à quatre roues, semblables à ceux qui sont établis a la pêcherie de Limeuil, suivant l'examen et la décision de la même commission.

On donnait à Panissals pour l'exécution de ces travaux trois ans pleins, à partir de la Décollation de Saint-Jean-Baptiste (29 août) ; à cette échéance, les moulins devaient être moulants et tournants et la pêcherie propre à la pêche, et le bon état des uns et de celle-ci devait se maintenir pendant un an, à partir de la même fête, pendant lequel temps toute ruine et toute avarie, même fortuite, restaient à la charge du constructeur.

La fin du texte contient rémunération des sûretés fournies par Panissals, en garantie de ses engagements.

La convention analysée plus haut à la date du 2 avril 1280 a été approuvée par le roi d'Angleterre le 7 juin 1289.

Le n° 1767 (R. G.) (an. 1290, 25 février), nous apprend que le Roi avait concédé à Etienne, de Lafitte, receveur des revenus royaux en Agenais, les jeudi ou vendredi de chaque semaine du carême, sa vie durant, un saumon frais, deux aloses fraîches, deux lamproies vivantes, choisis parmi les plus gros et meilleurs poissons de ces variétés, qui seront pris, aux jours indiqués, dans notre pêcherie de Lalinde, située au rocher de Gortine (le saut de La Gratusse) et fournis par les tenanciers de la pêcherie.

S'il arrivait qu'aux jours indiqués, jeudi ou vendredi, lesdits poissons ou quelques-uns d'entre eux fissent défaut, dans la pêcherie, nous voulons, ajoute le Roi, qu'au premier jour suivant où seront pris des poissons de cette nature, on en prélève le nombre nécessaire pour parfaire le chiffre dû, au compte du tenancier ou fermier de la pêcherie, (R. G. an. 15 février 1290).

Ce n'était pas sur un seul point, que la sollicitude de l'administration anglaise se faisait sentir; elle avait pris des déterminations de grande importance pour tous les points du territoire.

C'est ainsi que nous constatons l'établissement de pêcheries et de moulins sur toutes les grandes rivières, la Baïse, le Gers, le Drot, etc.

L'administration se préoccupait de la réfection du pont de Bergerac (n° 1702 R. G.) ; de l'établissement d'un port sur le Drot en face de la bastide de Monségur, n° 1618; de la construction d'un pont sur la Baïse à Condom, avec tarif de péage pour sa construction et réparations, n° 461 (R. G.); d'un pont sur la Dordogne, en face de la bastide de Ste-Foy-la-Grande, n°4738 (R. G.); d'un autre sur la même rivière à Lalinde, n° 726 indiqué plus haut, d'un pont sur la Garonne à Agen (n° 1428 R. G.).

Vers la même époque, on étudiait un projet de régularisation de la navigation du Lot, et la construction d'un canal dans le lit de cette rivière (Comp. R. G. n° 753, 920, et 1121, etc.).

On décidait la construction d'une chaussée à Libourne et de fortifications à établir autour de cette ville, n°s 448 et 460 R. G. Comme aussi on excitait toutes les bastides à se protéger par des fortifications et par des enceintes continues (n° 752, R. G. et autres).

Enfin comme nous intéressant particulièrement, on envisageait la régularisation de la rivière de l'Isle ; les Rôles Gascons contiennent sur ce point deux documents importants les n°s 19 et le n° 4890. Le n° 19 nous apprend que le Roi, en 1274, avait chargé Luc de Tany, son sénéchal de Gascogne d'assurer la navigation, dans la rivière de l'Isle, de faire disparaître tous les obstacles existants et de l'ouvrir « ita quod ibidem valeat navigari » en faisant tous les travaux nécessaires à cet objet.

En 1305 (81 ans après), la situation n'avait pas beaucoup changé et le Roi s'adressant à son sénéchal du duché, Jehan de Havering, et à Arnaud de Calvapena, son sénéchal du Périgord, etc., leur donne le mandat, dont l'exécution intéresse le comte de Périgord et bien d'autres personnes avec fui, d'étudier et réaliser les travaux nécessaires en vue « de aperiendo aquam insule Lybor[n]ensis usque Perguz » (de Libourne à Périgueux), de façon que la navigation, sans danger et sans inconvénient, permette de passer par la dite rivière ; le Roi au reste ne veut abandonner aucun des droits de péage qu'il a sur la dite rivière (8 avril 1305).

J'ai hésité à reproduire ce texte et à le traduire; il est connu de tout le monde ici, car, il a été publié par Delfau, dans l'Annuaire de Statistique du département de la Dordogne de l'an XII, page 35 en note, d'après un original conservé à la Tour de Londres et, d'après Del Tau, mais (ajoute l'éditeur des « Rôles Gascons, M. Charles Bémont) avec des lacunes et des erreurs qui le rendent inintelligible par Jullien dans son Histoire de la rivière de l’Isle, partie comprise entre Libourne et Périgueux, bref mémoire inséré au Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, t. V, p. 69 à 81, 1878 ».

Je n'avais pas, au moment où j'écrivais ces notes sur nos bastides périgourdines, d'après les Rôles Gascons, les moyens de vérifier, ce que peut avoir de fondé cette critique un peu vive. Je n'ai pu que reproduire exactement le projet de régularisation de la navigation de la rivière de l’Isle, envisagée par l'administration anglaise et qui est resté, jusqu'à la période moderne, à l'état de simple projet.

Enfin d'autres textes des Rôles Gascons, rapprochés de textes plus modernes, nous servent à identifier très exactement et sûrement la position de quelques bastides périgourdines et de faire cesser, quant à elles, les controverses existantes. Je veux parler des bastides faisant partie de la châtellenie de Puyguilhem.

Le château de Puyguilhem, dont les ruines imposantes avaient tant impressionné M. Audierne, a été très anciennement mêlé à notre histoire. En 1265, il fut cédé par les seigneurs du lieu au roi d'Angleterre à la condition. « .. quel dis senhor Reis, ne l'avant dita dona sa molhier, n'il senhor N. Audouars los fis et los bailes, auran mestier de far una bastida clausa ….. fora lo castel de Puy Wilhem (manusc. de Wolfenbüttel (n° 432).

La cession était faite par Auger de Puychagut, Grimoart de Picon, Hélie St-Michel et quelques autres chevaliers et seigneurs de Puy Guilhem.

Cette forteresse de Puyguilhem, tantôt française, tantôt anglaise, devint le chef-lieu d'une des châtellenies les plus importantes du Périgord.

De cette châtellenie dépendaient plusieurs bastides ; la, première, celle que le roi d'Angleterre devait établir comme conséquence de la cession du château mentionnée plus haut, porta le nom de bastide Ste-Eulalie de Puyguilhem. M. de Gourgues dit d'elle qu'elle fut construite en 1265 par Henri II, roi d'Angleterre: cette bastide a porté jusqu'au XVIIe siècle le nom de bastide Ste-Eulalie de Puyguilhem, qu'elle a changé dans la suite en celui de bastide Ste-Eulalie d'Eymet: elle est située au sud du castrum de Puyguilhem, sur un des affluents du Drot; elle forme actuellement une commune du canton d'Eymet ; elle figurait au louage de 1365 pour 24 feux, dans la châtellenie de Puyguilhem.

Trois autres bastides faisaient partie de cette même châtellenie ; elles sont toutes trois mentionnées dans un des titres les plus importants des Rôles Gascons : ce numéro a pour objet la cession à ferme, faite par le roi Edouard, en 1284, à un citoyen de Londres, Henri le Waleis. Ce personnage obtenait du roi la concession du château de Puyguilhem et des bastides de Fonroque, de Bello loco et de Villafranca que fuit in honorent ejusdem castri ; au même personnage et par le même titre, le Roi accordait d'autres bastides du Périgord, Beaumont, Molières, Lalinde, et d'importants territoires.

Cet Henri le Waleis (Gallois, Galeys, Walis ou Walace) avait été maire de Londres en 1275 ; il le fut de nouveau en 1277 ; le redevint en 1208. En 1284, dans notre numéro, il est désigné comme simple citoyen de Londres, fort riche, il avait prêté au Roi des sommes importantes: ces relations expliquent les belles concessions que le Roi lui accordait en 1284 (2).

R. G., t. 2, n° 802. Pro Henrico le Waleys, de Castro de Podio Guillelmi, cum bastidis, etc. ei commissis,

Rex omnibus ad quos, etc., salutem.

Sciatis quod nos pro nobis et heredibus nostris tradimus et concedimus ad firmam dilecto nostro Henrico le Waleys, civi Londonie, pro se et heredibus ac assignatis suis recipienti, castrum nostrum de Podio Guillelmi cum bastidis nostris de Fonroqua, de Belloloco et de Villafranqua, que fuit in honore ejusdem Castri ;

Item bastidam nostram de Bellomonte, cum alia bastida nostra eidem vicina, vocata Sancti Johannis de Moleriis;

Item bastidam nostram de Lindia, cum communi de Clarencio, de Bassaco, de Sancto Avito Seniore, et aliorum locorum qui sunt in honore dudum per nos eidem bastide nostre de Lindia assignata (?) ;

Item terras et tenementa nostra de Goosse, de Senhas et de la Bene …..

Usque ad decem annos continuos et completos ;

In cujus, etc. T. R. apud Kaernarvan xvj die julii (1284 A. R. XII.) Comp. 803. 804.

Des trois bastides mentionnées au n° 802 R. G., la bastide de Fonroque est située au nord d'Eymet, un peu à l'ouest de Ste-Eulalie de Puyguilhem; elle revit aujourd'hui dans la commune rurale de Fonroque, du canton d'Eymet. En 1363, au rôle du louage, elle comptait dans la châtellenie de Puyguilhem.

Bastida cum parrochia de Fonroqua pro XLI 1/2 foc. : elle avait donc une certaine importance ; sa population devait s'élever aux environs de 300 habitants.

Quant aux bastides de Beaulieu et de Villefranche, où étaient-elles situées, et quelle identification faut-il proposer pour elles ?

Le savant éditeur des Rôles Gascons, Charles Bémont, a proposé pour la première, bastide de bello loco, Beaulieu commune d'Annesse-et-Beaulieu, canton de St-Astier ; il est vrai, avec une certaine hésitation que marque le point d'interrogation placé à la suite de l'identification. Mais, dans la liste des bastides donnée par lui, dans l'introduction du tome III, des Rôles Gascons, page CXII, reproduisant cette identification, M. Charles Bémont ajoute : «  le doute émis au  n° 802 sur l'identification proposée me paraît maintenant peu fondé ».

Nous sommes sur ce point, d'une opinion tout à fait contraire et nous pensons qu'il faut abandonner absolument l'identification proposée et affirmer que la bastide de Beaulieu (bello loco) de la châtellenie de Puyguilhem doit être placée au village du Pertus dans la commune de Sigoulès.

Voici nos motifs : le rôle du fouage pour 1365 porte Parochia de Percusio cum bastida belli loci avec LXXV foc. Voilà notre bastide de Beaulieu de la châtellenie de Puyguilhem : elle était dans la paroisse de Percusio. Cette paroisse, anciennement existante avait été attribuée au monastère de Sarlat en 1153; elle disparut au XVIe siècle ; les nom et souvenir s'en sont conservés par le village de Pertus, paroisse de Sigoulès.

La description du Périgord (manuscrit de St-Germain n° 1414) mentionne parmi les bastides du patrimoine du Roi Parochia de Pertusio, cum bastida Belli loci.

Dans la carte de Tarde de 1624 la paroisse du Pertus était séparée de la paroisse de Lenville par la paroisse de Lestignac; les deux paroisses, Pertus et Lenville (quelquefois Hemville) ont disparu toutes deux : elles étaient l'une et l'autre sous le patronage de St-Martin.

Le document n° 1719 des Rôles Gascons est intéressant pour notre bastide Belli loci qu'il mentionne très, exactement sous sort véritable nom (il importe peu que dans l'intitulé on ait porté la forme Bastide de novo loco.

Dans ce titre les consuls de la bastide de Beaulieu donnaient l'authenticité, par l'apposition du sceau de leur bastide, sur un engagement pris par leurs concitoyens, à l'occasion de redevances dont ils obtenaient la diminution, portant sur des territoires de la commune de Flaugeac : ils venaient en voisins, aurait-on fait appel à leur concours, s'il eût fallu aller les chercher à St-Astier?

La dernière bastide dont s'occupe le n° 802 est la bastida Villafranca que fuit in honore ejusdem castri (R. G.) donc elle était située sur un territoire, dépendance féodale du dit château « in honore ».

Cette bastide Villafranca était d'après le rôle du fouage de 1365 dans la paroisse de Lenville (aujourd'hui disparue) « bastida Villafranca ad parrochiam del Henvila cum XLIII foc. et dimi ».

Cette paroisse de Lenville, ou Hemville (man. de Wolfb. n° 228) dont se rapproche notre numéro, Del Hemvilla.

Elle avait été attribuée en 1153 au monastère de Sarlat. Elle a été remplacée par la paroisse du Moustier.

Et la localité marquée à la carte d'Etat-major sous le nom de Bastide près du Moustier est la Bastide de Villafranca du n° 802.

Ces identifications proposées par nous, déjà indiquées dans notre opuscule des Bastides du Périgord, nous paraissent résulter des textes anciens, rapportés, qui leur servent d'appui et, bien mieux justifiés, que celles proposées aux titres gascons: qui dans notre Villafranca verrait Villefranche de Longchapt, qui n'a jamais été in honore de Puyguilhem ; et dans notre bastide de Beaulieu, va chercher une bastide aux environs de St-Astier, loin de notre région : ces identifications, purement divinatoires, sont contredites par les textes formels que nous avons rapportés.

Ces critiques faites, nous nous empressons de reconnaître hautement le grand mérite du travail de M. Charles Bémont sur les Rôles Gascons et la grande utilité de cette publication pour les travailleurs et les historiens.

A. VIGIÉ.

(1) Fondée en 1261.

(2) Comp. sur ce personnage l'introd. p. LXX, note de la collection générale des Docum. Franc. qui se trouvent en Angleterre, par Jules Delpit, 1847.

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