<<Retour

Source: Bulletin SHAP, tome XXIX (1902).

Note préliminaire (C.R.) : Nous avons réuni ici un ensemble de documents d’archives concernant les guerres de religion et les révoltes paysannes en Périgord, avec une présentation réduite. Les articles complets correspondants, avec les jugements et commentaires de leurs auteurs peuvent être consultés par le lecteur sur le site en ligne Galllica de la BnF.

 

pp. 164-169.

LETTRE DU ROI HENRI III AU ROI DE NAVARRE.

23 novembre 1582.

(G. CHARRIER)

Mon frère,

« J'ay receu vos deux lettres du XII de ce mois et vous diray pour responce à icelles que je ne doubte aucunnement de vostre directe et ferme intention au bien et repos de mon royaulme et à mon particulier contentement ; car je scay de quelle affection vous avés embrassé la paciffication des derniers troubles et despuis l'accomplissement et observation des articles accordés pour cest effect et vous prie croyre que je voy et cognoy très bien de quel pied chacun parade et scay discerner le mérite des uns avec les passions des autres. Le sr de Luzignan vous aura dict qu'elle est l'assurance que j'ay prinse de vostre bonne volonté, le fondement que j'en faictz et combien je désire que vous vous contiez en moy au nom de l'amitié particulliere que je vous porte et de la cognoissance que j'ay du bien que mes affaires en requiéront, ou quoy j'estime que vous n'estes aussi à cognoistre l'advantaige que vous en rapporterez, lequel je désire pour mon regard vous represanter et tesmoigner plustost par vrais effectz on par la preuve que vous en fairez que par lettres, et en ce faisant fermer la bouche à ceux qui voudroyent vous faire croire que je ne désire vous attirer et avoir auprès de moy que pour assurer mes affaires à vostre doumaige, saichant que vous veniés par deçà est trop désagréable à plusieurs, mesmes à ceux qui se sont enrichis et accruez des troubles de mon royaulme et cuydant ne pouvoir vivre et estre en seurté que par la continuation d'iceux, ce que je dy sans distinction de relligion, car il ne s'en trouve que trop d'une part et d'autre qui concourons en ce dessaing.

Mon frère, je vous prie croire que mon intention est très bonne, mes actions en rendront si clair tesmoignage que personne n'en peut doubler. Je désire infiniment vous revoir affin que vous en puissiez à l'œil faire meilleur jugement et avoir confirmation de l'oppinion que vous en avez desia conceue, comme je me prometz qu'il adviendra à vostre contantement.

J'ay veu par vos lettres les grandes plainctes que vous me mandez vous avoir esté faictes, des poursuites trop exactes qui se font contre aucuns de mes subiectz de la religion prétendue resformée, soubz prétexte de justice par l'ordonnance de la Court de justice que j'ay envoyée en mon pays de Guienne, dont je suis très desplaisant, car mon intention n'a esté et ne sera jamais d'opprimer personne contre raison et n'ay envoyé audict pais ladicte Cour pour cest esfect, ains pour randre justice à un chacun sainctement et esgalement et sans, distinction de relligion suyvant mes édictz et ordonnances, et trouverons très mauvais que ladicte Cour en eust usé autrement et ne pense pas quelle l'ayt faict, vous priant toutesfois me faire savoir et spéciffier lesdictz faictz et motifs desdictes plainctes affin d'y pourvoir, comme je suis prest à faire de très bon cueur, ainsi qu'il sera jugé estre équitable et selon mesdictz éditz, de manière que chacun aura juste occasion de croire que je n'entens qu'on persécute mes subiectz injustement, mais plustost se louer de ma bonté et clémence, laquelle a esté tant et tant esprouvée, que je diray non seulement que personne n'en devroit plus doubter, mais que je crains que quelques-uns en abusent et en soyent insatiables, comme gens qui sont si accoustumez au crime qu'ilz en font habitude, ou sont si souillés de maux qu'ilz ont perpétrez, que toutes les abolitions publiques et particulières que l'on leur pouroit accorder ne soyent bastantes pour les laver et donner repos à leurs ames agitées d'un perpétuel remors et souvenance qu'ilz ont de l'énormité de leurs maléfices. Vous assurant, mon frère, que c'est une des raisons qui m'a autant retenu jusques à présent d'ottroyer ladicte abolition généralle que vous me demandez encores par l'une de voz dictes lettres et que j'ai désiré en conférer arec vous devant que de passer oultre ; car je suis certain que auriez vous mesmes très grand regret de voir ma bonté si autant mesprisée, et oultre cela servir de couverture et impunité à infinis sortes de crimes et délictz qui ne peuvent estre trop tost et rigoureusement punis.

Mon frère, quand nous en aurons conféré ensemble, je me disposerai volontiers à faire ce que nous adviserons estre expédient sur cela, pour le bien et repos de mondict royaulme que je veux prefférer à toutes autres considérations, ainsi que je vous ay mandé par ledict sr de Luzignan. Mais je m'esmerveille grandement comment l'on a trouvé mauvais que j'aye envoyé pouvoir à ladicte Court de justice pour cognoistre des contreventions à mon édict et faictz criminels ès séneschaucées d'Armaignac, Quercy et Rouergue, et que l'on ayt de là prins argumens de croire que j'aye intention de feustrer mes subiectz de mon pays de Languedoc, de la justice que je leur ay accordée par mondict édict et articles de conférances, car le propre texte des lettres d'ampliation qui ont esté expédiées pour cest esfect tesmoigne asses le contraire, estant fondées sur ce que la Chambre dudict ressort de Languedoc n'est encore establie audict pays, je n'entens aussi que ladicte ampliation aye lieu de servir que jusques à ce qu'elle soit en exercisse et tant que la Cour demeurera en la ville d'Agen, ayant considéré que estant en ladicte ville elle pouvoit commodément et au grand soulagement et plaisir des gens de bien cognoistre desdictz crimes èsdites séneschaucées comme aux autres, ayant mesme esté adverty que plusieurs malfaicteurs des provinces circonvoisines de ladicte ville d'Agen, du ressort du Parlement de Bourdeaux, se sont retirez et resfugiez ezdictes séneschaussées pour esviter la justice et y demeurent à présent en toute seureté au grand mespris d'icelle et de mon autorité, au grand regret des bons et non moindre désavantage de mes affaires et retardement du soinct de ladicte paix.

« J'ay esté requis aussi par Chass ….. sur les cahiers qu'il m'a présantez de la part de mes subiectz faisans profession de la relligion prétendue resformée de donner pouvoir à ladicte Cour de cognoistre de plusieurs excès qu'ils prétendent leur avoir esté faictz par aucuns catholiques esdictes séneschaussées, en attandant que ladicte Chambre de Languedoc fust restablie, comme il apert par leurs propres cahiers, ce que leur ayant très volontiers accordé, tant je désire advancer et favoriser la correction de tous crimes. J'ay considéré aussi qu'il estoit juste et raisonnable de favoriser de pareille provision et secours mes subiectz catholiques affin qu'ilz pussent avoir raison de leurs plaintes par devant ladicte Cour, ni plus ny moins que ceux de ladicte religion, comme chose que j'ay estimée devoir estre approuvée de tous ceux qui désirent de cueur et d'affection l'observation de la paix, vous assurant mon frère, que je voulois aucunement priver ceux de ladicte relligion de Languedoc du bénéfice de ladicte justice que je leur ay accordée par les articles des conférances, ains faire que je puis pour advancer le restablissement d'icelle ledict Chassaincour en a obtenu une jussion très expresse sur ledict cahier qu'il m'a présanté.

Je fay encorres présentement une recharge par homme exprès à la Cour du Parlement de Thoulouze, à laquelle j'envoye une provision pour faire fournir des deniers pour l’entretenement et gages des présidens et conseillers catholiques de ladicte Cour qui y doybvent servir ; mais comme ilz ont faict jusques icy difficulté de se mettre en chemin, à cause de l'inexécution de l'édit de l'occupation de M. de Vivans et des continuelles courses et voleries dont le pays a esté et est encorres journellement affligé par certaines sortes de gens que l'on dict estre sans adveu, lesquelz ont leur retraicte en quatre ou cinq lieux qui sont es environs de la ville de Lille où ladicte Chambre doit résider, ils continuent à faire justice tant que l'on pourvoye à leur seureté, remonstrant qu'il n'est raisonable qu'ilz se mettent à la mercy et discrétion desdicts non advouez dont le nombre audict pais n'est que trop grand et puissant, comme il est noté par les entreprinses qu'ilz ont faictes despuys là, puysqu'il est impossible qu'ilz sacquitent dignement de leurs charges et que la justice fructifie, demeurant en crainte et deffience de leurs personnes, à quoy j'ay mandé à mes cousins le duc de Montmorancy et mareschal de Joyeuse, pourvoir comme à chose très raisonnable et nécessaire.

Voilà mon frère ce que contient la dernière dépesche que j'ay faite pour le restablissement de ladicte Chambre de laquelle je vous proteste encores ung coup ne voulloir freuster lesdictz habitans de Languedoc. Toutesfoys sy vous jugés ses choses considérées n'estre à propos que ladicte Court de justice envoyée en Guienne cognoisse sepandant desdictes contraventions et crimes à elle attribuez par ladicte ampliation tant qu'elle sera en ladicte ville d'Agen, et que les plaintes de ceux quy s'en formalizent doibvent estre préférées au bien que lesdites provinces en doibvent recepvoir, je vous prie me le mander et je révocqueray ladite ampliation, à la charge aussi que lesdictz calholiques seront en cella traités comme les autres, et que les cas particuliers qui ont esté renvoies à ladicte Court sur les cayers de ceux de la religion prétendue resformée, poursuivy par ledit de Sachincourt seront révocqués et remis a leurs juges ordinaires, affin qu'il soit traités esgalement. Vous adviserés aussy quel ordre on devra tenir pour faire appréhander les prévenus de leurs jurisdictions qui se sont retirés èsdites séneschaussées, aftin qu'ilz ne demeurent impunis. J'estimois que les juges de ladite Court auroient par leurs actions randu sy clair tesmoniage de leur droiture et gnanimité en l'administration de leur charge, comme mesme vous m'avés escript que chacun doict estre bien ayse de les avoir pour juges qui la regettent et se plaignent de ladite ampliation non moins que de leur exacte poursuite. Sy nous ne favorisons et authorizons la justice, mon frère, comme nous sommes tenuz de faire, Dieu nous punira et ne régnerons ny prospérerons jamais. C'est le fondement sur lequel nous devons bastir noz principalles forces en reiettant bien loing l'acistance et amitié des meschans, ung nombre desquelz pour grand qu'il soit nous sera beaucoup plus domageable que autrement, et pourveu mon frère que nous authorizions la justice par ensemble d'ung commun acord, consentement et mutuel désir, que telles gens ne nous pouront nuire et s'ilz s'oublient tant que de le tanter ou entreprendre, je les fairay sy bien chastier que les autres y prendront exemple.

J'ay veu par l'une de vos lettres ce qui c'est passé en la prinse de la maison du Casse et Latrie ; c'estoit véritablement deux vouleurs qui méritoit d'estre punis exemplairement, mays j'eusse voulu que l'on eust procédé en ce faict par autre forme voyr qu'ils n'ont faict, car il semble que l'on aist plustost voullu vanger leurs ennemys que exécuter le décret et justice ; à quoy toutesfoys je veuz croire que vous ne participez point, car je m'asseure que vous ne voudries que les soldats que je tiens auprès de vous pour garder vostre personne et les autres qui sont ez villes délaissées en garde à ceux de ladite religion pour leur seureté, fussent ministres de telle vaniance, ne vous voullant celer toutesfois que mes subiectz catholiques en sont entrés en grande alarme. Mais si suivant que vous me mandés, voules vous emploier aussy visvement à faire exécuter les arrestz et justice contre plusieurs autres, qui sont journellement audit pays, diffamés et se disant faire profession de ladite religion prétendue refformée, cella resiouira et asseurera grandement ung chascun et fermera la bouche à tous ceux qui voudroit blasmer la rigeur en laquelle ceux-cy ont esté traictés et sera cause d'ung grand bien. Je vous prie croire aussy mon frère que vous me fairés très grand plaisir.

J'escris présentement à mon cousin le maréchal de Matignon en conférer avecques vous et vous prie pareillement pourvoir à la rediction des chasteaux de Mure, de Baira (ou Barra) et de celluy que le visconte de Lavedan a mis dedans, et a de rechefs rescript d'obéir aux lettres, comme vous aura dict mondit cousin, et combien telle désolassion a estonné ceux du païs qui esperoyent quelque soulagement et bon succez de son voyage ; c'est ung trop grand mespris faict à mon autorité et à voz commandemens, ledict visconte de Lavedan doit respondre de la place parce que vous la luy avés baillée en garde. Vous priant mon frère, vous faire obéir et sy vous n'en pouvés chevir par voye amiable, advisés avec mondict cousin celle que l'on y tiendra, car telle désobéissance est insuportable.

Je vous prie donner ordre aussy à la restitution de la ville de Bazas, faire une bonne despesche eu Languedoc pour celle de Lunel, ceux de ladicte religion prestendue refformée dudict pais continuent à s'en descharger et pousser sur vous ceste chose qui importe et suis marry qu'ils reiettent sur vous le reffus qu'ilz font d'obéir en cella à mon edit de paciffication et satisffaire à leur promesse.  Je vous prie donc y pourvoir : croyés que je vous ayrae parfaitement et que sy vous me venés veoir, vous serés le très bien venu et prie Dieu qu'il vous aye, mon frère, en sa saincte garde.

Escript à Paris le vingt troisiesme jour de novembre mil Vc quatre vingtz et deux, et plus bas : Vostre bon frère.

Henry, ainsin signé. »[1]

Pour copie conforme : G. CHARRIER.

Conservateur des archives municipales de Bergerac.

 

ESSAI SUR LES GUERRES DE RELIGION EN PÉRIGORD (1551-1598).

(A. de Roumejoux).

pp 346-348.

1583-1584.

Le maréchal de Biron, passant à Périgueux le 26 mai pour se rendre à la cour, rapporte au maire, Antoine de Chilhaud, que beaucoup de communautés en France tiennent le parti de la Ligue; le maire lui répond que ceux qui en estoient s'oublioient grandement de leur devoir et de la fidélité qu'ils debvoient à Sa Majesté ; toutefois que si quelqu'uns rompoient la teste aux huguenots, les communautés de France, qui la pluspart avoient esté pillés et saccagés par eux n'avoient grand subjet leur envoyer des médicquements pour les penser, ce que ledict seigneur maréchal disant estre véritable se prist à rire grandement[2].

Le 16 août 1584, M. de Ste-Alvère[3] écrivit aux dits sieurs maire et consuls lui envoyer secours parce que les huguenots conduits par Panissaud de Bragerac[4] fesoient plusieurs ravaiges en ses terres, voir, mettoient le feu aux maisons, auquel fut envoyé quarante arquebusiers, mais les dits huguenots se retirarent bientôst et parceque lesdits sieurs de Lenoncourt et autres députés en furent advertis, ils se vouloient fascher contre lesdits sieurs maire et consuls disant que cela altéroit les affaires, auxquels fut répondu par ledict sieur maire que les serviteurs du roy ne se pouvoient conserver liant par une bonne union et se secourans les uns les autres.

Le 18 dud. mois fut porté en notre ville des commissions par un paysant par lesquelles étoit mandé de la part de ceux de Bragerac aux habitans de Vern et autres circonvoisins catholiques de contribuer pour les réparations de Bragerac.

Le vingtiesme dudit mois, ceux de St-Astier craignant d'être assiégés par les troupes du prince de Condé demandent secours et leur fut envoyé poudre et armes.

En même temps on usa de semblable courtoisie à l'endroit de ceux de Vern, du sieur de l'Herm et de ceux de Grignols qui étaient assiégés par Panissaud.

En même temps l'on fait avec messieurs du chapitre de nous ayder pour entretenir les soldats et parce que la ville leur devoit huit ou neuf cens livres, il fut arrêté qu'ils rabattroient quarante livres par mois comme ils ont fait suivant les quittances que à ces fins Clementier, leur recepveur, nous a baillées.

Le 24 septembre, lon receut advertissement que le vicomte de Turenne était logé à Ribérac avec deux ou trois mille hommes et que en passant et avoir fait brûler le bourg de St-Vincent-de-Double parce que ceux qui étoient dans l'église s'étoient défendus dautant qu'on faisoit courir le bruit qu'on vouloit faire une attaque à cette ville dont l'on reçeut plusieurs avertissements, l'on pria le sieur de l'Herm nous envoyer des arquebusiers, lequel envoya le capitaine Labrousse avec soixante-dix soldats ; nous en retirâmes vingt-cinq à la banlieue et des voisins, sans les cinquante de la garnison.

Le vicomte ne donna pas suite à son projet d'attaque sur Périgueux ; il resta quarante-quatre jours aux environs de la ville où il fit de grands ravages ; dans une des sorties de la garnison, le capitaine Labrousse fut fait prisonnier, mais il fut bientôt échangé[5].

Le roi d'Espagne contraignit le duc de Guise à se déclarer ouvertement, si bien qu'une députation de la noblesse de Picardie va prendre le cardinal à Rouen et le conduit a Péronne. Guise rassemble la noblesse de Champagne et de Bourgogne et met à sa tête les ducs de Mayenne et d'Elbeuf pendant que des reitres et des lansquenets s'avancent sur la frontière, levés et soudoyés en partie par le roi d'Espagne.

[…]

 

pp. 389-392.

Avant les Etats de Blois, […] la ville de Domme fut prise par Vivans. Nous donnons le récit de cette expédition extrait des Mémoires de Jean de Vivans, son fils aîné[6]:

Le 25 octobre 1588, deux heures avant jour, Vivans par une quatriesme entreprinse prit Dome par escalade qu'il dressa au lieu le plus fort et le plus inaccessible, du costé de la rivière, dessoubs un rocher ou caverne appelé le Crozo-Tencho qui est à demy rocher et néanmoins dans la ville où la ronde ne descendoit point passant au dessubs du rocher ; l'eschelle estoit de neuf pieds de haulteur, toutes lesquelles montées faisoient soixante-deux pieds de haulteur, encore se trouva-t-elle trop courte et fallut grimper par les branches des arbres plus de huict pieds. Ledict sieur de Vivans avoit recogneu et faict recognoistre diverses fois cet endroit, et sur ce qu'il avoit esprouvé que les villes ennemies le sçaichant a leur voisinage, veilloient doublement ; après avoir disposé toutes choses à son desseing, il s'éloigna à Caumont quinze lieues loing et ayant assemblé ses troupes il s'advança avec cent hommes en tout sur l'expédition, en telle diligence qu'il arriva en un jour à une lieue de Dome si secrètement que la nuit ayant par dixaine abordé la montaigne et le pied du rocher, le capitaine Bordes le premier et Bramarégias le quatriesme qui commandait la première dixaine, puis les autres si secrètement et si dextrement qui ayant fait monter le sieur de Puycharnaud avec vingt sept et un trompette sans estre descouverts, coulant dans la dicte caverne d'où ils donnèrent droict au corps de garde de la place qu'ils taillèrent en pièces, et ayant faict sonner la trompette et mis en fuitte tous les habitans sans grand combat, ils allèrent chez le Consul prendre les clefs de la ville, ouvrirent la porte des Tours à Vivans et au reste de ses gens, où il entra avec sa troupe.

Le chasteau restoit qui est sur la croupe de la montaigne de la ville, un des plus forts de Guyenne, où le capitaine Solvignac[7] commandoit en morte-paye, qui estant ceste nuict au chasteau avec la garde ordinaire, oyant et voyant que la ville estoit prinse, se tint sur ses gardes et retira une partie des habitans fuyards. Ledict sieur de Vivans le faict cerner et à ces fins se saisit du bourg de Dome-Vieille et y loge une compaignie de gens de cheval ; le lendemain toutes les maisons, cavernes et advenues qui sont dans la montaigne autour du dict chasteau sont saisies et réparées pour empescher ceulx du dehors de la secourir et avictuailler ; mais, ayant appris que le mareschal de Biron et Monsieur le baron, son fils, qui lors se rencontroient à Biron, assembloient les séneschaux et noblesse de Périgord, Agenois, Quercy et Lymosin, pour le secours du chasteau, Vivans se résolut d'y dresser en plein jour une escalade générale, et pour cet effect fit oubvrir la muraille qui sépare la ville dudict chasteau où il fit donner fort bravement l'espace de deux heures et dresser des eschelles ; mais la haulteur du rocher et de la courtine, oultre celle des tours, défendoit assez la place avec des quartiers qu'ils (les défenseurs), faisoient rouler qui mettoient tout en pièces, tellement qu'il fallut se retirer avec quelques morts et blessés. Le lendemain, monsieur de Clermont, sénéchal du Quercy, avec messieurs de La Mothe-Fénelon, de Giverzac,et cent vingt maîtres choisis,vint à paroitre sur la haulteur de la plaine de Born à un quart de lieue de Domme, où il se mit en bataille, dont ledict sieur de Vivant adverty fait sonner à cheval et sans attendre le tiers de ses troupes qui étoient logées à Domine-Vieille, monte audevant d'eulx, les va recognoistre, luy avec le sieur de Giscard[8], seuls, juge à leur contenance qu'ils n'ont point dessein de combattre, faict advancer ses troupes, les charge, les met en fuite, les poursuit jusqu'à Nabirac, bourg où ils avoient laissé leurs gens de pied pour les soutenir. Ils les font sortir à cet effect, mais Vivant fait jonchée d'une trentaine qui furent tués à l'entrée du bourg, partie se retirant dans l'esglise bien fortifiée, les aultres fuyant jusqu'à Gourdon et poursuivis jusques aux portes, non sans meurtre et sans prise d'ennemis et de chevaulx, et, est à noter que parmy ces fuyards, l'espouvante fut telle qu'il y eut des gentilshommes qui entrèrent dans l'esglise par le guichet, armés de toutes pièces, à cheval, qui après pour ressortir fallut desseller le cheval, car le portail estoit muré. Un aultre, de bonne maison, ayant faict le tour de l'esglise sans pouvoir trouver la porte qu'il cherchoit, crioit : « Ceste porte n'a pas d'esglise », on cèle leur nom par discrétion, mais ceci a esté tesmoigné parmy ceulx du bourg.

Le 2 de novembre, Monsieur le Mareschal de Biron se logea à Saint-Martial où il donna rendez-vous à ses trouppes et conduit deux couleuvrines.

Le 5 dudit mois, Monsieur d'Aubeterre le vint joindre avec deux cents maistres et mille arquebusiers; de même font les aultres sénéschaux voysins tellement que son armée estoit composée de cinq ou six cents maistres et plus de cinq mille arquebusiers, ce qui mit d'ailleurs en telle jalousie les aultres places de la religion voysines que leurs gouverneurs quittèrent Vivant pour pourvoir à leur sûreté.

Ainsy demeuré avec sa troupe particulière, assez seul, (les voysins de son party estant en telle envie de sa fortune et prospérité qu'ils le regardoient faire sans s'en mesler) ainsy environ avec soixante maistres et deux cents arquebusiers, il fut reduict à garder la ville, assiéger le chasteau, soustenir le siège des ennemys, empescher qu'ils ne fussent secourus d'hommes ni pourveus de vivres et munitions. Ce peu d'hommes l'empeschant de tenir le bourg de Domme-Vieille ni le prieuré de Cénac, il démolit l'un et mit le feu à l'autre, ainsi des moulins les plus proches, et à l'arrivée du Maréchal, se retranche dans la montagne, fortifie les advenues du chasteau et mesme la maison appelée du Soleil.

Le dict sieur Mareschal, le 6 de novembre, advance sa batterie à ceste maison et aultres barricades de la montagne que le sieur Barri de Monségur défendoit ; le baron de Biron, ayant mis pied à terre à la teste de toute la noblesse, vient donnera ces barricades furieusement, mais à bien attaqué, bien déffendu ; on donna par divers coups à toutes les advenues, on tasta de tous les costés pour secourir le chasteau ; le capitaine Solvignac, qui estoit dedans, ne s'endormoit pas comme y ayant le principal intérest, mais enfin le coust leur en fit perdre le goust, et fut contrainct Biron de se retirer avec grand'perte mesme du sieur de La Mothe-Fénelon tué d'une arquebusade à la maison du Soleil, au grand regret de toute l'armée et de tout le pays.

Le 12, le seigneur Mareschal plaça ses eouleuvrines sur la pente de la colline qui est au delà du ruisseau et près du village de Monbette et de là battoit une maison qui est à demy montagne, soubs le chasteau que ledict sieur de Vivant avoit fortifiée ; mais après l'avoir battue deux jours voyant n'augmenter que de perte, il désista ; en prenant ses couleuvrines il s'en alla à Biron et le sieur d'Aubeterre s'en retourna vers Périgueux.

Peu de jours après, Vivant faict donner l'escalade au chasteau par plusieurs endroicts, mais il les repousse avec perte de cinq ou six hommes ; néanmoins quelques jours après, le capitaine Solvignac voyant que son secours s'en estoit allé sans le dégager, capitula et sortit vie et bagues sauves et fut conduict en toute seureté avec les siens à Sarlat.

1589. — Vivant tenant le chasteau le faict fortifier et pourvoir de vivres et de munilions, faict couvrir la tour Brune pour y servir de citadelle, y met le 12 février 1580 une garnison, et quant à la ville y mit une compaignie de cavalerie et cinq compaignies d'arquebusiers pour estre le tout entretenu par le plat pays.

En l'an 1589 il fit raser l'esglise paroissiale[9] et le couvent des Augustins, bannit l'exercice du culte catholique, y establit celui de la secte et le premier ministre qui y prescha s'appeloit Beaupoil, et de la pierre provenant de la démolition de l'esglise et du couvent, il en fit une muraille travaillée et flanquée qui commencoit un peu au-dessus de la porte des Tours, alloit finir sur le précipice du rocher assez près du cimetière, séparant et distinguant du reste de la ville tout le quartier de la Paliolo et de l'Ormet, pour en faire une citadelle.

[…]

pp. 399-400

FRANCOIS DE MONTSALARD, MEDECIN D’HENRI IV

(A. DUJARRIC-DESCOMBES)

[…] A la liste des médecins les plus distingués du Périgord, il convient d'ajouter un nom nouveau, celui de François de Montsalard, sieur du Peyratier, médecin ordinaire du roi et intendant des bains et fontaines minérales du royaume.

Ce dernier était originaire de la paroisse de Champagne, où la famille de Montsalard possédait le domaine de la Foucaudie, qui, par suite de transaction, passa, en 1722, aux mains de François Jaubert, sieur de la Courière, juge sénéchal de la comté de Bourzac.

Henri IV, dont le premier chirurgien était aussi un Périgourdin, François Martel, satisfait des services de François de Montsalard, lui accorda une pension annuelle de 600 livres tournois à prélever sur les amendes de la sénéchaussée du Périgord.

Les lettres patentes confirmant ce don portent la date du 24 juillet 1609 ; elles furent enregistrées à Paris par la Chambre des comptes, le 12 août, et à Bordeaux par les trésoriers généraux de France en Guyenne, le 11 décembre de la même année. François de Montsalard vint requérir lui-même[10], le 8 janvier 1610, au greffe du présidial de Périgueux, l'enregistrement du brevet royal, dont le texte est ainsi conçu :

Henry, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à nos amez et féaux conseillers les gens de nos comptes à Paris et trésoriers généraux de France establis à Bordeaux, salut,

Ayant pris en considération le bon et fidelle debvoir que nre cher et bien amé François de Montsalard, sieur de Feratier, l'un de nos conseillers et médecins ordinaires, intendant et maistre des bains et fontaines minérales de nre royaume, a jusques a pnt rendus soubs nre premier médecin en exercice et fonction de lad. charge d'intendant et mre desd. bains et fontaines minérales, et que pour s'en acquitter dignement et fidellement comme il a faict et désire continuer à l'advenir, il luy convient faire de grandes despences, lesquelles il ne pourroit supporter, n'ayant esté par nous attribué aucuns gaiges à lad. charge.

Sçavoir faisons que Nous, désirant en ceste occasion gratifier et favorablement traicter led. de Montsalard et luy donner moyen de s'acquitter soigneusement comme nous sommes asseurés qu'il en a la volonté, de ce qui ost du debvoir et de la fonction de lad. charge d'iceluy, pour ces causes et autres a ce nous mouvans, Avons accordé, donné et octroyé, comme par ces pntes signées de nre main, Nous luy accordons, donnons et octroyons la somme de six cents livres tournois, dicelle avoir et prendre doresnavant par chacun an par forme de pention, tant et si longuement qu'il sera pourveu de lad. charge, sur les deniers provenans des amandes a nous adjugées en nre seneschaussée de Perigort, les charges ordinaires sur icelles préalablement acquittées. Si vous mandons et ordonnons que par celuy de mes recepveurs qu'il appartiendra et des deniers de la nature susdicte lesd. charges préalablement acquittées, vous faictes payer et délivrer comptant aud. de Montsalard lad. somme de six cents livres que nous luy avons, comme dict est, accordé par forme de pention doresnavant par chascun an tant et si longuement qu'il sera pourveu de lad. charge, aux termes et en la manière accoustumée, à commencer du jour et datte des pntes, rapportant lesquelles ou copie dicelles deuement collationnées pour une fois, avec quittance dud. de Montsalard, nous voulons lad. somme et tout ce que pour ce payé et délivré luy aura esté, estre passé et alloué en la despence des comptes dud. receveur desduict et rabatu de la recepte diceux par vous gens de nosd. comptes, vous mandant ainsi de le faire sans difficulté, car tel est nre plaisir, nonobstant quelconques ordonnances, reglemens, mandemens, deffences et lettres a ce contraires.

Donné à Paris, le xxiiij jour de juillet l'an de grâce mil six cents neuf et de notre règne le vingtiesme.

(Signé) HENRY.

Par le roy : (Signé) Potier. »

 

pp. 433-441.

ESSAI SUR LES GUERRES DE RELIGION EN PÉRIGORD (1551-1598).

(A. de Roumejoux).

[…] Enfin, il nous reste à parler pour cette année 1590 d'une attaque sur Saint Cyprien (le 19 août), place tenue par les protestants, qu'une partie de la garnison de Domme vint secourir, et aussi d'une attaque de la noblesse liguée contre Domme ; cette troupe était commandée par Mrs de Villars et de Montpezat; nous laissons parler le fils de Geoffroy de Vivans, Jean, auquel nous avons déjà emprunté quelques détails. Vivans était auprès d'Henri IV au siège de Paris lorsqu'il apprit que les sieurs de Tayac, de Giverzac et de Pechjaloux avaient surpris le château de Domme le 24 août 1590, sauf la Tour Brune, et que Mr de Monségur, qui se défendait dans la ville où Mrs de Thémines et de La Force s'étaient jetés pour la secourir; comme de l'autre part, Mrs de Montpezat, Montluc, Pompadour, avec toute la noblesse liguée, avaient accouru au château avec quelques coulevrines qu'ils avaient montées par artifice pour battre la Tour Brune. Vivans supplia le roi de lui permettre de s'en revenir; mais pour le moment il n'obtint pas cette autorisation.

 

Le sieur de Thémines s'estant jeté dans la ville de Dome[11], comme est dit, pour la secourir avec peu de forces, quelques amys particuliers dudit sieur de Vivans qui estoient demeurés dans le pays y accoururent aussi. M. de Rignac, gouverneur de la vicomté de Turenne, assistoit fort en ceste occasion d'hommes, de vivre et de sa personne. D'autre part, M. de La Force y accourut avecques de jolyes troupes de pied et de cheval avecques lesquelles il jeta une coulevrine dans la ville, de plein jour, et avec de beaux et signalés combats, que lui et Mr de Thémines qui l'alla recueillir jusques delà la Dordoigne, firent dans la plaine et dans la rivière qui lors estoit gayable, ou véritablement ils eurent toujours l'avantage ; un des chefs ligués, nommé Saint-Projet[12] fut tué au milieu de l'eau et force autres.

Cependant, les assiégés, ne pouvant plus tenir la Tour Brune, percée et rompue de l'artillerie des ennemys, laissent dans une chambre voûtée une barrique de huit quintaux de poudre coubverte de paille, et ayant mis le feu au coubvert de la tour, la quittent, et par une traînée le dernier met le feu à la paille. Les ennemys advancent pour esteindre le feu, mais la poudre ayant trop tost prins, ne coubvre dans les ruynes de la tour qu'une trentaine. Un moment de délai y donnait sépulture à M. de Montpezat et à cent gentilshommes ou capitaines qui accouroient et n'en estoient pas à vingt pas. Après, ils firent la batterie contre la ville de dessus les ruines de ladite tour, mais Mrs de Thémines et de Monségur, gouverneurs, firent travailler avec tant de diligence aux retranchements, que lesdicts sieurs de Montpezat, de Pompadour et de Montluc furent contreincts de se retirer, layssant forte garnison au chasteau. De mesme firent Mrs de Thémines et de La Force, layssant ledit sieur de Monségur avec les amys particuliers de M. de Vivans dans la ville.

[…] Mrs de Rastignac, maîtres, comme nous l'avons vu, de Firbeix et de Courbefy, voulurent venger la mort de leur frère La Cousse, qui avait été décapité à Limoges ; ils marchèrent sur cette ville et firent des prisonniers dans le faubourg des Arènes et sur la place Saint-Gérald ; Chamberet profita de leur absence pour envoyer La Forêt faire une tentative sur Courbefy ; il le suivit de près, mais à son arrivée La Forêt avait déjà attaqué le fort et s'en était emparé.

Dès le mois de juin 1591, Mr de Montpezat s'en alla vers Domme pour empêcher la prise du château par Mr de Matignon, le sénéchal d'Aubeterre, de Messillac, de Thémines, de La Force, Vivans et autres seigneurs hérétiques et politiques[13] apuyant le parti contraire, ayant une forte et puissante armée à laquelle M. de Montpezat ne put résister étant faible, et toutefois malgré ses ennemis il passa la Dordogne, empêcha la prise de Castillonnès et de plusieurs petites villes du Quercy.

En la maison de ville y a grand nombre de balles tant de la grosse pièce que des autres avec trois milliers et trois cents de poudre dans les barils laquelle a été achetée à vingt huit écus un tiers le quintal de l'argent emprunté des habitants dont il y a obligation au nom du syndic de la ville.

La ville fit construire un beau corps de garde sur la muraille de la Porte Neuve, lequel était fort nécessaire parce qu'il découvre le grand chemin de l'Arsault, commande dans le boulevard, regarde sur la rivière et vers ledit corps de garde tout le pied de la muraille et des jardins, il a été bâti une échelle de pierre en arceau tout auprès dudit corps de garde pour monter sur les murailles de la ville qui étoit très nécessaire. Il y a contrat de transaction entre Jean Chancel Sr du Mayne[14].

Pendant que le roy Henri IV retenait encore le sieur de Vivans près de luy[15], à la retraite du prince de Parme, Sa Majesté trouva bon qu'il envoyast le sieur Doyssac son fils, avec une partie de sa compagnie pour se jeter dans Dome et la défendre ; attendant sa venue, il ne se passoit guères aucuns jours qu'il ne se dressast deux ou trois escarmouches entre les deux garnisons et divers combats à la campagne, les uns ne poulvant guères sortir sans faire rencontre des aultres, mais lors à cause de la cavalerie que ledit sieur de Doyssac avoit menée et ralliée dans la ville, ceux du chasteau furent plus retenus ; et deux ou trois rencontres désavantageux pour eux les y obligea.

Le sieur de Vivans arrive et porte commandement à M. le mareschal de Matignon, lors lieutenant du roy en Guyenne, de s'acheminer à Dome pour reprendre le chasteau. Il l'alla donc trouver à Bourdeaux, après avoir préparé et disposé toutes choses et mesme ses amys de deçà, le presse et tourmente de telles façons qu'il luy faict résoudre le voyage avec six canons et deux coulevrines ; mais comme il différoit son parlement de jour en jour, il luy fist, par importunité, mettre son artillerie dans des vaisseaux, en prend la conduite pur une marée; mais l'ayant là, il pourveut avec telle diligence pour la faire advancer que mondict sieur le mareschal n'en eût plus nouvelles qu'elle ne fust à Bragerac où il la rendit en asseurance avec la compagnie, et contraignit ledict sieur mareschal de s'y acheminer plus vitte que son humeur, autrement fort lente, ne requeroit. Audit Bragerac le joignirent Mr d'Aubeterre et de La Force avec toutes les autres troupes de Périgord, d'une et d'autre religion, d'où s'acheminant audict Dome il nettoya son chemin des bicoques tenues par les ligueurs, et deslivra les prisonniers qui estoient détenus dans Limeuil, sept ou huit ans devant, en nombre de plus de cent ; arriva à Dome pour recognoistre la place et le lieu de la batterie ; et pendant que ledict sieje de Vivans faisoit travailler aux plate-formes, embrasures, cavaliers, approches, il s'en alla promener en Quercy où il prit quelques petits forts avec un canon et une coulevrine ; puis estant revenu à Dome et trouvé toutes choses bien disposées, commença sa batterie et quoique l'espesseur des murailles et la haulteur du rocher empeschassent de faire brèche, si est-ce qu'estant incommodés de vivres le sieur de Giverzac demanda à capituler et se rendit vie et bagues sauves, conduict à Sarlat avec ses hommes et la place remise par ledit sieur mareschal au sieur de Vivans, par commandement de S. M. Nous croyons devoir donner quelques autres détails se rattachant à cette expédition ; ce sont des lettres de Mr de La Force à sa femme[16].

De Sciourac, 3 juin 1591[17]. — Je n'ay eu nul moïen de vous escrire et je nallay point plus avant que Trémolat ou je trouvay nouvelles asseurées de la prise de Plazac, comme vous avez pu savoir, et, continuant nostre dessein je me suis acheminé avec tout nostre équipage en ce lieu de Siourac.

Mrs de Campagnac, de St-Julien, de Badefol et de Deynac, sommes tous ensemble et partons ce matin pour nous rendre à Saint-Cernin qui n'est qu'à demi-lieue de Villefranche ; ils sont à ce qu'ils asseurent tous quatre cents soldats dedans et trente hommes d'armes, et ont toujours faict les asseurés jusques à présent qu'ils m'ont envoyé parler de composition et approchent fort de la raison; je crois que nous serons résolus danct ce qu'ils veulent faire, car nous sommes bien près les uns des autres ; Mr de St-Germain de Boissières est le négociateur. Je vous advertiray à toutes occasions; nous sommes, fort belle troupe ensemble et plus de gens de pied que je ne pensois.

De Salviac[18], mercredi 17 juillet. — Je veux vous faire part de nos nouvelles et de ce qui s'est passé depuis mes dernières qui a esté la prise d'un fort près de ce lieu de Salviac (la tour de Lentis) où Mr de Boisse a esté un peu blessé et encore que ce ne soit pas beaucoup. Mr le Mareschal n'est pas content de l’estat où il a trouvé les choses; l'on luy promettoit qu'on avoit pourveu à tout, mais il y aura de la longueur ; je pense y aller demain (à Domme). Force gentilshommes me sont venus trouver ; j'ai plus de soixante-dix maistres et déjà cent arquebusiers que je prendrois bien plus de plaisir à occuper ailleurs.

De Salviac, 21 juillet. — Tout ce que je puis ajouter à celle-ci, est que les ennemis, d'autant que je suis fort éloigné de Domme et que la plupart de nos forces étoient de delà la rivière après M. de Pompidour, m'ont fort menacé de me venir attaquer en ce lieu avec trois canons et une bâtarde qu'ils mènent, ce qui m'a faict résoudre à ne bouger d'ici et les y attendre. Voici le troisiesme jour qu'ils m'ont approché et sont logés avec tout ça à une lieue d'ici, mais ils n'ont osé me venir voir ; sans doute, je ne pouvois être secouru de quatre jours, aussi ne m'en souciois-je pas beaucoup et je vous réponds que je désirois fort qu'ils y vinssent et m'asseure qu'ils n'y eussent pas faict leurs affaires ayant toujours le régiment avec moi. J'estime qu'ils pensoient m'en renvoyer d'effroi, car ils ont escrit à plusieurs de leurs amis par dessous-main qu'ils quittassent d'ici, car sans doute, tout ce qui y estoit estoit perdu. M. le Mareschal m'escrivit au soir qu'il vouloit commencer la batterie à ce matin et que je m'y rendisse avec tout ce que j'ai de gens de cheval et de pied; mais je lui ai mandé que si j'abandonnois ce logis, les ennemis s'en saisiroient ; j'attends sa réponse.

P. S. Présentement je viens de recevoir une lettre de M. le Mareschal qui me mande d'aller seul jusque là, d'autant que les principaux du chasteau sont sortis pour capituler et qu'il n'a rien voulu résoudre sans mon avis; ils ont offert de rendre la place, si mardi ils ne sont secourus.

A la date du 31 juillet la garnison de Domme avait capitulé dans les conditions que nous avons rapportées.

[…]

pp. 454-471

ESSAI SUR LES GUERRES DE RELIGION EN PÉRIGORD (1551-1598).

(A. de Roumejoux).

 

[…] Voici une lettre d'Henri IV à M. de Bourdeille au sujet du château de Neuvic, qui, à ce qu'il parait, avait été pris par les ligueurs ; mais nous ignorons la date et les détails de ce fait. Nous n'en avons trouvé trace que dans celte lettre ; elle est extraite des lettres de Henri IV, p. 340, publiées par Berger de Xivrey.

Monsieur de Bourdeille, je vous fais ce mot pour vous dire que vous teniez la main de tout votre pouvoir à ce que l'arrest que la dame de Neufvyc a obtenu en mon conseil contre le sr de Lendave (Lenclave) soit exécuté et qu'il vuide le chasteau de Neufvyc et rende les fruicts qu'il y a prins et que vous ayez à garder ledict chasteau, comme il estoit auparavant que ledict Lenclave le prints, mettant dedans pour la conservation d'iceluy le capitaine La Vergne qui commandait avant à Grignaux ou tel autre que ladite dame de Neufvyc aura agréable sans qu'il soit permis audict Lenclave d'y rentrer ni de jouyr d'aucune chose du revenu de ladicte terre. J'affectionne celle affaire d'autant que outre qu'elle est en soy très juste, les services que j'ay reçus du feu sieur de Neufvyc méritent que jaye soin de sa veufve et de ses enfants; faictes donc en ce que je vous commande que ma volonté soit entièrement suyvie, si bien que je ne vous en escrive davantaige. Ce que me promettant, je prieray Dieu, etc..

Ce XIe de IXme à Dieppe, signé Henri.

Nous ne suivrons pas les négociations du duc de Nevers à Rome, cela ne rentre pas dans notre sujet ; nous ne nous occuperons pas non plus des révoltes ou des combats qui avaient lieu presque partout, malgré la trêve. Nous dirons seulement que déjà plusieurs personnages marquants avaient fait leur soumission au roi; quant au duc de Mayenne, il ne voulait s'accommoder avec lui, malgré les avantages qu'il lui offrait, que lorsque le pape lui aurait donné l'absolution.

Le 4 décembre 1593, le maire et consuls reçurent de M. de Bourdeille une lettre aux fins de le reconnoître comme sénéchal et gouverneur en Périgord ; il lui fut répondu qu'on ne pouvoit reconnoitre le roi de Navarre en lui tenant son parti que ledit roi de Navarre ne fut approuvé par le Saint Père et par l'église catholique, apostolique, romaine, ensemble reconnu des Etats, oing, sacré, parce qu'autrement ne pourrions nous départir de ce que le feu roi Henri dernier, décédé, nous avoit fait jurer l'édit de l'union, toutefois que lorsque Dieu auroit fait la grâce aud. Henry, roi de Navarre, d'avoir fait profession de la religion catholique, apostolique et romaine, que nous serions autant ses obéissans, humbles et fidèles sujets, comme nous l'avons été des prédécesseurs rois de ce très chrétien royaume[19].

Nous avons vu qu'après l'abjuration du roi une trêve avait été conclue entre lui et les ligueurs ; mais le Périgord ayant été oublié, la guerre y continua. Battus partout, les ligueurs demandèrent à conclure une trêve, et le 3 février 1594, 1e maire[20] et les consuls s'étant entendus avec Mr de Bourdeille, ce dernier consentit à ce que les députés des deux partis s'assemblassent à Saint-Crépin ; tous s'y rendirent, et, le 12 du même mois « fut close et arrestée la tresve parlicullière du pays de Périgort » et il fut décidé entre autres choses « la cessation d'armes et toutes autres voyes d'hostilité pour deux ans. »

Mr de Bourdeille [21] agréa et ratifia la trêve, mais la publication en fut différée de huit jours, nécessaires au sr de Montanceix[22] pour la porter à Bordeaux afin de la faire ratifier et enregistrer par le Parlement. Tout le monde sait qu'Henri IV fit son entrée à Paris le 22 mars 1594, grâce à M. de Cossé-Brissac, gouverneur de Paris et à l'échevin Langlois, qui réussirent à tromper la vigilance des Espagnols et des Seize ; bientôt les provinces se soumirent au roi. Pour ce qui regarde le Périgord, il était presque tout entier royaliste, excepté Périgueux et Sarlat qui firent bientôt leur soumission. Voici l'extrait de quelques lettres du roi à M. de Bourdeille à ce sujet :

Mr de Bourdeille, j'ay eu desplaisir de voir en vostre lettre la trahison qui a esté faitte sur l'entreprise de Périgueux et encore plus, que c'ait esté aux despends de la vie de ceulx qui sen sont meslez, mesme de cette pauvre demoiselle qui a esté une inhumanité trop barbare. Je seray bien ayse si l'occasion s'en presante que vous puissiez en avoir la revanche ; si celle de Périgueux attend d'estre la dernière, elle se rendra bien indigne de la faveur et clémence que reçoivent les aultres et que vous pourrez dextrement leur faire entendre. Il faut aussy adviser à la descharger des garnisons le plus qu'on pourra.

Du ler avril 1594, de Paris. Henry.

Nous ne savons à quoi se rapporte cette trahison dont parle le roi ; sans doute ses partisans avaient ourdi un complot pour lui rendre la ville et d'après cette lettre on voit qu'il échoua, mais le 20 du même mois la ville était prête à faire sa soumission puisqu'à cette date le roi écrivait au sénéchal :

M. de Bourdeille, j'ay esté bien ayse d'entendre par vostre dernière du 9 de ce moys la bonne résolution qu'ont ceulx de mes villes de Périgueux et de Sarlat prise de me recognoistre et se donner à mon service dont j'attribue le principal honneur au soing et à l'industrie que vous avez eu de les y amener.

Il ajoute qu'il recevra volontiers les députés de ces deux villes.

Nous avons, en notre possession, une pièce intéressante qui a rapport à la soumission de Périgueux et de Sarlat ; c'est une sorte de pétition ou plutôt de lettre collective adressée à Pierre de Fayard, seigneur des Combes[23] et de Ladosse, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi, pour le prier de demander des passeports pour les députés périgourdins qui devaient se présenter au roi pour la soumission de ces villes. Cette pièce est datée de Poitiers le 21 avril. La présence de ces députés à Poitiers s'explique très bien, comme ils le disent eux-mêmes, par le peu de sûreté que les routes offraient en ce moment, et c'est ce qui les y retenait. Nous transcrivons littéralement cette pièce :

Nous soubsignés députés et scindic du pays du Périgort, villes et communautés de Périgueux, Sarlat, Villefranche et aultres dudict pays, avons prié Monsieur des Combes de fere entendre a sa Maiesté le bon debvoir auquel ledict pays et habitans desdictes communaultés se sont mis de le recognoistre, luy obeyr et demeurer fidèles et très humbles subjects et serviteurs. La nomination quils ont faicte des-dicts députés pour aller fere la soubmission à sa Maïesté, leur acheminement, loccasion de leur retardement provenant du danger des chemins parce quils nont aucung passe-port, et enfin le doubte qu'ils font de se présenter à sa Maïesté, sans premièrement sçavoir si elle laura agréable. Et par ce, ledict sieur des Combes la suppliera d'accorder auxdicts députés sauf-conduict et passeport tant pour se présenter en court que y seiourner et sen retourner en toute seureté et quand bon leur semblera avec defances a tous indifféremment doffencer ne attaquer lesdicts députés ni aucung deux soit pour cause générale ou soubs couleur d'interest particulier quel quil puysse estre.

Et lèvera sil luy plaist deux passe-ports semblables quil fera tenir auxdicts députés par deux diverses voyes, affin quils sapprochent sil est jugé bon, sur quoy ils attendront advis. Cependant ledict sieur des Combes disposera sil luy plaist les affaires pour qu'on en puysse tirer une bonne resolution telles que tous desirent et selon quil scayt.

Faict à Poictiers ce jeudy vingt-et-uniesme avril, mil vc quatre vingt quatorze.

Martin, chantre de Périgueux,           H. de Jehan,

député du Clergé.                          premier consul de la ville

de Périgueux.

Chillaud,                                               Jonjay,

député.                                                      député.

De Labrousse,

Scindic des trois Estats du Périgord.

A la date du 11 mai, le roi écrit à M. de Bourdeille : « Le capitaine du chasteau de Montignac s'est aussi remis à mon service de sorte que voilà vostre province toute nostre. »

Le 15 mai il lui mande qu'il laisse à Paris le sieur de Montardit pour recevoir ces députés, étant obligé de partir pour la Picardie.

Le 13 juin 1594, le roi, sur la demande de Bertrand de Fayard, seigneur des Combes et de Léguillac, octroya à ce dernier lieu deux foires par an : le jour de Saint-Gilles et le jour de la Circoncision de Notre Seigneur, et un marché le lundi de chaque semaine[24].

La même année 1594, eut lieu la révolte des Croquants ou Tard-avisés[25], soulèvement de paysans qui menaçait de devenir terrible, si l'on n'eût de suite employé la force en même temps que la persuasion et la modération pour l'apaiser ; le récit de cette insurrection est tiré en partie de la Chronologie novennaire de Palma-Cayet :

Pendant que beaucoup de seigneurs et grandes villes de France avoient leurs députés à Paris, en la cour du roy pour faire leur accord, il advint un grand remuement vers le pays de Limosin, Périgord, Agénois, Qucrcy et pays circonvoisins, par un souslèvement général qui s'y fit d'un grand nombre de peuple, prenants pour prétexte qu'ils estoient trop chargés de tailles et pillés par la noblesse, principalement de quelques gentilshommes du party de l'Union qui se retiroient en leurs chasteaux, faisant de grandes pilleries sur le pauvre paysan. Au commencement on appela ce peuple mutiné les Tard-advisés pour ce que l'on disoit qu'ils s'advisoient trop tard de prendre les armes, vu que chascung n'aspiroit plus qu'à la paix et ce peuple appeloit la noblesse Crocquants, disant qu'ils ne demandoient qu'à crocquer le peuple, mais la noblesse tourna ce sobriquet de Crocquants sur ce peuple mutiné à qui le surnom de Crocquants demeura.

Il est rapporté de diverses façons comment ces peuples se souslevèrent; premièrement une multitude de peuple s'esleva dans le Limosin et faisoient un grand désordre, entr'autres ils arrachoient les vignes, brusloient les maisons et granges de ceulx qui ne se vouloient ranger avec eux, mais ayant quelque temps rodé ce pays la, le sieur de Chamberet, qui en estoit gouverneur pour le roy, assembla la noblesse, leur courut sus et les défit. Le bruit de ce souslèvement estant venu en Angoulmois, plusieurs communes s'eslevèrent aussy, mais le sieur du Masse, lieutenant pour le roy en ce pays là, en l'absence de Mr d'Epernon, assisté des gentilshommes du pays, les escarta tous et les fit retirer chascung chez soy.

En Périgord, ce fut où le souslevement fut plus fort, car ils s'unirent avec d'autres communautés de Gascogne et de Quercy qui se rassemblèrent plusieurs fois bien que le sieur de Bourdeille, gouverneur pour le roy en Périgord les chargea et desfit en diverses fois quelques troupes. On tient pour vray que ce fut un tabellion ou notaire d'une petite bourgade, nommé La Chagne (La Saigne ou La Sagne) qui estant un jour de loisir s'amusa à faire plusieurs billets en forme de mandement, contenant que les habitants du pays de Périgort eussent à se trouver avec armes à la forest d'Abzac[26] qui est deçà la rivière de Dordoigne, distante une lieue ou environ de la ville de Limeuil près d'ung lieu appelé Sainct-Dreau[27], au jour de Saint-Georges 23e d'apvril, et de le faire sçavoir de paroisse en paroisse et proche en proche, mesme que ce dict notaire envoya plusieurs de ces billets en diverses paroisses et bourgades tellement que cela courut jusques aux villes et jurisdictions dudict pays qui sont au delà de la dicte rivière de Durdoigne. Tous les habitants de ce paya là, allarmés des ravages qui se faisoient en Limosin, délibérèrent pour éviter ces maux et envoyer seulement des députés pour voir ce qui se passeroit en cette convocation et d'assemblée en ladicte forêt d'Abzac, et s'estant bien rencontrés le vingt deuxiesme d'avril au nombre de six vingts députés des dictes communautés de delà la Durdoigne, à la Linde qui est au deçà, ils partirent tous ensemble, ayant résolu d'approuver et conformer leur advis à tout ce que diroit et proposeroit le sr de Porquery, advocat de la cour et Parlement de Bourdeaux, l'un des députés de la ville de Montpazier, distant de Biron d'une petite lieue. Estant arrivés a ladicte forest d'Abzac, au lieu désigné, ils y trouvèrent sept ou huit mille hommes armés qui despées et d'arquebuses, qui d'hallebardes et pertuisanes et qui de bastons ferrés, les uns à pied, les autres à cheval selon le moyen et commodité qu'ils avoient eu de s'armer et monter, entre tous lesquels il pouvoit y en avoir de deux à trois mil qui vindrent tous au devant d'eux avec grand traict, criant : « Qui vive ! » Porquery et ceux qui estaient avec luy respondirent : « Vive le roy ! », puis s'approchèrent leur disant qu'ils venoient à l'assemblée suyvant les mandements qu'ils en avoient receus. Après avoir crié tous ensemble plusieurs foys :  «  Vive le roy ! » un qui s'estoit trouvé des premiers en celle assemblée, nommé Papus dict Pauilhac, qui estoit procureur d'office de la ville de Dans[28]; dont il avoit esté pourvu par Madame sœur du roy, commença de haranguer. Son discours fut principalement des plaintes contre ceux qui levoient les tailles et manioient les deniers du roy, contre quelques-uns de la noblesse, principalement contre ceulx qui tenoient encore le party de la Ligue. Sa conclusion fut qu'il falloit faire un scyndic des habitants du plat pays, tenir les champs pour le service du roy, contraindre ses ennemys de se mettre sous l'obéyssance de sa Majesté et de raser plusieurs maisons de gentilshommes qui ne faisoient autre chose que courir sur le bœuf et la vache de leurs voysins. Comme il achevoit ce discours, le feu sieur de Saint-Elvère[29], accompagné de huict cavaliers armés de toutes pièces, fut descouvert par quelques-uns de cette assemblée (car il estoit monté à cheval pour voir ce que deviendroit cest amas de peuple,) lesquels se désbandèrent tout aussitost enfouie, criant tous : « Aux Crocquants ! Aux Crocquants ! » et tirèrent sur luy cent ou six vingt arquebusades dont il fut contrainct de se retirer. A l'instant ledict Pauilliac commanda à un de sa troupe qu'il recognoissoit et audict Porquery d'aller après le dict de Sainct Elvère luy dire, de par la compagnie, qu'il eut à enjoindre à ses subjects de se rendre en leur assemblée pour y resouldre avec eux ce qui seroit bon de faire. Porquery pensant que ce Pauilliac avoit esté esleu par ce peuple pour commander, alla porter cette parole audict sieur de Saint Elvère, qui d'abordée luy dict qu'au contraire il le défendroit à ses subjects. Porquery luy répliqua : « L'on vous mande que si vous ne le faictes, toute la troupe se viendra ruer sur vostre terre. » Lors ledict sieur de Sainct Elvère luy ayant reparty que l'on s'en donnast bien garde et qu'il y avoit un arrest de la Cour de Parlement de Bourdeaux contre tels meneurs, Porquery luy faisant un signal d'amy et serviteur trouva moyen en luy parlant, sans que celuy qui estoit avec luy s'en aperçeust, de luy dire que c'estoit un torrent qu'il falloit laisser passer, qu'il pouvoity envoyer quelques-uns qui de parole pourroient rompre la violence de ce peuple, à quoy il s'employoit aussy de tout. Sainct Elvère ayant promis d'y envoyer, Porquery retourne à l'assemblée où les ayant asseurés de la bonne volonté du dit sieur de Sainct Elvère, ils se mirent à disner, car ils avoient porté des vivres de leurs maisons.

Après qu'ils eurent disné, Pauilliac qui estoit  un petit homme vestu fort mechaniquement, n'ayant qu'un meschant manteau et monté sans bottes sur une jument, fist assembler tout le peuple en rond en homme de commandement pour délibérer sur la proposition qu'il avoit faicte le matin ; la plus grand'part suivirent son opinion sans contredict jusques à ce que ledict Porquery, qui estoit diamétralement à l'opposite de luy et fort loing, estant venu son rang de parler, dict qu'il supplioit l'assemblée Je trouver bon s'il demandoit si elle estoit faicte par auctorité du roy ou par ses commissions ou de seigneurs qui eussent charge et commandements en ce pays. A ceste demande Pauilliac ny aucun autre de l'assemblée n'ayant rien respondu, Porquery continuant de parler leur dict : « Messieurs, voicy un vray moyen pour nous faire encourir la peyne de criminels de lèse-majesté d'avoir faict cette assemblée sans sa permission; je suys d'advis avant que l'on passe oultre, que l'on députe quelques-uns vers le roy pour luy remonstrer nos plaintes et sçavoir de luy sa volonté. » Cette proposition fut incontinent soustenue estre bonne par tous ceux quiestoient venus de delà la Dordogne avec ledict Porquery, et, à l'instant, procédèrent à eslire deux députés. Un nommé Peretane qui estoit venu sur ce poinct de la part des habitants de Saint Elvère et un nommé Mécénas qui estoit de Limeuil (absent de ladicte assemblée), furent esleus. Ce faict, ledict Pauilliac, faisant du commandeur se desbanda et traversa droit audict Porquery et l'empoignant par son manteau, le présenta au milieu du rond et dict tout haut ; « Je n'en sache point de plus capable d'aller vers le roy que cestui-cy, qui en a faict la proposition. » Ce qu'il dict de telle affection que chacun suivit son opinion et désignèrent encore Porquery pour accompagner les deux autres.

Avant que de se séparer, ils résolurent que les principaux des jurisdictions et des paroisses se trouveroient le mardy ensuyvant à Limeuil, avec mémoires particuliers de ce qui debvoit estre remonstré à Sa Majesté ou ne s'estant trouvé qu'un seul des susdicts esleus députés, l'un estant absant du pays pour ses affaires et Porquery n'y estant point retourné, ils arrestèrent néantmoins que ce dernier feroit le voyage avec le dépulé présent.

Depuis, il se fît une autre assemblée eu un lieu escarpé appelé la Bécède, au delà de la Dordoigne, près de Campagnac de Ruffenc où il se trouva autant et plus de gens et de la mesme qualité que ceux de la première qui se fist à la forêt d'Abzac. Les dictes assemblées se firent toutesfois sans foule, oppression n'y dommage de personne, ou chacun portant ses vivres et se retirant le mesme jour. En cette dernière assemblée ne fust arresté ny proposé autre chose, sinon que les derniers esleus députés pour aller vers le roy s'achemineroient au plustôt et que cependant, chacun se contiendrait chez soy, attendant leur retour.

Sur cette asseurance ledict Porquery et son co-député s'acheminèrent vers la ville de Paris et y arrivèrent le dimanche devant la Pentecoste (22 mai) où ils présentèrent au Conseil du roy une requeste attachée à leur procuration, remonstrant à Sa Majesté que lesdictes assemblées avec armes n'avoient jamais tendu qu'au bien de son service en considération de l'Estat et repos public, se plaignant au surplus de la foule et oppression qu'ils avoient receu et recevoient tous les jours à cause de la guerre, des grandes tailles qu'ils estoient obligés de payer à Sa Majesté et au party de la Ligue, avec plusieurs plaintes contre les receveurs et autres, ayant la charge et mouvement des deniers royaux, contre la noblesse, qui pour subvenir a une plus grande despense que ne vaut leur revenu, estoient contraincts de vexer leurs subjets et contre ceux principalement qui tenoient encore le party de la Ligue et commettoient toutes sortes de maux, détenant prisonniers grand nombre de personnes dans leurs chasteaux, les soumettant à toutes sortes de géhennes, et cruautés pour en tirer plustost rançon, mesme qu'il apparoissoit par plainte particulière que quelques uns avoient percé les pieds avec un fer chaud à ceux qu'ils tenoient prisonniers. La fin de la dicte requeste estoit un pardon pour avoir faict des assemblées avec armes sans permission, la suppression d'un nombre d'officiers superflus et principalement de ceux qui manioient les deniers du roy, le rabais des tailles, permission d'eslire un syndic d'entre les habitans dudict plat pays et de tenir les champs pour courir sus et contraindre les ernemis de sa Majesté ù se soubsmettre à son obéyssance. Laquelle requeste, en ce qui regardoit le pardon d'avoir faict assemblée avec armes sans permission, fut entérinée avec commandement de poser les armes dans la Sainct-Jean, et sur la suppression requise desdicts officiers il  fut respondu que sa dicte Majesté y pourvoiroit. La création dudict syndic fut déniée ; la surséance des tailles de ladicte année ordonnée et sur le surplus des plaintes, le sieur de Boissize, maistre des requestes, fut député  pour les entendre. Pendant que ceste poursuitte se faisoit au Conseil du roy, le peuple et la noblesse pour des injures receues les uns des autres ne se pouvant contenir en paix, le peuple s'assembla de rechef et la maison et chasteau de Sainct-Martial en Périgord, près du pays de Quercy, à une lieue de la ville de Gourdon, fut environnée et fist-on effort de la prendre soubs prétexte que le seigneur d'icelle avoit battu ou faict desplaisir à quelques paysans. Ce seigneur eust  couru hasard, n'eust esté que quelques qui avoient des commodités et de l'esprit, se meslèrent parmy ce peuple et arrestèrent sa fureur.

Toutesfoys nonobstant l'asseurance donnée à leurs députés de se tenir en paix, ils firent deux chefs qu'ils appelèrent colonels sous lesquels fut faict une assemblée de trente-cinq à quarante mil hommes à une lieue près de la ville de Bergerac, à un lieu appelé La Boule.

Porquery et son codéputté de retour, ils firent faire lecture et publication tant de la dicte requeste présentée à sa Majesté, que response dudict conseil en la ville de Limeuil, en présence des principaux habitans et de plusieurs députtés des villes, jurisdictions et paroisses dudict Périgord, assemblés dans ladicte ville, à ces fins où il fust arresté que suivant le commandement et volonté de Sa Majesté, chascung se contiendroit chez soy sans se plus assembler davantage. Néantmoins quelque temps après, les communes faisants encores semblant de se vouloir souslever[30] pour les violences qu'ils recevoient d'aucuns de la noblesse, ledict sieur vicomte de Bourdeilhe fust trouver M. le mareschal de Bouillon qui s'estoit rendu audict Limeuil pour avec son advis pacifier telle sorte de troubles; il fust arresté là avec luy quil seroit faict assemblée des communautés dudict pays en la ville de Montignac-le-Comte, laquelle se fist trois sepmaines après, ou ledict sieur mareschal de Bouillon et ledict vicomte de Bourdeilhe se trouvoient avec grande quantité de noblesse et où assistèrent aussy plusieurs députés des communautés de la ville de Périgueux, de Sarlat, Bergerac et quelques autres, en laquelle assemblée ledict sieur mareschal de Bouillon commanda au sieur de Champagnac qui pour lors suyvoit ledict sieur de Bourdeilhe, et qui de présent est maistre des requestes ordinaire de la royne Marguerite, de représenter à l'assistance les raisons de leur convocation. Après que lesdictes communautés eurent dict leurs plaintes, il fut résolu que supplications très humbles seroient de rechef faictes au roy de pourveoir aux plaintes du peuple comme depuis sa Majesté fist, en leur remettant les arrérages des tailles et subsides qui leur avoient esté imposées auparavant et furent par là ces révoltes appaisées.

Voici la lettre d'Henri IV, dont nous avons parlé plus haut, par laquelle il annonce l'arrivée de M. de Boissise à M. de Bourdeille et lui donne ses instructions.

Monsieur de Bourdeilhe, j'envoye le sieur de Boissize, conseiller en mon Conseil d'Estat, en mes pays de Limosin, Périgort et Xainctonge, avec charge et commission d'ouïr les plainctes et doléances des peuples soubslevés esdicts pays et d'y pourveoir par la voye de justice, en quoy je luy ay expresssemment recommandé de tenir toujours bonne intelligence et correspondance avec vous, comme de vostre part je vous prie de l'assister de tout vostre pouvoir au faict de sa dicte charge ; je désire s'il est possible que ce mouvement et désordre se compose par la douceur et que lesdicts soubslevés se recognoissent et posent les armes, en quoy je vous recommande d'apporter tout ce qui despendra de vous et croire ledict sieur de Boissize en ce quil vous fera entendre de ma part, comme vous feriez à moy-mesme, sur ce je prie Dieu, M. de Bourdeilhe, vous avoir en sa saincte garde. Escript à Sainct-Germain en Lave, le 11 de mars 1594.

Signé: Henry, et plus bas Forget[31].

Le 18 avril, le procureur général du Parlement de Bordeaux, de Saignes, mande au roi les progrès que font les Croquants en Périgord et les dangers qu'il y a à tolérer leurs assemblées ; le Parlement a prononcé contre eux plusieurs arrêts, mais il craint que cela ne suffise pas et qu'il ne faille l'entremise de ceux qui ont la force en main.

Nous avons trouvé à la Bibliothèque nationale, dans les papiers Leydet et Prunis, un extrait du Livre Noir de la ville de Périgueux ayant trait à cette révolte ; cet extrait est d'autant plus précieux que le Livre Noir est perdu. Nous le donnerons entièrement sans chercher à le relier plus ou moins adroitement à ce qui précède ; on reconnaîtra, en le lisant, qu'il était utile de donner séparément ce récit pour être complet.

En la dite année, le peuple du plat pays de Limosin et de Périgord se leva et prit les armes, disant qu'on l'avoit trop oppressé de subsides, de façon qu'on avoit fait à Bergerac, à Grignols, Excideuil et autres lieux, plus de 200 paysans prisonniers pour les tailles. Les gentilshommes les faisoient travaillera leurs héritages sans les payer, ce qu'ils ne vouloient plus souffrir, et pour l'empêcher s'assemblent en plusieurs lieux du Périgord, en diverses fois, au nombre de douze à quinze mille hommes, et les paroisses qui étoient commandées qui ne se tenoient au lieu de l'assemblée, le peuple alloit sur le lieu les ravager, arracher les vignes, blés, etc., et s'approchèrent de plusieurs maisons de gentilshommes pour les assiéger, lesquels furent contraints de composer avec eux et de leur octroyer une partie de ce qu'ils demandoient.

Le 15 mai, une partie dudit peuple du plat pays qu'on appeloit Croquants ou Tard avisés, s'assembla près d'Atur au nombre de quinze mille hommes environ, vinrent cedit jour jusque près Saint-Georges où étant envoyèrent en cette ville un nommé Lavergne, vers Mr le maire et un nommé Gelin de Saint-Sever, lesquels disoient avoir charge dudit peuple proposer ce qui les avoit induits à s'eslever. Le maire[32] et les consuls envoyèrent quérir au port de Tournepiche, M. de Marqueyssac, juge-mage, M. de Gravier [33] et autres notables pour avoir la créance de leur faire réponse. Lesquels députés dudit peuple dirent qu'ils s'étoient eslevés pour empescher les exactions et subsides que les voleurs et gens de guerre leur faisoient payer et qu'ils estoient résolus de ne le souffrir plus, ni vouloient souffrir les exactions des gentilshommes, qu'ils prioient lesdits maire et consuls leur bailler conseil, les assister et se joindre à eux, qu'ils leur obéiroient, estant la ville de Périgueux capitule et chef du Tiers-Estat, qu'on leur prestât les canons sous caution et otages pour aller assiéger Grignols auquel lieu force voleurs se retiroient, et de fait qu'en ces guerres passées ceux de Grignols avoient fait mourir en leurs prisons plus de cent hommes, qu'ils vouloient prendre lesdits voleurs de Grignols; sur ce, leur fut répondu qu'ils dévoient se retirer en leurs maisons et faire dresser leurs plaintes pour les adresser au roi qui leur feroit raison, qu'on ne leur pouvoit prêter les canons, car ce seroit crime de lèse-majesté de faire rouler canons par pays sans ordre des supérieurs ; ils disoient aussi qu'il y avait des prisonniers dans le consulat, il leur fut répondu qu'il n'y en avoit aucun pour tailles et qu'on ne leur bailleroit quartier et qu'ils songeassent enfin à se retirer. Le lendemain, ce peuple alla loger aux environs de Grignols et ne voulut déloger audit lieu que lesdits sieurs de Lamothe et de Laborie, voisins dudit Grignols, ne leur eussent promis que Lavergne, commandant de Grignols, élargiroit les prisonniers et après qu'il videroit le château. Le peuple s'assembla aussi en grand nombre vers le côté d'Excideuil, lesquels en assiégèrent le château à même fin que dessus, lequel château fut rendu au sieur Des Cars. Le 5 juin, Jean Joulion, habitant de Lasmarie[34] paroisse d'Agonat, et Gourdier du Vigier, juge d'Agonat, portèrent une lettre aux consuls de la part des communes assemblées qui étaient logées à Trélissac, Champsevinel et autres lieux, et qui demandoient l'élargissement des prisonniers pour les tailles ; on répondit qu'il n'y en avoit pas. Une autre troupe alla se loger entre Château-l'Evêque et Eliras[35] au nombre de près de dix mille hommes, prirent la ville de Lisle et en chassèrent les soldats qui gardoient le château; après cela, leurs chefs les appelèrent à une grande assemblée qui devoit avoir lieu à Bergerac, à la Boule.

Nous avons vu, eu effet, dans le récit de Palma-Cayet que cette assemblée s'éleva à près de quarante mille hommes, les uns armés, les autres presque nus, presque tous sans chausses ni souliers.

M. de Bourdeille fut en personne leur remontrer leur faute et leur fit lever la main qu'ils n'entreprendroient rien contre le service et l'autorité du roi ; mais ils ne tinrent guère leur promesse, car excités par La Saigne, ils menaçoient de s'emparer de Périgueux, de détruire la noblesse et d'être francs de tout ; les métayers même levoient la tête contre leurs maitres, surtout aux paroisses de Bassillac, Saint-Laurent et autres, près de la ville où leur brutalité fut telle qu'ils entreprirent plusieurs fois arrêter les vivres qu'on portoit en la ville.

La cour de Bordeaux avertie donna plusieurs arrêts, portant ordre de laisser les armes et aux gentilshommes n'entreprendre lever autre chose que leurs droits accoutumés, enfin, par autre arrêt, il fut enjoint à M. de Bourdeille réprimer par force ces émotions.

M. de Bourdeille s'entendit avec le maire et les consuls pour aviser de faire cesser pacifiquement ces troubles ; il fut convenu avec les chefs insurgés La Saigne et autres qu'ils auroient pour s'entendre une entrevue au château de Rognac (8 août) ; le maire leur adressa des remontrances par lesquelles il leur faisoit voir les dangers auxquels ils s'exposoient de se révolter ainsi contre le pouvoir du roi et contre la sûreté de la ville ; que s'ils avoient à se plaindre ils n'avoient qu'à envoyer des députés vers le roi pour lui porter leurs plaintes ; ils parurent se rendre à ces exhortations, promirent de ne plus se réunir, lesquelles promesses le sénéchal voulut avoir en sa possession, le 15 du même mois, signées des colonels ; autrement il se mettroit aux champs.

Le lendemain, le sénéchal allant à la Borie-Saunier, lui troisième étant vu par les habitants du bourg de Champagnac, dont ledit sieur de Laborie est seigneur, ceux qui étoient dans l'église battent le tocsin estimant, comme depuis s'excusèrent que ce fut parti de chevaux de quelque compagnie qui étoit près d'eux ; ce fut cause de la rupture de tout.

Le dimanche, nonobstant ce et le mardi 15, les chefs du peuple envoyèrent les articles que Bourdeille avoit demandés, et signés par eux. Ledit Bourdeille sur ce demanda aux maire et consuls deux pièces, balles et munitions qui lui furent accordées, puis il fut prié par le premier consul qui alla vers lui, parce que les fruits étoient encore dans les champs entre les mains de ce peuple irrité que pour laisser moyen aux habitants de retirer leurs vivres, il lui plût différer sa sortie, jusqu'au 25, ce qu'il accorda.

Le samedi, M. de Bourdeille mena toutes ses troupes composées de 800 à 900 hommes de pied et de 140 chevaux devant le bourg de Négrondes[36] qu'il emporta du premier abord, quoique dedans il y eût plus de douze cents arquebusiers et que le lieu fût barricadé bien avantageusement ; toutefois cette populace n'eut le cœur de rendre la moindre résistance, mais seulement après avoir fait une sortie de soixante arquebusiers, iceux étant repoussés, les autres tiroient tous à la fois et incontinent abandonnèrent leurs barricades il fut tué des assaillants environ vingt soldats et un gendarme blessé dans le bourg; y eut peu de paysans tués parce qu'à la foule ils s'étoient retirés dans la ville et dans une vieille tour carrée, dont le lendemain ils sortirent, s'étant rendus à discrétion qui fut que tous furent désarmés et deux chefs pendus.

Le lendemain, M. de Bourdeille séjourna vers Sorges[37], de là vers Sarliac[38] et Bassilhic[39] qui avoient été abandonnés ; sur ce, lesdits maire et consuls voyant qu'il n'y avoit moyen de traiter les troubles que par rigueur de crainte qu'on ne les blàmat d'avoir suscité le vicomte de Bourdeille, dépêchèrent homme exprès vers Mrs du Parlement et un autre vers Matignon et leur envoyèrent les articles que les chefs du peuple avoient signés ; sur quoy la cour députa M. de Fayard[40], conseiller en icelle , vers ledit Bourdeille, commanda au sieur de Marouate de l'accompagner et assister ; ledit Fayard arriva le 24 dudit mois à sa maison de la Chabrerie, et le même jour les sieurs de la Brangelie et de La Borie-Saunier[41] par ordre dudit Bourdeille vinrent pour sortir les pièces qui ne se trouvèrent prêtes parceque le capitaine La Rivière qui s'en éloit chargé s'en étoit allé laissant quelques ouvriers qui n'avoient mis que bien peu de diligence.

Le lendemain 25, ledit sieur de Fayard arriva dans la ville, fut trouver M. de Bourdeille avec La Brangelie et La Borie-Saunier et après avoir parlé avec lui, ledit maire et les consuls délivrèrent les pièces qui leur furent demandées, poudre et balles.

Le même jour s'étant présentés trois ou quatre mille arquebusiers pour secourir ceux de Saint-Crépin[42] resserrés par ledit Bourdeille, quoiqu'ils fussent avoisinés d'un bois fort épais et de profonds chemins et hayes, furent mis en déroute par quarante ou quarante-cinq chevaux sans aucune ayde des arquebusiers ; le jour de devant, quinze cents arquebusiers de ce peuple étant reconnus par ledit Bourdeille dans le bois furent mis en déroute par ledit Bourdeille, sans rendre autre combat, par quarante chevaux et cinquante arquebusiers ; aux deux rencontres il mourut cent ou cent vingt paysans; du coté du sieur de Bourdeille, mourut seulement le jeune sieur de Longa de la Barrière, âgé de dix-huit ans et un autre gentilhomme appelé La Filolie. Le reste de ce peuple et ceux qui étoient dans le bourg de Saint-Crépin, favorisés de la nuit, se retirèrent de çà de là; ce fut la fin de ce soulèvement qui avoit fait voir aux champs plus de quinze mille hommes. Le sieur de Bourdeille résolut de suivre les paroisses et de les désarmer ; toutefois le 21 dudit mois arriva un gentilhomme de Matignon avec des lettres, qui trouva M. de Bourdeille à La Douze, lequel rompit soudain ses troupes.

Malgré la rédaction du Livre Noir qui termine brusquement le récit de cette révolte, ce n'en fut pas la fin; car une lettre de Marguerite de Saint-Astier, épouse de Jean Foucauld de Lardimalie, au receveur de la terre des Bories, nous apprend que le 4 septembre il fallut assiéger Condat, qui fut emporté d'assaut. Les chefs des Croquants se décidèrent alors à faire leur soumission.

La correspondance du roi avec le sénéchal témoigne du souci que ces troubles lui donnaient; il recommande la douceur et la patience pour réprimer cette révolte ; il ne veut pas supporter la désobéissance, mais il ne veut pas non plus que ces paysans soient trop durement traités.

Le Bulletin de la Société de l'histoire de France a publié deux pièces qui se rapportent à cette insurrection ; la première est une circulaire adressée par les paysans rebelles aux officiers qui commandaient dans les diverses châtellenies situées sur leur passage ; elle commence ainsi :

« Messieurs, nous vous tenons au nombre des gens de bien, c'est pourquoi incontinent la présente reçue nous vous prions vous armer, joindre et opposer avec nous contre les pernicieux desseins des ennemis du roi notre sire, et les nôtres, mesmement aux greffes des inventeurs de subsides, voleurs, leurs receveurs et commis, fauteurs et adhérens. »

Et plus loin :

« Protestons devant Dieu que nous recognoissons nostre roy nous estre donné de Dieu et que de droit divin, naturel et humain la couronne de France luy appartient et qu'il nous fault vivre et mourir pour son service... Vous assurant qu'il y a en ce pays grand nombre de seigneurs et gentilshommes sans reproche, qu'ils nous ont promis toute assistance contre lesdits voleurs..., etc. et que nous tiendrons la main à une aussi bonne et saincte occasion, etc. »

La circulaire se termine ainsi :

« A ces causes ne ferez faulte de vous armer et tenir prests, autrement vous nous aurez sur les bras trois jours après la réception des présentes pour y estre contraincts par la rigueur des armes comme faulteurs desdits voleurs et inventeurs de subsides; faict le second jour de juin 1594. Vos bons frères et amis les gens armés des trois Estats du pays de Quercy, Agenais, Périgord, Xainctonge, Limosin, haute et basse Marche, etc.

La seconde pièce est une convention des nobles du Périgord pour défendre le service du roi ; les signataires y proclament que :

«  Les rebelles se sont eslevés contre tout droit divin et humain en ce qu'ils ont voulu renverser la religion, ne payant pas les dixmes ordonnées dès le commencement du monde pour le service de Dieu... qu'ils ont voulu renverser la monarchie et establir une démocratie à l'exemple des Suisses... »

Ils jurent ensuite devant Dieu d'oublier toutes leurs querelles. ..

Estant montés à cheval contre les Croquants... de se tenir ensemble partout ou l'ordonnera M. de Bourdeille pour faire obéir ceux qui n'auroient pas obéi à sa déclaration, et enfin de venger aussitôt, toutes choses laissées et sans prendre aucune excuse, celui d'entre eux qui seroit offensé par les rebelles, et s'ils ne le peuvent de leurs personnes, les signataires s'engagent d'envoyer des gens armés à leur place.

Les gentilshommes qui s'engageaient par cet acte sont presque tous des Sarladais.

Nous ajoutons à ces documents une lettre de M. de Bonond, conseiller au Parlement, à M. de La Force ; elle est datée du 4 août 1594 :

Je laisse toutes autres particularités et vous dirai que je fis entendre votre intention et promesse touchant les Croquants à messieurs de Lors[43] et de Lamothe-Fénelon qui me résolurent assurément que vous trouverez M. de Thémines autrement disposé à ce sujet avec de bons et roides moyens, ne méprisant nullement cette affaire et la tenant d'une grande importance; je vous envoie leur arrêté du 4e de juillet; je n'ai pu entendre le dernier avis pris à Trémolat le dernier juillet; certes, Monsieur, il faut que je vous le dise et assure, de mon temps je n'ai vu entreprise si folle ni si pernicieuse que la leur, ni si dangereuse, ni de si périlleuse conséquence. Je pense qu'il n'y a gentilhomme du Périgord moins récusable que moi au jugement de leur cause, car tout le monde sait que je n'ai jamais eu querelle ni dispute en mon pays pour une occasion quelconque que pour la leur et cependant que j'ai eu tout seul tout ce pays sur mes bras, tout un temps. Je ne craindrai de vous adresser que j'ai trouvé toute la noblesse catholique et autres si disposés à monter à cheval et à les rompre qu'ils en brûlent d'ardeur. J'ai un peu retardé cette affaire jusqu'à ce que je vous l'eusse faite entendre ; monsieur de Beynac y prend une peine incroyable et, selon son calcul, ils sont assurés de quatre cent bons chevaux et je ne le trouve faux ayant d'assurance messieurs de Thémines et de Messillac ; ils n'avertiront M. de Bourdeille qu'étant à cheval et sont résolus de vous tenir pour chef en cette entreprise si vous le trouvez bon ; cela vaut fait, car ils ne veulent un sabot pour leur chef. De votre vie il ne se passera chose plus louable par vos mains, plus juste et là où il faille plus de prudence; je vous y convie avec beaucoup de raisons bien digérées et épluchées, car sans votre présence il pourra y avoir et de la cruauté et de l'imprudence, puis après très malaisée à rhabiller.

Je sais davantage que La Saigne a averti tous ses amis que Bergerac était leur, en ce, tant d'assurances et de promesses qu'ils n'en font nul doute. Certes tout Bergerac ne vaut ni au roi ni à nous ; cette ville là vous la perdez tout net sans une grande diligence accompagnée d'une grande providence. Je n'ai loisir de garder un double de celle-ci, je vous prie de la garder et ne croyez que vous pouvez vous exempter de travail ni de dépense, ou vous et nous recevrons un grand hurt.

Les députés à une assemblée des protestants à Sainte-Foy pour les affaires de leur parti; ont résolu beaucoup de choses, le tout sous le bon plaisir du roi vers lequel ils envoient le pauvre monsieur de Chouppes qui avoit une grande peur que je me trouvasse à l'assemblée et aussi Me Lambert, le minisire, et quelques autres résolus que si je m'y fusse présenté sans bonne charge, qu'ils m'y eussent fait un affront.

(A suivre).                                        A. de Roumejoux.

 

pp. 500-503

COMMISSION DU ROI LOUIS XIII AU CAPITAINE DE SIZEAULT

(22 septembre 1628).

(A. VIGIÉ).

I.

Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à nostre cher et bien aimé le capitaine Sizeau, exempt d'une compagnie de nos Guardes du corps soubz la charge du sieur comte de Travers, salut.

Sur les advis quy nous ont esté donnés par nostre très cher et bien aymé cousin le duc d'Epernon, gouverneur et notre lieutenant-général en Guiene, des pratiques et menées quy se font entre nostre service et nostre province par aucuns de nos subjects de la Religion prétandue reformée, lesquels s'assamblent es maisons et chasteaux de Lanquay, Limeuil, Badefou, et en celles des sieurs de Brezols, de Benac et autres, et que les principaulx instruments et autheurs des dites factions et menées se sont retirés et réfugiés en aucunes des dites maizons, à quoy voulant pourvoir etempescher les inconvénients quy pourroient arriver de samblables entreprises, A ceste cause nous vous avons commis et ordonné, commettons et ordonnons par ces présentes signées de nostre main, pour vous transporter avec dix archers de nos guardes en la plus grande diligence que faire se pourra en nostre province, au lieu où sera nostre cousin le duc d'Espernon, pour selon l'ordre qu'il vous dannera faire commandement de nostre part à ceulx quy sont dans les mayzons et chasteaux de Lanquay, Limeuil et Badefou, comme aussy en celles des dicts sieurs de Brezols, de Beynac et aultres, où se font semblables assemblées, de vous les remettre entre les mains pour en prandre la guarde et y establir en chascune d'icelles ung des dits archers pour la conserver en nostre nom et soubz nostre obéyssance, mesme quelque nombre de soldatz selon qu'il sera jugé nécessaire par nostre cousin pour y demeurer jusques à ce que par nous en ait été aultrement ordonné, voulant en outre que vous informiez bien et duement des dites assemblées, pratiques et menées, quy se font es dites maizons et chasteaux contre nostre service, faisant apréhander sy faire ce peut, sy ça na esté faict, les autheurs et coupables d'icelles pour les remettre entre les mains de la justice, affin que le procès leur soict faict et parfaict selon la rigueur de nos édicts et déclarations, et pour ce faire vous donnons pouvoir, commission et mandemant spécial par ces présentes, pour l'exécution des quelles mandons à nostre cousin le duc d'Espernon vous donner toute l'assistance et main forte dont vous pourrez avoir bezoin, en sorte que l'obéyssance nous soit randue et à tous noz officiers et subjects et que vous ce faisant soit obéi, car tel est nostre plaisir.

Donné au camp devant La Rochelle, le vingt-deuziesme de septembre, l'an de grâce mil six cent vingt et huict et de nostre règne le dix neufiesme.

Au dos : Commission du Roy bailhée à Monsieur de Cizeaux exant des Guardes du Roy 1618 [pour 1628].

 

II.

Instruction donnée par Monseigneur le due d'Espernon au sieur de Sizeault, exempt des Gardes du corps du Roy, envoyé par icelle en ceste province, pour s'assurer de quelques maisons et chasteaux situés dans le Perrigort et les placer soubz la main de sa Majesté.

Le dict sieur de Sizeault partant dicy s'en yra à Bergerac où il trouvera le sieur de Bachor (?) commandant pour le service du Roy en l'absence de mon dict seigneur dans la dite place et luy randra une lettre de mon dict seigneur, par laquelle luy ordonne d'assister le dict sieur de Sizeault de tout ce qu'il aura besoingt de luy pour l'exécution des volontés [divers ordres] de sa Majesté et de sa com­mission.

De là il prendra le chemin de Badeffol, s'adressera à la personne du lieu pour luy faire entendre les commandements qu'il a de sa Majesté de s'assurer de sa maison, dans laquelle sa dite Majesté a esté advertie qu'il auriet donné retraicte à ses ennemys et qu'illy seroient encore le juge et le ministre de Lencays, qui ont assisté à leurs brigues, duquel ils ont esté participants [et se sont meslés] auxdites menées qui ce sont faictes dans ce pays-là contre le service de sa Majesté, mesme de l'entreprise qui a esté faicte sur les [consuls] dudit Bergerac, et pour empescher que dans ladite maison de Badeffol il est et puisse à l'advenir presser autant quy puisse apporter du préjudice au service de sa dite Majesté, il laissera ung des archers qui l'acompagne et avec quelques soldats de la guarnison dudit Bergirac ; lesquels seront nourris aux despans de la terre dudit Badefol.

Ledict sieur de Sizeaut, après avoir pourvu de la sorte à cette place, s'en yra à Limeul, où il trouvera le sieur de Rigniac, luy fera entandre l'ordre qu'il a du Roy de s'assurer du chasteau dudit Limeul et y laissera ung archer avec les soldats qu'il jugera à propos, pour prandre guarde à la place desquels il pourra pareillement six de la guernison de Bergerac, pour estre plus assurés et moingts suspects au service de sa Majesté que ceux qu'il pourroit lever dans le pays, lesquels seront nourris aux despans de la terre de Limeuil. Il pourra s'en aller à Castelneau des Mirandes et fera entandre au sieur de Castelnaud que Sa Majesté ayant esté advertye qu'il c'estoict faict des assamblées dans sa maison, elle lui faict défiances très expresses de permettre plus semblables choses à l'advenir, attendu qu'elles sont préjudiciables au bien du royhaume et au repos de la province.

Pourvoyra aussy au chasteau de Lencayx en y laissant ung de ses archers avec le nombre de soldatz qui luy samblera nécessaire, lesquels seront nourris aux despans de la terre.

Après avoir ainsi donné ordres aux susdictes places, il s'en ira à Beynac, parlera au sieur et baron dudit lieu de Beynac, luy fera entandre l'ordre qu'il a du Roy de s'assurer de sa maison, pour empescher qu'à l'advenir il ne s'y fasse rien qui puisse préjudicier au service de sa dicte Majesté, ny altérer le repos du pays, et pour cest effect y establira pareillement ung autre de ses archers, avec le nombre de soldats qu'il advizera, quy serront aussy nourris aux despans de la terre.

Fera entandre les mesmes choses au sieur de Brazolles et laissera pareillement ung archer, avec des soldatz, tant dans la maison de Brazolles que dans celle de Carlux, quy serront nourris aux despans desdites terres.

Et d'aultant que lesdits sieurs de Brazolles et de Beynac sont accusés d'avoir assisté les ennemis de sa Majesté, d'avoyr heu part à leurs pratiques et assamblées, et qu'ils donnent de grandz ombrages à tout le pays sirconvoisin, ledit sieur de Sizeaut leur fera commandement, de la part de Sa Majesté, de se randre auprès d'elle pour luy randre compte de leurs actions, fera une exacte recherche dans toutes leurs maisons pour voir s'il y pourra trouver quantité d'armes et de munitions de guerre, mondict seigneur ayant esté adverty de divers lieux qu'il en auroit esté retiré quantité dans lesdits lieux pour en assister la rébellion [et qu'il y en faisriet faire]. Ledit sieur de Sizeaut, ayant ainsi pourveu aux choses susdicles, en donnera advis à mondict seigneur et des choses qui luy suront nécessaires pour l'exécution des volontés de sa Maiesté, afin que s'il s'y rencontre quelque difficulté, à laquelle il ne puisse estre remédié par ledit sieur de Sizeaut, avec l'assistance dudit sieur de Bachor, mondit seigneur mcsmcs y puisse employer ce quy dépandra de l'authorité de sa charge.

Et afin que dans ledit pays il ne puisse rien survenir dores en avant dont le service de sa Majesté puisse recepvoir du préjudice et de quoy elle ne puisse estre informée et mondict seigneur aussy pour y remédier, ledit, sieur de Sizeaut aura le soing d'aller de temps en temps aux lieux mesmes où il aura estably ses archers et le fera informer de ce qui en pourront apprendre, emportant un préjudice de sa Majesté pour en adverlir mondit seigneur, qui y donnera l'ordre et les remèdes qui dépandront des pouvoirs et des devoirs de sa charge et en donnera advis à sa Majesté.

Et sy ledit sieur de Sizeaut ayme mieux prandre des soldats du pays ou d'allieurs pour les mestre dans lesdites maisons que de ceux de la garnison dudit Bergerac, il le pourra, faire avec [solicitude], ainsuy qu'il advizera pour le bien du service de sadite Majesté.

Faict et ordonné le premier d'octobre mil six cent vingt et huict.

Pour copie conforme : A. VIGIÉ

pp. 543-566.

ESSAI SUR LES GUERRES DE RELIGION EN PÉRIGORD (1551-1598).

(A. de Roumejoux).

1594. — A son retour d'un voyage en Béarn où le roi l'avait envoyé, M. de La Force, sur les instances des habitants de Bergerac dont il était gouverneur, alla les rassurer, et moitié par la voie des raisonnements, moitié par les armes, il dissipa ces bandes sauvages[44] qui se ruaient sur les châteaux et ravageaient les terres de la noblesse.

Nous devons à l'obligeance de feu Léon Lapeyre, ancien bibliothécaire de Périgueux, l'arrêt suivant du Parlement de Bordeaux, qu'il avait extrait d'un registre du greffe de la sénéchaussée qui se trouve aux Archives du département :

Veu par la court les lettres missives signées La Saigne, en dacte des vingt sixiesme de juillet dernier et septiesme de ce moys, escriptes de la Douze, adressantes l'une aux habitans de la jurisdiction de Montances et de Sainct Astier pour se trouver au lieu de Trimoulat, en l'assemblée prétandue des chefs du tiers estat du Périgort, et laultre aux maire et consuls de la ville de Périgueux, contenant sommation de se joindre avecq le tiers estat du pays de Périgort, soubs prétexte de courir sus aux rebelles et de faire serement et union ensemble, aultrement qu'ils y seroient contraincts, avecq aultre missive des maire et consuls de la ville de Périgueux, adressée aux advocats et procureurs-généraux de ladite court, par de Mallet pour le procureur-général du roy, et luy ouy, qui auroit représanté le danger de telles assemblées faictes sans l'autorité du roy, et tendant à une nouvelle ligue contre les esdicts du dict seigneur et proybitions cy devant faictes par les arrêts de ladicte court, requérant y estre pourveu.

Ladicte court a faict et faict inhibitions et deffances à tous subjects du roy en quelque estat, callité et condition qu'ils soyent, mesme aux villes, communauttés dudict pays de Périgort, de se joindre aux dictes assemblées fayctes soubs le nom prétandu du Tiers-Estat, ou des chefs prétandus d'icelluy, à peyne dancourir crime de lèse-majesté, et enjoinct audict sieur de Bourdeilhe, seneschal de Périgord, employer l'authorité qu'il a en sa main et les forces du roy pour empescher, séparer et dissiper audict pays telles assemblées, et aux officiers du roy auxdicts sièges de Périgueux, de Sarlat et aultres magistrats et juges royaulx, den informer dilligemment et procéder contre les coulpables suyvant les esdicts du roy. Le présant arrest sera envoyé audict sieur de Bourdeilhe, ensemble auxdicts sièges, leur enjoignant icelluy faire publier et signifier partout ou il appartiendra, et certifier la Court du debvoir qu'ils y auront faict dans la quinzaine, et néammoins ordonne ladicte Court que lesdicts La Saigne, notaire audict lieu de la Douze, Mignot et Papus, soydisant chefs et cappitaines du tiers estat, apparoystront en leurs personnes en ycelle, pour respondre aux fins et conclusions dudict procureur-général du roy et aultrement procéder ainsin qu'il appartiendra, et sera le présant arrest exécuté en vertu du simple dicton d'icelluy sans lever aultre commission on forme, attendu la mathière dont est question.

Faict à Beurdeaux, en Parlement, le treiziesme d'aoust mil cinq cens quatre-vingts et quatorze.

A esté le susdict arrest leu et publié en l'audiance, ouy et requérant de Jehan, procureur du roy, et ordonne qu'il sera enregistré au registre du greffe de la présante seneschaussée, et proclame à son de trompe par les carrefours accoustumés de la présante ville et dicelluy coppie envoyée aux sièges particuliers de Sarlat et Bergerac, pour estre procédé à semblable lecture et publication en icelluy exécutant ; est enjoinct à tous les seigneurs du présant ressort empescher le soubslesvement des habitans de leurs terres par saysie de leurs armes et aultres voyes dhues et raionnables, à peyne de main mise de leurs justices et aux officiers d'icelles, à peyne de mil escus faire publier le susdit arrest incontinant et sans délay, tant en leurs Cours que aux prosnes de leurs esglises ; icelluy faire entretenir et les contreventions et reffus de poser et remettre les armes, informer et envoyer les informations qu'ils auront faictes dans quinzaine devers le procureur du roy, pour y estre par luy requis ce qu'il verra estre à faire, et à ces fins, est faict commandement aux procureurs du présant siège qui y ont charge desdicts sieurs, leur envoyer une coppie dudict arrest qui leur sera délivrée sans frais.

 

De par le roy et M. le vicomte de Bourdeilhe, séneschal et gouverneur du Périgord :

Il est expressément enjoinct à toutes personnes de quelque condition et qualité qu'ils soyent en cestuy nostre gouvernement, de vivre et se maintenir en bonne concorde et union soubs l'obéyssance du roy, avecq inhibition et deffance de seslever en armes et faire aulcune assemblée soit pour empescher ou bailler retardement au payement des deniers du roy ou aultrement contrevenir à l'authorité de sa Maiesté, à peyne aux contrevenants et qui feront reffus de payer les deniers royaux ou aultrement troubleront l’estat et repos de nostre dict gouvernement, d'estre tenus pour séditieulx et perturbateurs du repos public et criminels de lèze maiesté et comme tels par nous poursuivis, rompus et dissipés, et à ces fins mandons à tous seigneurs et justiciers, gentilshommes et aultres gens de guerre de se tenir prests au premier jour pour nous assister à contenir et ramener chascun à son debvoir et s'opposer aux dessaings des ennemys de sa Maiesté et favoriser ce qui regarde l'advancement de son service ; est enjoinct aussi au vice-séneschal de nostre dict gouvernement et à ses lieutenants et archers de faire leurs chevauchées suyvant les ordonnances et tenir la main au payement des deniers du roy et procéder contre ceulx qui tenteront de s'opposer au service de sadicte Maiesté par telles voyes qu'il appartiendra et nous tenir advertis de l'exécution de leur charge, pour si besoin est leur fournir assistance, et afin que aulcun n'en prétende cause d'ignorance, sera nostre présante ordonnance publiée par toutes les villes et lieux de nostre dict gouvernement.

Faict à Bourdeilhe, le douziesme du moys d'octobre 1594.

Signé : de BOURDEILHE.

Et plus bas : Par Monseigneur, Dubois. Publié à Périgueux le 18 octobre.

[…]

pp. 548-549

En 1597[45] il y eut encore en Périgord et Limousin un soulèvement de paysans qui prirent les armes dans les environs de Saint-Yrieix ; ils furent bientôt imités parles paroisses voisines, et de proche en proche la révolte gagna le Périgord, le Quercy, l'Agenois et une partie de la Saintonge et de l'Angoumois, si bien qu'en peu de jours ils se trouvèrent au nombre de quinze mille hommes ; ils avoient presque tous des arquebuses, des piques et des hallebardes ; dans le principe, ils n'en vouloient qu'aux maltotiers et aux officiers du roi ; mais bientôt, la vue de leurs forces, raconte d'Aubigné, les amena aux insolences ; ils montrèrent inimitié aux gouverneurs des places, aux soldats des garnisons et enfin à tous les gentilshommes ; ils en vinrent à piller quelques maisons nobles, même ayant pris quelques soldats, ils leur faisoient porter le mousquet et la caisse ; en revanche d'avoir été employés à cela, et firent ce trait de honte à un gentilhomme qui leur commença la guerre y employant tous ses parents et amis ; comme cette ligue, continue d'Aubigné, étoit en sa fleur et alloit s'étendre en Saintonge et Poitou, un petit homme de Périgueux, qui étoit fort avancé dans leurs factions, vint secrètement trouver le roi et lui promettre que s'il vouloit faire quelque bien et honneur, lui seul promettoit de mettre à rien toutes ces bandes ; le roi qui en rioit au commencement et disoit qu'il en vouloit être comme d'un fort juste parti, ayant appris à s'appréhender, promit à cet homme quelque bien et de le faire maire de Périgueux, comme de fait, il le fut depuis. Celui-ci s'en revint trouver les bandes plus nombreuses que jamais ; à son arrivée il pratiqua trois ou quatre prêtres pour lui aider et pour ce que le tiers de ces troupes étoit réformée, il fit courir divers bruits, et que les huguenots vouloient rompre les images et piller les églises et autres bruits, si bien qu'un dimanche, notre petit homme assuré d'être maintenu par plusieurs de leurs capitaines, fait naître des voix de divers endroits qui crient: «  Tiers estat, parlement, catholiques à part. » Cela s'échauffa tellement que les gagnés ayant fait porter leur drapeau au delà d'un petit ruisselet, tous ces catholiques le passèrent au nombre de 34 ou 35.000 hommes, et les refusants ne demeurèrent que 15 ou 16.000 bien étonnés et furent contraints de prendre quartier à part.

Abin[46], lieutenant du roi en la marche de Limosin, avait réuni trois cents salades, neuf cents arquebusiers à cheval et deux mille fantassins; six jours après la séparation des Croquants, ses coureurs les rencontrent dans une lande ; le fils d'Abin et Rrétigny n'avoient que cent cavaliers ; à leur vue cependant, les Croquants s'arrêtent et se forment en un grand bataillon, Abin accourt et profitant du désordre où ils se trouvoient, il lance son fils et Brétiguy sur eux ; les Croquants armés d'arquebuses tirèrent leur décharge, mais leurs coups portant trop haut firent peu de mal aux royalistes ; malheureusement le fils d'Abin fut tué d'une balle dans la tête. Cependant, le reste de la troupe d'Abin accourt et se précipite sur les Croquants, les disperse et en massacre quatre mille. Une partie de ces bandes, à la suite de ce combat, se retira dans ses foyers, le reste continua ses courses et envoya au synode de Sainte Foy pour demander aide et secours ; mais le synode refusa de les entendre et de traiter avec eux ; cependant, ils s'approchoient toujours de l'Agenois et Montluc, gouverneur d'Agen, leur défendit de s'approcher de plus de trois lieues de la ville ; enfin il publia quelques lettres patentes du roi qui défendoient de les chercher; les édits qui les blessoient le plus furent sursis ; cette populace se retira et fut laissée en paix, même le médecin Boyssonnade qui avoit été leur général et qui exerça, depuis, son état à Bordeaux.

Le 20 août 1597, le Parlement de Bordeaux [47] avait prévenu le roi que le tiers-état s'était de nouveau révolté en plusieurs lieux du Périgord, de l'Agenais et du Quercy ; que quelques personnes de la noblesse se joignaient à ces révoltés; que depuis un rassemblement s'était formé à la Trappe[48] en Périgord et qu'un autre devait avoir lieu dans la Bessède[49] ; que vu le danger imminent, le roi devait envoyer sur les lieux le maréchal de Matignon pour réprimer ce mouvement.

[…]

PIECES JUSTIFICATIVES [50]

 

14 mars 1563. — Dans le registre de 1562 et années suivantes, nous trouvons des pièces et ordonnances du roi qui substituent Antoine Fumée, conseiller du roi en son Grand Conseil et grand rapporteur de la Chancellerie de France, et Jacques de Viart, conseiller du roi en sa Cour du Parlement de Bretagne, aux sénéchal et juges de Périgord qui ne peuvent arriver à remettre l'ordre dans la province et à punir les coupables de meurtres et rébellions, après avoir ordonné une enquête sur le meurtre d'un prêtre qui chantait messe et que les officiers du roi n'avaient pu mener à bien à cause de la crainte qu'inspiraient les coupables ; ils obligent les parents de la victime à déposer quarante livres pour les frais de poursuite.

Aussy, avons remontré que en exécutant l'édict de pacification nous avons rangé chascun en son estat et ordonné que le service divin seroit remys en toutes les esglises, ce que nous avons exécuté en la ville de Bragerac et mandé les officiers de Mussidan, auxquels avons enjoinct garder et maintenir l'édict, ce qu'ils ont promis faire ; il ne reste que exécuter le semblable ès paroisses dentour Mussidan et Montravel, et est nécessaire que l'on se transporte sur les lieux, et mander les curés les uns après les autres et sçavoir à quoy il tient qu'ils ne se retirent ou qu'ils ne nous meut vicquaires pour fére le service divin et en cas de crainte les mettre en la sauvegarde du roi, des consuls des lieux, seigneurs et gentilshommes plus puissants voysins, et à faute de commettre viquaires saysir et emparer leur temporel, et pour ce faire les avons portés en nommer quelqu'un d'entre eux pour exécuter ce que dessus ; lesquels nous ont nommés Me Pierre de Marqueyssac, escuyer, juge-mage et Bertrand Lambert, conseiller magistrat auxquels avons donné commission et ordonné à l'official de lévesque de Périgueux les accompagner pour restablir le divin service, aussi avons donné au séneschal de Périgord commission de transporter en la ville de Sarlat lorsque la commodité se présentera, etc., et ce fait nous sommes transportés en l'auditoire du Séneschal ou nous avons fait lire nos ordonnances et commissions... concernante police et le règlement des deux religions, le tout enregistré au greffe de la Séneschaussée...

Signé : Fumée.

4 mars 1563. — Anthoine Fumée, au Séneschal de Périgord ou son lieutenant, nous vous avons commis et commettons pour exécuter l’esdict de pacification audict lieu de Sarlat et faire rentrer ceux de la religion qu'on dit réformée en ladite ville de Sarlat, rétablir aux paroisses le service divin et faire exécuter l'édict.

 

Registres du Greffe.

T. II, p. 53.

Mai 1563. Charles, roi de France, etc... Les affaires esquelles sommes réduitz, à raison des factions advenues en nostre royaume, sont cause pour contenir en totale tranquillité, entretenir pensions et troupes, reitres. . . y ayant employé toutes nos finances ordinaires et extraordinaires et jusques à la somme de trois cent mille livres de rente annuelle, avons arresté d'emprunter sur le clergé des Esglises de nostre royaume pareille somme de deniers, et avons fait publier le dict esdict ès cours des Parlements et ordonnons que soit publié que toutes personnes qui voudront acquérir des biens temporels desdictes esglises, commanderies et autres, en auront le droict et que,cette vente n'excède pas la quatrième partie du revenu temporel desdicts bénéfices ; le roi prend toutes les précautions pour qu'il n'y ait pas d'abus. Dans la liste des diocèses de France jointe à l'édit, nous trouvons que les diocèses de Sarlat et de Périgueux sont cotisés chacun pour trois cents écus et trois deniers.

Le 3 mars 1564, le roi autorise les églises à racheter les biens aliénés ; il rappelle qu'il a permis aux bénéficiera de vendre des biens immeubles des moins utiles et profitables, et qu'une répartition en a été faite dans tous les diocèses du royaume pour la somme de trois millions deux cents mille livres, à quoi peuvent monter les ventes faites desdits biens ; il ordonne de réunir les bénéficiers qui éliront six notables, deux du sénéchal, deux du chapitre, deux de la part des chanoines pour participer à la répartition des rachats. Les acquéreurs primitifs devront être remboursés de leurs acquisitions et loyaux coûts et ils devront être arbitrés avec lesdits députés, avec loyauté... etc... toute facilité étant donnée aux bénéficiers pour racheter ce qui a été aliéné de leurs biens... etc...

Des ordonnances royales établirent des foires à Corgnac, à Ladouze, à Vergt, par lesquelles :

Il est défendu :

Au syndic des manants et habitants du bourg de Corgnac, requérant l'entérinement de certaines lettres du roi, de tenir marché audit lieu un jour de chaque semaine, à peine de dix mille livres ; mais il est autorisé à y établir quatre foires par an : la première le ler mai ; la seconde, le jour de Sainte-Madeleine, 22 juillet ; la troisième, le jour de Saint Clément 23 novembre ; la quatrième, le premier lundi de Carême.

Entérinement de lettres royaux le 25 décembre qui établissent au lieu de Ladouze quatre foires par an et un marché par semaine, la première le lendemain de la Toussaint, le 2 novembre ; la seconde le jour de Saint-André, 30 novembre ; la troisième le jour des Innocents, le 28 décembre; la quatrième, le jour de Saint-Pierre, le 22 février ; et le marché le mardi de chaque semaine. En 1566, Gabriel d'Abzac, seigneur de Ladouze, de Reilhac et de Vergt, obtint en outre deux foires de plus le 30 avril, jour de Saint-Eutrope, et le 25 juillet, jour de Saint-Jacques ; et le marché est reporté du mardi au jeudi. A Vergt, Gabriel d'Abzac obtient par an quatre foires et un marché. La première le jour de la petite Saint-Jean, le 26 juin. La seconde, le jour de Saint-Luc le 18 octobre, la troisième le jour de Sainte-Barbe le 4 décembre, la quatrième, le jour de Saint-Vincent, le 22 janvier. Le marché fut fixé au vendredi de chaque semaine[51].

Le procureur du roi poursuit pour crime de lèse majesté humaine et divine Baudals (vols de grand chemin) sacrilèges, voleries, incendies, cas d'homicide et autres crimes et délits, le prince de Chalais, sr de Grignols, le sr de La Rochebeaucourt, autrement de Saint-Mesme, gouverneur pour le prince de Condé en la ville d'Angoulême, les seigneurs de La Force, de Losse, de Piles, de Montastruc, de Longue de Barrière, de Neuvic, de Linards de Longua de la Renaudie, le capitaine Cheylard, chef des séditieux de Mussidan, Me Pierre Poynet, lieutenant-général de Bergerac, Me Bertrand Lambert, conseiller et magistrat; François Pasquet, avocat du roi au siège de Périgueux, Baptiste Vigoreux, Martial Dupuy, gardien recepveur de la recepte ordinaire du domaine du roy audit pays, le fils ayné du sieur de La Richardie, le cappitaine Cugnac fils ayné du seigneur de Caussade, le fils ayné du seigneur de Trigonan, le fils du sr de Laurière de Périgueux, le fils de Me François Jay, greffier en l'eslection dudit lieu; le cappitaine La Vernine de Mussidan ; La Place, juge dudit lieu ; Baraud, procureur dud. Mussidan, ministre Estienne Puyrenier, juge et marchand procureur de Nontron, un nommé Choquet, procureur d'Excideuil ; un nommé Cheyrou, juge de Thiviers; un nommé Garaulx, un nommé Montatre, fils de la damoyselle de Monsie, un nommé Chapel autrement le sr de La Richardie de Périgueux, Gabriel Estienne, sergent royal, Me Pouly Joly de Fontenye, un nommé Le Camus, mercier à Périgueux, le fils ayné de maistre Pierre Cambon, juge en son vivant des terres de la reyne de Navarre audit pays, le fils aîné de Marsaulet Verrue, archer de la garde du roy quand vivait, le fils du sr de Jauvelle de Mareuil ayant un grand nez, les trois enfants aynés du feu conseiller Valbrune, le seigneur de Jaure et son frère puynay, le jeune Gravier, advocat dud. Périgueux ; un nommé Pierre, aussy advocat aud. siège ; M. Françoys Jay, Annet Chalup, juge d'Excideuil ; la femme de maistre Bertrand Lambert, conseiller jadis au présent siège, Gravier le mercier, ung nommé Bardolou Seiller, ung nommé Autefaye, François Faure sr de Lusses, le jeune André fils de l'advocat André, le jeune Charon, maistre Aymard archeret son fils, maistre Jaubert, Barthélémy, lieutenant de Thiviers ; maistre François Passerieu et son fils, maistre Estienne.

Et Anthoine père et fils, procureurs dudit Thiviers, les deux enfants de feu Estienne Vignaud, les deux enfants de feu Charles Peychier, marchand dudit Thiviers, l'aisné de Joly Pecous frères, maistre Pierre Lacroix, le seigneur de la Valade et son fils ayné, les seigneurs Datur, de la Trappe d'Ambres, escuyer ; Vitrac d'Excideuil, un nommé Chigniers, procureur dudit lieu ; Bertrand Dauriac d'Agonac, les troys Valbrune de Périgueux, frères, Helies Ribeyrol, Bernard d'Aubusson, escuyer sieur de Vilhac, ung nommé Castagnier, maistre François Lurfeuil, prêtre ; troys soldats dud. seigneur de Vilhac, nommé les Pigrats, deux autres nommés les Vizans, ung nommé Papus, ung nommé Crouzat, ung nommé La Pierre, ung nommé La Lande, autre Pierre Roque, ung nommé Filretors, soldat du sr de Vilhac, et vesve Isabeau femme damoyselle de La Flonye, Bertrand de Plas et son frère, ung nommé Jean Lem ainsi qu'ung autre nommé Grand Jean et ung nommé de Mesny, accusés, défailhants d'autre.

Veu le procès, charges, information du vingt septiesme apvril 1569, autre information, etc., les exploits des assignations à troys briefs jours contre lesdits défaillants octroyés du 14e jour de novembre et les actes des assignations sur ce fournies et autres pièces par le procureur du roy sur ce produites avec l'appointement....

Disons lesdits défaux bien venus et obtenus et lesdits accusés estre vrays contumax et deffaillants en leur contumace et défaut ; déboutons iceux défaillants de toutes exceptions, défances, déclinatoires, dilatoires et peremptoires ; et avant faire droit sur le profit diceulx ordonnons que ledit procureur du roy fera venir en la présente cour (mots effacés) les tesmoings nommés aux susdites charges et informations et autres que bon luy semblera pour estre ouys et rétablir dans troys jours, ce veu, faire lesdits arrêts et procès assigner devant nous par le premier sergent royal sur ce requis.... le tout devant estre reporté en la court de parlement de Bourdeaulx pour y estre ordonné comme de raison.

Signé : de Marquessac[52].

XIIIe décembre 1569.

En 1578, le tribunal de la sénéchaussée condamna plusieurs personnes à être traînées sur la claie, et pendues sur la place de la Clautre pour avoir pris part comme traîtres, à la prise de la ville par les protestants en 1575. D'autres furent bannies. Nous ne croyons pas devoir donner ces noms obscurs de soldats — cela n'a pas d'intérêt pour les lecteurs, — mais cela prouve que la Justice recherchait ceux qui s'étaient rendus coupables de s'être unis aux protestants et les punissait rigoureusement ; — cela explique aussi que cette Justice ne pouvait se rendre à Périgueux et pourquoi le siège de la sénéchaussée fut transporté à St-Astier. Il ne fut rétabli comme nous l'avons déjà dit, à Périgueux, qu'en 1581.

12 Juin 1579. — Pierre Chouquet dit la Picardière, natif d'Alençon en Normandie, et Antoine Cornilles dit le Couldre, prisonniers, accusés du crime de trahison et conspiration contre le château d'Excideuil, sont condamnés à être traînés sur une claie jusque sur la place publique de la Clautre où ils seront pendus et étranglés par l'exécuteur de la haute justice, et leurs corps portés ensuite aux fourches patibulaires et condamnés à cent écus d'amende chacun, applicables moitié au roi et moitié audit procureur de lad. juridiction, etc.[53].

16 Août 1580. — La Cour siégeant à St-Astier poursuit plusieurs personnes accusées d'avoir voulu livrer la ville de St-Astier et la mettre entre les mains des rebelles portant les armes contre l'autorité du roi en la ville de Périgueux ; le principal des accusés est Annet de Turayne (Turenne, écuyer seigneur de la Massoulie), les preuves contre lui n'étant pas suffisantes, il fut relaxé des fins de la plainte[54].

Mademoiselle, jay veu votre lettre estant bien mary de ce que Ramondy vous a de ceste fasson traictée que de vous avoir prins vos meubles et vivres de vostre maison de Sallegourde et vous supplie croire qui c'est contre mon sceu et volonté et que je ne désirois rien tant que la conservation de tout ce qui estoit à vous, en luy ayant plus estroitement recommandé que s'il fust esté le mien propre de moy. Je vous feray tousiours déclaration telle qu'il vous plaira que ce n'est par secu ny commandement que telle indignité vous ayt esté faict et vous responds qu'il nen sera jamais advouhé de moy si ceste asseurance que je vous endojne nest assez souffisante, faictes la dresser à messieurs Soulieres ou quelqu'aultre de conseil. Je ne fauldray à la signer et vous servir en toutz aultres endroitz où j'en auray jamais le moyen qui est l'endroict ou je me recommendray bien humblement à vos bonnes grâces, prieray Dieu, Mademoiselle, vous donner très longue et heureuse vye.

de Vivant.

Cet 18 décembre 1580.

Vostre plus obéissant et affectionné à vous servir, VIVANT[55].

 

Nous Geoffroy de Vivans, seigneur dud. lieu, Grives et Doyssat, gouverneur et lieutenant-général pour le roy en Périgord et Limousin, en l'absence du roy de Navarre déclairons que donnant à Raymondi le command. de la garnison de Sallegourde qui estoit de sept soldats, notre intention feust tousiours qu'ils feussent soldoyés des deniers provenant des contributions ordonnées par le payeur des gents de guerre de ce pays. Et d'autant que nous avons esté advertis et asseurés par la demoyselle de Sallegourde, qui est de longtemps de la relligion réformée, que led. Reymondi luy a prins grand quantité de bleds et vins, bestail, armes et pouldres, se latribuant et en usant comme de son propre bien, et outre ce, se couvrant de notre autorité se seroit saisi de plusieurs personnes et grand nombre de bestail des lieux qui avoient esté par nous destinés à payer les cotisations ordonnées au payement de nos garnisons ; lesquelles personnes il auroit menées et détenues au chasteau de Sallegourde , combien qu'il luy feust prohibé et à tous autres de ne mener et tenir aulcungs prisonniers pour ces contributions et aultres, qui, es prisons royaulx de Périgueux, et lesquels puisants, bœufs et bestail, il auroit gardé prisonniers combien que ce feussent des habitants et du bestail de ceulx qui avoient payé et payeroient librement nosd. contributions et obeyssent à nos commandements ; pour ces occasions entièrement contrevenantes à nos intentions nous avons deshadvoué et deshadvouons de tout ce que dessus led. Reymondi mesmement du bestail, bleds, vins, armes et pouldres que peut avoir prins à lad. damoyselle de Sallegourde déclairant estant estre subjet à réparation et restitution, comme faict contre les règlements donnés pr ces guerres et nos particuliers commandements. Faict à Périgueux le trésie de décembre mil vc quatre-vingts.

Signé : Vivans.

Ordonnances du vicomte d’Aubeterre pour payer des soldats à Sarlat, à Issigeac et au Moulin-Neuf, près de Périgueux.

Comme cy devant pour la seureté et conservation de la ville de Sarlat, nous eussions ordonné le nombre de dix-huict soldats qui seroient payés et soldoyés pour six moys des deniers ordonnés faire lever en l'année 1587 pour l'entretènement des gens de guerre destinés à la conservation dudict pays, à raison de troys escuts par moys pour chaque soldat, mandons au trésorier des guerres ou son commis à faire ces payements.

Sur les remonstrances qui ont esté faictes par les consuls, habitans et manans de ladicte ville, avons esté dhuement avertis qu'ils ont esté contraincts de mettre et entretenir le nombre de soixante soldats du pays, à raison de ce que les ennemys du roy, infracteurs de ses édicts et perturbateurs du repos public, ont tâché de ….. les travailler pour s'emparer de ladicte ville, comme est.

Les ayant tenus assiégés depuis le 25 novembre jusqu'au 14 décembre dernier, de manière que tous iceux soldais et nombre de gentilshommes... ont maintenu ladicte ville dans l'obéyssance du roy, continuer l'entretien de ces soixante soldats, y compris lesdicls dix-huict..., etc.

14 janvier 1588, à Périgueux.

d'Aubeterre.

 

Le 14 janvier 1588, le sénéchal signe une ordonnance par laquelle il autorise le trésorier des guerres ou son commis à payer les gages de douze soldats de la garnison d'Issigeac.

Le 12 janvier 1588, le vicomte d'Aubeterre, sénéchal, signe un ordre de garder avec soin le lieu du Moulin Neuf, sur la rivière de l'Isle.

Lequel est d'importance et d'empêcher les ennemis de s'en emparer, afin de mieux faciliter leurs courses contre le pauvre peuple et empêcher de plus grands inconvénients qui en pourroient résulter et y mettre une garnison de huit soldats, tous catholiques, choisis par nous, qui seront entretenus aux dépends du revenu dudit moulin, à raison de trois écus par chaque soldat et cinq écus pour votre appointement, avec lesquels vous ferez la guerre auxdits ennemis, ce dont nous vous donnons commandement, etc.

Lettre de Henri III aux Parlements.

1589 (24) février.

Extrait des registres du Parlement de Bordeaux.

Chers et bien aymés, voyant les artifices dont on se sert tous les jours pour diviser tous les subjects catholiques et les distraire de l'obéyssance du roy, parmy lesquels on sème de faulx bruicts pour les attirer et pousser aux séditions, nous vous avons bien volu escrire ceste-cy afin que de votre part vous y preniez soigneusement garde et fassiez chastier ceulx quy usent de telles impostures et sugetions envers le peuple, en advertissant vos habitans de ne prester l'oreilhe à leurs praticques, ains de se maintenir tousiours en la religion catholique, apostolique et romaine et en l'obéyssance du roy, à laquelle le commandement de Dieu et leur propre salut et repos les oblige, estant Sa Majesté résolue d'apporter bientost les remèdes propres et convenables aux maulx quy se présentent et de pourvoir à la seureté et soulaigement de ses bons subjects, qui doivent en ce temps, plus que jamais, se monstrer fermes et constans en leur fidellité, a quoy espérants que vous ne ferez faulte, nous prierons le Créateur vous avoir en sa saincte et digne garde ; escript à Bourdeaux en Parlement et sous le seing et scel d'icelluy le 21e jour de mars 1588.

 

26 avril 1589.

Déclaration du roy sur la tresve acordée par Sa Majesté au roy de Navarre contenant les causes et preignantes[56] raisons qui l'ont meu à ce faire :

Henry, par la grâce de Dieu roy de France et de Pologne, à nos amés et féaux les gens tenans nos cours de Parlement, gouverneurs et lieutenants généraux en nos provinces, baillifs, seneschaux, prévôts ou leurs lieutenants et autres nos officiers et sujets qu'il appartiendra, salut : Sy la vérité des choses le juge par ce quy en apparoit aux hommes, comme il le doibt faire, puisqu'ils n'en peuvent avoir autre preuve certayne et qu'à Dieu seul appartient de pénétrer à l'intérieur ceste affection de cœurs humains, la sincérité de nostre zèle et dévotion en la saincte foy et religion catholique, apostolique et romayne le deffand assez d'elle-mesme contre toutes calomnies et impostures par les preuves que nous en ayons rendu dès nostre première jeunesse et tousiours continue tant en nostre vye et profession ordinaire qu'à poursuivre par tous moïens, mesmes par les armes, sans y espargner nostre propre vye, l'avancement de la gloire de Dieu et establissement de lad. religion catholique, apostolique et romayne es lieux et endroicts de cestuy nostre royaume où elle a esté changée et altérée par l'introduction d'une nouvelle opinion à nostre très grand regret et déplaisir, à quoy le principal empeschement que nous avons eu n'étant procédé de la force et industrye de ceux qui suyvent et deffandent ladite nouvelle opinion comme d'autres, lesquels, se couvrant d'un faux prétexte de zèle à ladicte religion catholique, ont, de longue main, essayé de séduyre la plupart de nos subjects catholiques, par fausses impressions et praticqué une ligue et association secrette entre eux, de laquelle ils estoient les chefs sous couleur de voulloir asseurer après nous, si Dieu nous eppelloit de ce monde, sans nous donner des enfants, la conservation d'icelle religion catholique, contre ceux de la nouvelle opinion qui pourroient prétandre de nous succepder à ceste couronne. Mais leur but et dessain tendant à l'usurpation et partage d'icelle entre eux, après s'estre formé un party entre nosd. subjects catholiques et appuyé de intelligence, avec estrangiers qui peuvent désirer l'affaiblissement de ce royaume, pour accroistre leur authorité et grandeur, ils auroient déployé contre nostre personne et authorité le secret de leur damnables desseings ; premièrement par détraction et médisance de nos actions, pour les rendre odieuses à nostre peuple et tirer à eux les affections d'icelluy sous lespérance plausible qu'ils auroient joincte au prétexte de la religion, de luy donner soulagement des charges que l’injure du temps leur auroit apportées, dont néammoingts leurs portements ès lieux où ils auroient commandement, estoient tesmoingts peu favorables de leur promesse, pour ce regard impatients de plus longue attente, auroient prins et levé les armes ouvertement contre nous desquelles le fruict seroit principallement tournée leur proffict particulier, pour les avantages et condictions qu'ils auroient tiré de nous ; l'effect d'icelles nayant eu au surplus esté que ruyne et destruction de nos subjects et avancement des ennemys de la religion catholique, contre lesquelles entreprinses que les susd. faisoient continuellement sur nous et nostre authorité, nous ont empesché de faire leffort qu'il eut esté requis pour réprimer leurs projets et sy les premiers essays de leurs dictes armées, ont esté pernycieux à cet estat, la suite en est encore plus dommageable et dangereuse, ayant par leurs artiffices de nouveau remply la France d'un trouble et guerre civille universelle, séditions, mespris des magistrats, sang, pillages, rançonnements, saccagements de biens sacrés et profanes, forcement de femmes et de filles et autres infinies espèces d'inhumanités et désordres, tels qu'il ne s'en est jamais vu ni ouï de semblables, le tout au très grand préjudice, non seulement de notre autorité contre laquelle ils se sont ouvertement déclarés, n'ayant eu honte de faire publier qu'ils recherchoient notre propre vie, mais aussi de ceste florissante couronne qu'ils espèrent partager et démembrer en y associant lesdits étrangers au grand déshonneur et opprobre du nom français et espécyallement de la noblesse, estant renommée et estymée ancyennement par tout le monde, pour sa vertu, prouesse et singulière amour et fidélité envers ses rois, et qui pis est au détriment de la religion catholique, apostolique et romaine ; car outre que la guerre civile corrompt les bonnes mœurs et détourne les cœurs non même de la piété et révérence de l'honneur de Dieu et de toute charité humaine. Cette division est le vrai moyen à ceux de l'opinion contraire d'élargir et accroître leurs conquêtes, à quoi néammoins voulons obvier de notre pouvoir et lâcher de redresser toutes choses au bon train auquel par la grâce de Dieu nous les avions acheminés et dont nous avions été divertis par les présents troubles, nous aurions encore depuis le commencement d'iceux recherché tous les moyens à nous possibles pour par douceur ramener tous nos sujets catholiques à une bonne et ferme réunion sous notre obéissance et par le moyen d'icelle exécuter ce qu'à leur instante prière nous leur aurions promis en l'assemblée de nos États ; mais tant s'en faut que par cette voie la dureté de leur cœur ait pu être amollie et fléchie à quelque compassion de tant de maux dont ils sont cause, non contents des désordres passés, même d'avoir soulevé contre nous la plupart de nos villes, tué, emprisonné ou déposé nos officiers, rançonné les plus aysés de notre royaume de quelque ordre, état et qualité, sexe, condition et âge qu'ils puissent être, même les personnes ecclésiastiques, rompu nos sceaux, effacé nos armoiries, déchiré et ignominieusement traité nos officiers, établi des conseils et officiers de leur fantaisie, ravi nos finances et exercé contre nous et nos bons sujets tous actes de mépris, division, hostilité et inhumanité et ajoutant injure à injure, ils s'apprêtent à venir assaillir notre propre personne avec artillerie tirée de nos arsenaux et armée composée tant de nos sujets rebelles que d'étrangers en partie de religion contraire à la catholique, apostolique et romaine, de laquelle néanmoins ils se disent seuls protecteurs pour avec nous opprimer tous nos bons sujets étant serviteurs catholiques, au lieu de s'adresser à ceux, de l'opinion contraire qu'ils laissent en paix et liberté de s'étendre à leur plaisir, comme ils en ont perdu l'occasion ayant le roi de Navarre pendant que nous étions à nous préparer et fournir de forces pour nous garantir des mauvaises intentions les dits rebelles, pris et sapé nos villes de Niort, St-Mexant, Maillezais, Chatelleraud, Loudun, l'Isle-Bouchard, Montrenbelay, Argenton et Le Blanc en Berry, et ramené ses forces près de cette ville où nous nous serions acheminés sur le premier avis de sesdits exploits pour donner tout l'ordre que nous pourrions, empêcher qu'il ne les poursuivit plus avant et que enfin connaissant ne pouvoir faire par les armes en même temps que nous sommée en nécessité de les employer pour la conservation et défense de notre propre personne et de nosdits bons serviteurs et sujets contre la rage et violence desdits rebelles, après les avoir reconnus inflexibles à aucunes conditions de réconciliation sur les ouvertures que nous leur en avons fait faire ; et considérant que ceux qu'il n'ont voulu comme eux s'attaquer à notre vie, nos bons sujets pouvoient néanmoins être grandement molestés de ses armées, si nous ne lui étions l'occasion de les employer selon que l'état présent des affaires de ce royaume lui en donnoit la commodité ; d'autre part étant pressés et interpellés par les clameurs et requestes de nos provinces travaillées de ceux de son parti et remédier le plus tôt possible par une surséance d'hostilité que autrement, et le moyen d'entretenir leurs gens de guerre, toute espérance de ne pouvoir plus substanter leurs vies et de leurs familles, toutes les susdites raisons ayant été par nous mises en délibération avec les princes de notre sang, officiers de notre couronne et autres seigneurs et grands personnages de notre conseil, nous n'aurions trouvé autre moyen contre ces extrémités que de prendre et donner à nosdits sujets quelque relâche de guerre de la part dudit roi de Navarre, et pour cet effet lui avons accordé pour lui et pour tous ceux de son parti trêves et surséance d'armes et de toute hostilité suivant l'instance qu'il nous en a faite, reconnaissant son devoir et nous même ému de compassion de la misère où ce royaume est de présent réduit. Nous donnons une trêve que nous entendons être querelles éteintes sur tout le royaume pendant un an, et s'engagent les parties à ne rien faire ni rien entreprendre au dedans ou au dehors du royaume sans notre consentement et commandement.

Cette lettre est suivie de longs détails sur les lieux où la trêve doit être observée. Elle fut donnée à Tours le 26 avril 1589[57]

 

Extrait du Livre Noir.

1590. — Au mois de décembre, M. de Matignon, maréchal de France, venu de Rions entre deux Mers avec puissante armée, faisant conduire quatre canons, passant la rivière au port de Branne, et ayant tourné visaige dans le pays de Périgord, fut bruit qu'il s'en venoit en ceste ville et ayant envoyé les sieurs Mayre et consuls plusieurs messagers de toutes parts aux sieurs gentilshommes catholiques, pour savoir ou ladite armée devait fondre, ils en donnoient une infinité d'avis et la plupart douteux ; cependant lesdits sieurs maire et consuls avertissent à M. de Pompadour, le priant se jeter dans la ville avec ses forces pour empescher les desseins de l'ennemi ; lequel sieur Maréchal assiégea bientôt la ville de Mussidan, de quoy lesd. maire et consuls avertirent M. de Montpezat par plusieurs messagers, ledit sieur étant en Quercy. Voyant que lesdits messagers n'y pouvoient beaucoup fut dépêché Monsieur La Chambre vers led. sieur, et peu après arriva de nuit en ceste ville le sieur de La Capelle-Biron venant de la part du sieur de Pompadour avec de belle cavalerie, et le lendemain arriva aussi led. sieur de Pompadour, accompagné du baron de Gimel, des sieurs de Saint-Charnan, Beauregard, la Brangelie, de Rastignac, Labatut, du Pouget, Nicéron, capitaine Mayet, Lapeyrouse, et grand nombre de noblesse et gens de pied, et fut avisé que le sieur de Labatut se jetteroit dans Saint-Astier pour le garder, attendant qu'on fit marcher un gros et lui fut délivré certaine somme d'argent et deux quintaux soixante livres de poudre par messieurs les maire et consuls; cependant l'ennemi battoit en grande furie Mussidan, et le prit faute de secours, bien qu'il y en entra durant le siège, mais peu ayant égard aux assiégeants.

Messieurs les maire et consuls firent défrayer tous les capitaines et gentilshommes pour les logis et coûta la dépense neuf cents écus et plus, ayant deux cents chevaux sans les gens de pied sur les bras.

La veille de Noël, M. de Montréal arriva à grandes journées de Cahors où il avoit laissé le sieur de Montpezat, lequel marchoit vers le Périgord, mais non sitôt que la ville de Mussidan fut prise par capitulation fort honorable, ayant tiré trois cents cinquante coups de canon.

Le 2 janvier 1591, la ville envoya cinquante arquebusiers à Saint-Astier, ils y restèrent huit jours; mais au bout de ce temps on leur manda de s'en aller à Vergt.

Le 5 février fut faite une procession générale avec tout le clergé ou M. de Périgueux assista avec M. de Montpezat et presta serment entre les mains de Monsieur le Maire, le syndic de la Ville tenant le livre avec la croix au grand portail de l'église de Saint-Front, lequel Montpezat tenant les deux mains sur le livre, le Maire lui dit : Monsieur, vous promettez et jurez d'être bon et fidèle à Dieu, à la couronne de France, et au saint parti catholique et maintenir la ville et habitants d'icelle en leurs anciens privilèges, immunités et exemptions, ne souffrir qu'il leur soit fait violence, que nuls gens de guerre ne logeront dans la ville ou banlieue sans expresse permission desdits maire et consuls ; vous tiendrez à précaire et par sol emprunté le lieu ou la justice est exercée, la prison Trompette, ce qui fut ainsi juré et promis par tels mots : Oui Monsieur, je le jure et promets[58].

Le 25 avril, Saint-Germain-du-Salembre fut assiégé par mondit sieur de Montpezat et pris d'assaut à la diligence et frais des maire et consuls.

M. de Montpezat prit une pièce d'artillerie qui fut menée ici, et la donna à la ville ; le soldat qui attacha le câble pour la tirer fut récompensé de la somme de cinquante écus de l'argent de la ville et un autre soldat en eut quinze écus, de laquelle pièce fut donné contrat de donation du 13 mai 1591 dressé par Labrousse, notaire.

1591. — Le mardi 22 octobre, la ville de Saint-Astier, détenue par les ennemis, munie d'une forte garnison de gens de guerre, tant de pied que de cheval, a été prise et emportée de force à la diligence de messieurs les maire et consuls, et l'exécution faite par la plupart des habitants de la ville et banlieue, ce a été la nuit du jour de la fête de saint Astier, qui a été remarqué pour avoir été remporté dans la nuit de ce jour de la fête de saint Astier[59].

 

Registres du greffe du sénéchal de Périgueux. Vol. 5, page 364.

 

13 août 1594.

Sur la remontrance faicte à la Court par de Mallet, pour le procureur général du roy, qui combien que les misères et calamités notoires qui affligent depuis beaucoup d'années ce royaume deussent induire et esmouvoir chascun à se rendre exact observateur des lois et ordonnances qui regardent principallement le service de Dieu, afin d'appaiser son ire justement excité par nos faultes, neammoings la malice du temps et la licence des guerres a porté est telle qu'au mespris de l'honneur de Dieu, constitutions ecclésiastiques et ordonnances de nos roys, il ni eust oncques moins de zèle au culte divin, ni plus de mespris du salut des âmes, de sorte qu'en beaucoup de diocèses du ressort y a plusieurs paroisses sans administration des sacrements, le peuple vivant en toute liberté plustôt barbare que chrestienne et mourant sans aucune participation aux saincts sacrements de l'Esglise, les enfants sans baptême, estant beaucoup d'esglises démolies et les bénéfices occupés par personnes incapables, de quoy est très urgent d'y pourvoir, la Court ayant esgard à la remonstrance dudict procureur général, conformément aux saincts décrets et ordonnances royaux, et pour icelles mettre à exécution, a ordonné et ordonne que les ordonnances faictes sur la résidence des archevesques, évesques, curés et autres bénéficiers ayant charge d'ames, seront extraordinairement gardées et observées, et en ce faisant, leur enjoinct chascun en droict soy de résider et de fere le debvoir de leurs charges en personne, et en cas de légitime excuse, commettre vicquaire suffisant et capable, lequel, en ce qui concerne lesdicts curés et bénéficiers ayant charge d'âmes, sera agréé par le diocésain pour annoncer la parole de Dieu, fere le service divin, administrer les saincts sacrements au peuple à eux commis, aultrement à faulte de ce faire, enjoinct aux substituts dudict procureur général, chascun en droict soy, faire procéder à la saisie des fruicts et revenus desdicts bénéfices, pour estre lesdicts fruicts emploiés tant en réparation des esglises qu'en aumosnes et autres œuvres pies, le service divin préalablement faict suyvant les saincts décrets et ordonnances ; et à ces fins et pour rétablir le service de Dieu et soing des âmes et bénéfices non servis, ladicte Court exhorte évesques et prélats en tant que besoin et leur enjoinct fere leurs visites sans aucune surcharge du clergé par leurs diocèses ; et en oultre à tous juges tant royaux que des seigneurs justiciers, leurs procureurs et lieutenants, fere attestation de troys en troys moys, avec dix des principaux de chascune paroisse du nom, surnom, qualité, résidence, retraicte, habitation des curés et vicquaires, ensemble de l’estat des fabriques des esglises, ornements d'icelles et célébration du service divin et envoier les procès-verbaux aux substituts du procureur général ès seneschaussées pour y pourvoir suvvant les esdicts et ordonnances royaux, ce que leur est enjoinct à peine de privation de leurs charges, et semblablement à toutes personnes vacquer les jours de dimanches et autres fastes commandées par l’Esglise après ces oraisons et assister au service divin, païer les rentes qu'ils dévoient et dixmes aux susdits ecclésiastiques, suyvant les mesmes esdicts, ordonnances royaux et arrests de la Cour et sur les peines portées par iceux avec plus grand zèle, car y eschoit,et afin qu'aucun n'en prétende cause d'ignorance, ordonne la Cour que le présent arrest estre envoie par tous les bailliages et seneschaussées du ressort, pour y estre leu, publié et enregistré, enjoignant à tous baillis et sénéschaux garder et entretenir sous peine de suspension et privation de leurs offices, et sera le présent arrest exécuté...

Faict à Bourdeaulx, en Parlement, le 13e jour d'aoust 1594.

A esté le présent arrest lu publiquement en la Cour, requérant de Jehan, procureur du roy.

Registres du greffe. — Vol. 5, p. 419.

1595. — Le 1er juillet 1595, un arrêt du Parlement défend toutes assemblées populaires qui se font en la sénéchaussée du Périgord sans permission expresse du roi, ordonne à toutes personnes de se contenir en leurs maisons et de vaquer à leurs affaires, sous peine de crime de lèse-majesté, et enjoint au sénéchal de tenir la main à l'exécution des arrêts et de procéder contre les coupables.

Cette ordonnance fut rendue au sujet des Croquants.

 

SOURCES.

De Thou.

D'Aubigné.

L'Estoile.

Palma-Cayet.

Montluc.

Sully.

Caumont La Force.

Constitutions de Périgueux

Généalogies.

Manuscrits de Lespine,

Leydet et Prunis.

Le Père Dupuy.

Chanoine Tarde.

Registres manuscrits du greffe de la Sénéchaussée de Périgueux.

Archives historiques de la Gironde.

Les Jurades de Bergerac.

Lettres missives des rois de France

Journal de François de Sireuilh.

La Popelinière.

Mémoires de Castelnau.

Théodore de Bèze.

Davila.

Mézeray.

La France protestante, des  frères Haag.

Histoire d'Aquitaine, par de Verneilh.



[1] Fonds de La Verrie de Vivans, liasse 21, n° 8.

[2] Archives communales, série FF. 171.

[3] Sainte-Alvère, François de Lostanges.

[4] Panissaud, Jean d'Alba.

[5] Extrait du Livre Noir, folio 296.

[6] Mémoires de Vivans. — Chanoine Tarde, p. 302.

[7] Solvignac, Jean de Vassal.

[8] Guiscard, Gabriel de Guiscard, sieur de Cavaignac (Lot).

[9] Chanoine Tarde, p. 3013 et suiv.

[10] Il signa ainsi sur le registre : Montsalard

[11] Extrait des Mémoires de J. de Vivans.

[12] Jacques de Lafon-Dejean, sieur de Saint-Projet, en Quercy

[13] Il ne faut pas oublier que Périgueux tenait pour la Ligue.

[14] Archives communales, Livre Noir, série FF. 174, 360.

[15] Extrait des Mémoires de Vivans.

[16] Mémoires de La Force publiés par M. de Lagrange.

[17] Siorac, commune du canton de Belvès.

[18] Salviac, chef-lieu de canton, arrondissement de Gourdon.

[19] Archives communales, Livre Noir, f° 377, série FF. 174.

[20] Raymond Girard de Langlade.

[21] Jean de Bourdeille, co-seigneur de Montanceix.

[22] Montanceix, château, commune de Montrem, canton de Saint-Astier.

[23] Les Combes, château, commune de Beaussac (Dordogne).

[24] Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, t. XIII, p. 406.

[25] Voir notes, p. 394, des Chroniques de Jean Tarde, qui complètent les documents que nous relatons.

[26] Les bois de Ladouze ou la forêt de Vergt.

[27] Cendrieux, canton de Vergt.

[28] A Ans, il n'y avait pas de ville, mais il y avait une châtellenie qui faisait partie du patrimoine de la maison de Navarre.

[29] Hugues de Lostanges, sieur de Ste-Alvère.

[30] Voir plus bas une lettre du roi à M. de Bourdeille.

[31] Lettres missives de Henri IV, t. IV. p. 155.

[32] Raymond Girard de Langlade.

[33] Jacques de Gravier, conseiller du roi, lieutenant particulier, civil et criminel en la sénéchaussée de Périgord.

[34] Lanmary, château près de Périgueux, commune d'Antonne.

[35] Biras, commune du canton de Brantôme.

[36] Négrondes, commune, canton de Savignac-les-Eglises (Dordogne).

[37] Sorges, commune, canton de Savignac.

[38] Sarliac, commune, canton de Savignac.

[39] Bassillac, commune, canton de Saint-Pierre-de-Chignac.

[40] Raymond de Fayard, frère de Bertrand de Fayard, seigneur des Combes.

[41] La Borie-Saunier, commune de Champagnac de Belair, appartenant aux Arnaud de La Borie.

[42] Saint-Crépin, commune du canton de Saint-Pierre-de-Chignac.

[43] De Lors. Nous n'avons pu l'identifier, à moins que ce ne soit un de Losse.

[44] Nous laissons à l’auteur la responsabilité de ce qualificatif (note C.R.).

[45] D'Aubigné, Histoire universelle, t. iii. J. Moussat Paris, 1620, p. 384. D'Aubigné, dans sa première phrase, fait allusion à la révolte de 1594.

[46] Jean de Chasteigner seigneur d'Abin.

[47] Archives historiques de la Gironde.

[48] Commune du canton de Villefranche-de-Périgord.

[49] La Bessède, forêt près de Cadouin.

[50] Voir à la page 391 du tome XI du Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord la copie de pièces extraites des registres du greffe de la sénéchaussée du Périgord. Volume des années 1562 et suivantes. Ces pièces regardent l'année 1562 et l'année 1563.

[51] Archives départementales, 1565, série B. 79.

[52] Archives départementales, 1569, série B. 87. (Layette, 104 pièces, papier, à la fin.)

[53] Archives départementales, série B. 89.

[54] Archives départementales de la Dordogne, série B. 95.

[55] Archives de la Dordogne, collection de Mourcin, fonds de Sallegourde.

[56] Pressantes.

[57] Archives de la Dordogne, livre des patentes de la sénéchaussée de Périgueux, volume 2, p. 236.

[58] La cérémonie terminée, le maire et les consuls en chaperon accompagnèrent M. de Montpezat jusqu'à son logis.

[59] Archives municipales de Périgueux, Livre Noir, 361, série FF. 174.

<<Retour