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Source : Bulletin SHAP, tome XXVII (1900), pp. 232-239.

 

FOIRES ET MARCHÉS DE SAVIGNAC-LES-EGLISES

A diverses reprises, le Bulletin a entretenu ses lecteurs de l'origine des foires du département. Notre président, M. de Roumejoux, nous a appris l'origine, en 1594, des foires et marchés de Léguillac-de-Cercles ; M. Charles Durand, celle des foires de Faux en 1637[1] ; le marquis Gérard de Fayolle celle des foires de la Latière dans la Double, et tout récemment M. de Maynadié nous apportait le titre confirmatif de 1772, des foires fondées en 1581 à Gurçon, Carsac et au Fleix ; comme M. Dujarric-Descombes nous donnait, en 1891, les lettres patentes du roi Henri II établissant, au mois de février 1552, quatre foires par an et un marché par semaine à Clérans. D'autre part, la Revue de Saintonge et d'Aunis nous apprenait, il y a quelques années, la création de foires à Parcoul, en .juillet 1593, à la requête de Jean Gréen de Saint-Marsault. Incidemment, dans son excellente monographie du bourg et du couvent de Saint-Pardoux-la-Rivière, M. Roger Drouault nous a fait connaître rétablissement des foires et marchés de cette localité en 1491[2], qui, tombés en désuétude furent rétablis en 1581.

On a raison de conserver le souvenir de l'origine de ces agglomérations qui, comme l'on sait, sont presque toujours nées à la suite de quelques cérémonies religieuses ou pèlerinages, attirant sur un point donné une affluence de fidèles ou de pèlerins. Là, commencèrent les transactions commerciales qui peu à peu prenant de l'importance, à des époques périodiques eurent besoin d'être réglementées. Cette affluence de marchands et d'acheteurs procurait, comme on le comprend, aux habitants des localités de petits profils que ceux-ci tenaient justement à exploiter; aussi ne faut-il pas s'étonner si même dans les villes, au moyen âge, chaque quartier, à son tour, demandait à être le siège de la foire. C'est ce que les trop nombreuses fréries, instituées abusivement dans ces dernières années à Périgueux, ont imité sans le savoir.

Un statut municipal de 1516 prescrivait en effet que les grandes foires de Saint-Mémoire, de Saint-Front et de la Mi-Carême, se tiendraient successivement dans des quartiers différents[3]. En 1538, satisfaction est donnée, sur sa réclamation, à la rue de l'Aubergerie qui demandait à avoir aussi son tour de faveur.

Il en est de même à Bergerac où les habitants demandent en 1498, que la foire de Saint-Antoine « coregues per la villa coma les autres». Les Consuls émettent alors l'opinion qu'elle se tienne à la Font-Peyre[4]. Les avantages provenant de ces assemblées faisaient quelquefois surgir des procès : ainsi il y en eut un en 1481 entre le prieur de Saint-Martin de Bergerac et les consuls, pour savoir où se tiendraient le marché et les foires[5]. En 1483, il est arrêté par une délibération que la foire de Saint-Martin (11 novembre) se tiendra dans la Grand'Rue et que les consuls lèveront la moitié des loyers des boutiques louées aux divers marchands[6]. Cette foire de Sant-Antoine, dont nous parlions tout à l'heure, demandée en 1483, par les habitants du quartier du Grand-Port, n'est accordée qu'en 1498. Par ordre de la jurade du 19 mars 1483, la foire des Rameaux se tient à la Font-Peyre comme de coutume, mais elle ne peut se tenir en 1484 à cause de la peste, et on en prévient les marchands de Périgueux, de Sarlat, de Libourne et de Bordeaux[7].

Nous engageons donc nos confrères à recueillir tout ce qui rappellera l'origine des foires et marchés du département ; ils trouveront sur ce sujet des indications un peu partout. Ainsi l'origine d'un des marchés aujourd'hui les plus importants, celui de Piégut, localité située aux contins de la Charente, de la Haute-Vienne et de la Dordogne, nous est apprise par une phrase des registres d'état civil de la paroisse de Pluviers : « le 13 mai 1642, les premiers marchés ont commencé à Piégut, jour de mardy. »

Une inscription gravée à la pointe sur un pilier de la halle de Champagne nous avise que les « foires sont en ce bourg de Champagne de 1575 le 5 avril ».

Mais revenons aux foires de Savignac-les-Eglises, les seules dont nous ayons à nous occuper pour le moment.

Notre obligeant et laborieux vice président M. Dujarric-Descombes, veut bien nous communiquer la note suivante :

On appelait autrefois Savignac, « Savignac-les-deux-Eglises à cause de l'église de Saint-Christophe et de l'église paroissiale de Saint-Martin, qui se trouvaient aux deux extrémités du bourg.

On voit que dans les lettres patentes portant établissement de quatre foires à Savignac, deux devaient être tenues aux octaves des fêtes de Saint-Christophe et de Saint-Martin.

Savignac dépendait du marquisat des Bories. Charles de Saint-Astier, qui obtint de Louis XV la création desd. foires et marchés, était capitaine au régiment Dauphin-infanterie. Son ancêtre Forton de St-Astier est le premier qui ait pris, en 1454, la qualité de seigneur viguier de la paroisse de Savignac-les-deux-Eglises. Un de ses petits-fils, Geoffroi, qui avait quitté l'habit religieux pour embrasser la profession des armes, acquit en 1498 du seigneur d'Albret, dont il était un des hommes d'armes, la justice du bourg et paroisse de Savignac, qu'il unit ainsi à celles des paroisses d'Antonne et de Sarliac, précédemment acquises par son père, Jean, du même seigneur, le 4 décembre 1487. C'est sa mère, Jeanne d'Hautefort, qui a jeté les fondements du château des Bories tel qu'il existe aujourd'hui.

Dans un mémoire d'avocat du XVIIe siècle, non signé[8], il est dit, en effet, que « le 26 avril 1498, Jean d'Albret, roi de Navarre, en qualité de vicomte de Limoges, vendit à Geoffroi de Saint-Astier, seigneur des Bories, la paroisse de Savignac-les-deux-Eglises, avec toute la justice haute, moyenne et basse, les cens, rentes et autres droits en dépendant sous la réservation de l'hommage ».

Puis l'avocat passe à la vente de 1397, après transaction avec Henri de Saint-Astier. Son mémoire nous paraît présenter ici une lacune ; il ne nous dit rien d'une vente qui aurait été faite, le 13 juin 1514, par Jeanne d'Hautefort, veuve de Jean de Saint-Astier, écuyer, seigneur des Bories, et Jean de Saint-Astier, écuyer, son fils, à Geoffroi, seigneur baron de Beynac et de Commarque, de la justice et des rentes de la paroisse de Savignac, pour la somme de 1000 livres tournois[9] (2).

Ce contrat n'a-t-il jamais été exécuté ? Est-ce pour ce motif qu'il oublie de le citer?

Il nous rappelle bien qu'en 1589, Henri IV, roi de Navarre, successeur de Jean d'Albret, « voulut retirer les aliénations précédemment faites des paroisses d'Antonne, Sarliac et Savignac, les auteurs du sieur de Saint-Astier ayant été poursuivis à cette occasion, Sa Majesté commit, le 24 juillet 1593, le sieur Charron, lieutenant-général de Bergerac, pour terminer les procès intentés contre les acquéreurs ; et par transaction sur procès passée, le 8 juillet 1397, entre le dit sieur Charron, commissaire député, et Henri de Saint-Astier, il fut convenu que les dites paroisses d'Antonne, Sarliac et Savignac, demeureraient irrévocablement acquises audit sieur des Bories, à la charge d'en rendre hommage à Sa Majesté et à ses successeurs, comme comtes de Périgord el vicomtes de Limoges, à chaque muance de seigneur et de vassal.

« Le 4 décembre 1610, ces contrats et transaction furent ratifiés par arrêt du Conseil, et des lettres patentes en faveur de Jean et d'autre Jean de Saint-Astier et de leurs successeurs furent expédiées, pour qu'ils jouissent des dites terres sous la réservation de l'hommage dû à Sa Majesté. » (…)

Ferd. Villepelet.



[1] Jurades de la ville de Bergerac, publiées par M. Charrier, tome VII page 252.

[2] Bulletin de la Société, de juillet-août 1899, p. 308, et de septembre-octobre, p. 427.

[3] Voir le Livre Jaune de l'Hôtel-de-Ville de Périgueux, BB. 14, f° 111 et suiv. et f° 216 verso.

[4] Jurades de la ville de Bergerac, tome II, p. 70.

[5] Jurades de la ville de Bergerac, tome I, p. 311, 312 et 315.

[6]              id.           t. Ier, p. 321.

[7]       id.            t. Ier, p. 327 et 347.

[8] Fonds Saint-Astier à la bibliothèque de Périgueux.

[9] Pièce sur parchemin, dans le fonds Saint-Astier.

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