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Source: Bulletin SHAP, tome X (1883), pp. 284-292.

 

LETTRES ÉCRITES AUX SYNDICS ET CONSULS DE BERGERAC,

APRES   LA  PRISE  DE PÉRIGUEUX  PAR   LES  CATHOLIQUES, LE 26 JUILLET 1581.[1]

I

Messieurs les syndics et consuls de la ville de Bergerac.

 

Messieurs, je vous remercie très humblement de ce qu'il vous a pleu nous escripre et du soin qu'aves de nous en meilleure occasion, ne pourriez vous faire paroitre vostre amitié, bonté et piété envers personnes qu'envers une infinité de fugitifs, lesquels ont quasi miraculeusement eschapé le tranchant du couteau, de vous descrire la fasson, ce serait chose trop longue et qui ne se pourrait despeindre avec une rame de papier. Nous espérons aussi vous envoyer bien tost un de nos concitoyen qui vous instruira de tout; vous cognoitres alhors clairement dont provient la faute, car quoi que l'on veulhe desguiser la vérité, se trouvera que nous sommes perdus par la négligence de nos chefs, lesquels ont méprisés les advertissemens et par ce moyen réduit la pauvre esglise de Périgueux en un très lamentable estat, car la plus part sont aujourd'hui prisonniers et fort mal traités, les autres sont massacrés, comme M. Vigoureux, advocat du roy. Les autres tous en chemise, blessés et fugitifs par les chemins, ou les paisans les poursuivent à la batue. Dieu soit loué de tout, je ne saurai vous en représenter davantage sans les larmes ni sans vous supplier de nous estre aydants d'avertir le roy de Navarre tant des innocens que des misérables traittemens que nous recevons, principalement ceux qui sont entre leurs mains, afin qu'il plaise à Sa Majesté d'envoyer un gentilhomme d'honneur et de respect vers monsr le seneschal de Montardit qui est celui qui commande aujourd'hui à Périgueux, affin de faire taire la voix lamentable des femmes tant pour la considération des personnes que des biens. Cela sera bien fait, si vaut il myeux, Messieurs, l'entreprendre tôt que pas. L'excuse des exécuteurs nés autre si non que de dire que ce ne sont les habitans qui sont rentrés dedans leurs maisons là où ils ont libre accès et que pour cella nous ne sommes point à la guerre, et que les remontranses qui leur seront faittes serviront de quelque chose pour le soulagement des pauvres afligés lesquels, Messieurs, ont recours à vous et vous supplions très humblement nous entretenir vos grâces; Dieu vous rétribuera ce bienfait et je le supplie de vous tenir, Messieurs, en parfaite santé, très longue et très heureuse.

Votre très humble serviteur, Jean.

Juill. 1581.

Messieurs, nous vous supplions que nostre exemple vous fasse peur.

Payé 26 sols.

 

II

 

Messieurs les syndics et consuls de la ville de Bergerac.

 

Messieurs, nous vous avons cai jours passés escrit et supplié très humblement, que si l'occasion se présentoit d'advertir le roy de Navarre des extrêmes calamités ou sont réduits les pauvres habitants de Périgueux estant de la religion, qu'il vous plaise de le faire. Car après leur plus grand malheur qui est la dissipation entière de leur esglise, ceux qui sont demeurés enfermés dans les murailhes sont prisonniers, mal traictés pour en exiger ransson ; après avoir souffert pareilhe condition de ravage et pillage de tous leurs biens, que ceux qui ont reschapé ont esté les uns aux champs, les autres y sont aussi blessés, détenus prisonniers en divers endroicts, ni plus ni moins qu'au temps de la guerre. Brief, Messieurs, ceux de la religion en ce quartier sont si mal traictés, ce en leur personne et ce en leurs biens, qu'ils ne savent plus que faire ni que dire, et sans la faveur de trois maison de gentilshommes de la religion, ils seraient tous exposés à la rage de nos ennemis, mesme des païsans qui sont assemblés de toutes pars. Nous vous supplions que cela vous touche le cœur pour nous ayder de vos remonstrances et sollicitations, d'y demander justice veu la contravention manifeste de l’édict de pacification. Nous vous envoyons aussi la copie de l'exécution de la reprinse de Périgueux, laquelle un gentilhomme de ce pais nous a promis denvoyer au roy de Navarre, afin que vous connaissiez avec lui et tous ceux des esglises de France avec vous, combien nous sommes innocens d'une si détestable entreprinse et exécution qui ne doit estre imputée que sur l'insuffisance de ceux qui avoient la ville à garder; lesquels tant qu'ils ont fait l'office de cappnes sen sont bien acquittés, mais deslhors qu'ils ont voulu faire le gouverneur ils ont tout perdu. Dieu par sa miséricorde veuille réparer leur faute et vous veuille prendre,

Messieurs, en sa très sainte et digne garde et nous maintenir en vos bonnes grâces. De la faille ce premier août 1581.

Vos très humbles et affectionnés serviteurs,

Les reffugiés.

Messrs, nous vous supplions de croyre ce qui est porté par escrit.

Payé 26 sols.

III

 

Messieurs les consuls de la ville de Bergerac.

 

Messrs les consuls, voyant que les cappnes et soldats que estoient establis par le roy monseigneur et suivant l’édit de pacification en la ville de Périgueux, à la surprinse de laquelle il ont esté contraincts de se sauver, sont maintenant privés de leurs demeures et les fault faire tenir en certain lieux, en attendant le rétablissement ou qu'aultrement en ayt été ordonné par le roy monseigneur, je leur ay pour vostre occasion permis d'aller se loger a lentour et aux environs dudit Périgueux. A ceste cause, je vous ay bien voullu escripre la présente pour vous prier d'adviser le lieu ou ils se pourront commodément loger et vivre avec la moindre foulle et au plus grand soulagement que faire se pourra, comme je leur ay ordonné de ce faire et m'asseurant que vous y employerez et leur ferez en cela toute la faveur dont ils auront besoing. Ne la feray plus longue que pour prier Dieu, Messrs les consuls, vous avoir en sa saincte garde. Nerac, ce 2e jour d'aoust 1581.

Vostre bon amy, Henry.

8lt 7 sols.

IV

Messieurs les consuls de la ville de Bergerac.

Messrs les consuls, jay esté bien ayse dentendre vos bonnes volontés et affection à la conservation de vostre ville et que vous ayez l'œilh ouvert à vous garder de trahisons qui sont aujourd'huy trop fréquentes parmy les nostres. Celle qui a esté comise à Périgueux est fort reprouvée et condempnée par le roy monseigneur, duquel j'ay aujourd'huy reçu lettre du premier de ce mois par laquelle il m'asseure qu'il y fera faire justice rigoureuse pour monstrer combien il désire faire parfaitement observer son édit de pacification, pour lequel il me mande qu'il envoyera par de ça les srs de Matignon et de Bellieure et les fera partir le douzième de ce mois, dont je suis bien ayse, tant il désire voir la paix bien establye, estant délibéré d'attendre ce bien en toute patience à laquelle je vous pris aussy de vous disposer sans souffrir et consentir qu'il se remue rien de delà au préjudice d'icelle, et priant que Dieu nous en donnera une heureuse yssue, comme je l'en supplye, et vous aye, Messrs les consuls, en sa sainte garde. De Nerac le 10 août 1581.

Vostre bien affectionné amy, Henry.

18 lt

Plus à M. Laforcade 4lt 10 sols.

V

Messieurs les sincdics et consuls de Bergerac.

 

Messieurs, suyvant la charge qui vous a pieu me bailler, je présente au roy de Navarre vos lettres, lesquelles ayant esté lues par Sa Majesté, feust dit qu'il vous falloit faire bonne garde, allendut l'arrivée de messeigneurs de Matignon et Bellieure, qu'on spère estre sur lassurance que le roy en baille par ses lettres dans le vingtième du présent moys, pour estre faict justice de la prinse de Périgueux au contantement dudit sire roy de Navarre. Les nouvelles de deçà sont que les affaires de Flandre saccorden au souhait de monseigneur, lequel on tâche de marier avec la fille du roy d'Espaigne ou avec la fille du duc de Lorraine, et ce pour le dezarmer, a quoy toutesfois il ne veut entendre. Larmée de monseigneur le duc du Mayne s'achemine du cousté du Languedoc soubz couleur de vouloir attaquer par ces quartier la Lespaignol. Mais lon craints que soit a austres fins ; lon ditz les Sgrs de Lesdiguière et de Blaccon auraient esté gaignez par ledit sr du Mayne. Le roy de Navarre despêcha dez hier ung courrier pour faire advanser messeigneurs de Maison et de Bellieure, lesquels, si tiennent une moitié de leurs promesses, comme j'ay entendu, réparation sera faicte du faitt de Périgueux a future mémoire, pour lequel faict et poursuite d'icelles. Je demeurerai par de ça à mon possible, et de ce que j'apprendrai vous en informeré par les premiers que trouvère allant par delà et en tems ce quil vous plaiera me commander vous servir daussi bon cœur que prie Dieu ,

Messieurs en sauté vous donner longue et heureuse vie. De Nerac ce 15 septembre 1581.

Votre très humble et affectionné serviteur,

Fayard.

N. B. — Le dernier courrier qui est arrivé en ceste contrée asseure la délivrance de monseigneur de Turenne[2] et que pour luy et un ou deux monseigneur on a baille quatorze, et les autres de sa troupe ont été aussi délivrés ung pour ung.

22 lt 10 sols. Rendu 8 lt 6 s.

 

VI

 

Messieurs les consuls de la ville de Bergerac.

Messrs les consuls, s'en retournant de par delà, Fayard, présent porteur, il vous dira les instantes poursuites que j'ay faict par plusieurs despéches au roy monseigneur pour Périgueux et les asseurances que Sa Majesté me donne d'y pourvoir par l'ordre de Matignon et Bellieure, et pour ce qu'ils se doibvent rendre au vingtième de ce mois à Bourdeaulx. Il est de besoing de patienter jusques à leur venue. Cependant je suis d'advis, tant pour les apparentes actions et les déportemens que nos adversaires tesmoignent en plusieurs et divers endroicts contre nous, qu'avec les doubles et deffiances que vous avez des circonvoysins et d'aulcuns perfides qu'ils ont parmy vous, vous preniez soigneusement garde à votre conservation pour éviter le malheur et inconvénient dont vous estes menacés, sans toutefois attanter aulcunes choses qui vous puisse estre imputée à contrevention de l'ecdit, ainsi que j'ay donné charge audit Fayard de vous faire plus amplement entendre, sur lequel me remettant, prieuray Dieu, Messrs les consuls, vous avoir en sa saincte garde.

Nerac, le 16e jour de septembre 1581.

Votre bien affectyonné amy, HENRY.

28lt 12 s. Rendu : 6 lt 2 s.

VII

Les catholiques cherchèrent aussi à s'emparer de Bergerac, comme le constatent la lettre ci-dessous et plusieurs billets d'avertissement :

 

A monsieur Bordat, ministre de la parolle de Dieu à Bergerac.

 

Monsr, a ce soir jay esté advertis que lon a entendu à Périgueux quon menasse fort votre ville, mesme lon disoit que la première entreprise a esté descouverte, mays il y en a une autre qui sexecutera bien tost. Je prie Dieu vouloir rompre leurs mauvais desseins et vous assister. Je désirerais bien estre si heureus que par mon advertissement leurs mauvais desseins soient rompus. Je suis au service de Messieurs de Bergerac et de vous particulièrement, par ce, vous ferez tous estat de moy, saluant vos bonnes grâces de tous de mes plus humbles recommandations, priant Dieu,

Messieurs, vous donner en saincte heureuse et longue vie.

De la Fonthade, 6 août 1581.

Vre obéissant à vous faire service ,       de Merins.

Compté 20 sols.

VIII

 

Billets avertissant qu'une entreprise doit avoir lieu contre Bergerac :

 

Messieurs, il est tout asuré qu'il hia plus de sinc sens chevaus dassembles pour exécuter avec, une entreprise, e se doit fere sete nuit ; Ion se doute que se set Bragerac. Je vous suplie les avertir e crenies que sela et trop sertein, car toutes les forses du cors y sont ; vous i penseres sil vous plet, e prie Dieu vous tenir en sa garde.

Croies quil se doit exsecuter sete nuit

 

Sans date et sans signature. (Payé 14 sols).

IX

Messieurs nous avons veu celle que nous avez escripte par ce porteur, et pour vous assurer de ce que vous pouvez faire estat de nous, cest que monsieur de Beuvron a promis qu'il se rendra devers vous au besoing (Dieu aydant) avec huit cuyrasses et quarante arquebuzes. Messieurs, que nous prions le Seigneur Dieu qu'il vous veuille maintenir en sa garde.

D'yssigeac ce 20 septembre.

Vos bons fidèles et amys pour vous servir.

Payé 8 sols.

LAFON

et deux signatures illisibles.

X

Au point de vue de l'histoire générale de l'époque, les lettres suivantes peuvent avoir de l'intérêt :

Messieurs les consuls de la ville de Bergerac.

 

Messrs les consuls, m'estant acheminé en ceste ville de Saint-Mexan pour avoir ce bien de conférer avec la Royne mère de monseigneur, je vous ay voulu advertir de la ferme résolution que j'ay prinse de ne passer plus oultre bien quelle eust désiré, a ce quelle ma escrit, que jeusse donne jusques à Champigny en la maison de mon oncle monseigneur de Montpancier.

j'ay envoyé vers elle le Sr de Lesignan pour lui faire mes excuses de ce que je ne puis aller sy avant, ayant une si belle et grande troupe de noblesse près de moy, avec mon oncle monsr de Rouan et mon cousin monsr le comte de la Rochefoucault. J'espère que Sa Majesté me fera ceste faveur, si sa santé le peut permettre, de venir jusques icy et que notre entrevue apportera beaucoup de fruit à l'entier establissement de la paix au préjudice de laquelle je vous prye tenir la main, qu'il ne soit rien atanté aux anvyrons de vous à non soing de votre conservation. Me doner advis de ce qui pourrait survenir important le service du roy monseigneur le bien de es subjetz et notre particulière sûreté et faire toujours estat de la bonne volonté de celuy qui prye pour vous le créateur, Messrs les consuls, vous avoir en sa garde.

De Saint-Mexan, ce 18e mars 1582.

Vre byen assuré amy, Henry.

 

Faites tenir la lettre que j'écry au Sr de Campanyac. Payé 18 sols.

 

XI

 

Le refus d'Henry d'aller trouver la reine mère, donnait des craintes à ceux de Bergerac. Les consuls reçurent le billet suivant :

 

Messieurs, de tant qu'il court quelque bruit soupsoneux à cause que le roy de Navarre s'est retiré de Senmesan (St-Maixent) sans vouloir aller parler à la Royne mère, et pluzieurs présupozent a cause de ce quil i aura quelque remuement, ce que je ne puis croyre toutesfois, sil i avait quelque chose de mauvés, vous prie men advizer le plus diligemment que pourrés, affin que je puisse pourvoir aux afferes, et si jentens quelque autre chose, je le vous feré entendre. Je ne puis croyre de ce prévoyant que les choses ne tendent a ce point.

Sans date et sans signature.

Payé 18 sols.

 

XII

 

Le roi de Navarre répondit aux consuls qui lui avaient fait part de ces craintes, la lettre ci-dessous :

A Messieurs de la ville de Bergerac.

 

Messrs, j'ay receu vos lettres et advis que me donnez, suyvant lesquels je prendray soigneusement garde que nos ennemys nexecuten aulcune entreprince sur nous, comme il leur seroyt malaysé sans grand hazard, estant en lieu et en sy bonne compaignie, que moyennant la grâce de Dieu, ils y recouvreroyen de la honte. Je ne méprise aucun advertissement et me ferez plaisir de continuer ceux que vous trouverez certains. Et quand a vos articles, je me remettray à la response que j'ay faicte sur chacun diceulx pour prier Dieu, Messieurs, vous avoir eu sa garde.

 

De St-Mexan, le XXIIII jour de mars 1582.

Vre bien bon amy, Henry.

Payé 19 sols.

 

En marge de la lettre de Fayard plus haut citée, il est parlé du rachat de M. de Turenne; j'ai trouvé une lettre de Mme de Salaignac à Mme des Bories, dans laquelle il est parlé en ces termes de la capture de M. de Turenne :

 

Monsieur de Turenne estant commandé de Monsieur d'aller donner dans Cambray, print 70 gentilhommes avec lui qui rencontrèrent 200 lanciers qu'ils ouvrirent et escartèrent, et passant outre et à 500 pas de Cambray, en trouvèrent 400 qu'ils combatirent merveilleusement, et sans le cheval de M. de Turenne qui fut tué, ils fesoient la plus belle chose qu'il est possible. - Lors il fut pris et MM. de Neufvic, de Chouppes, de la Villate et de Lussac sans qu'il fut blessé, grâce à Dieu. Le jeune Tursac fut blesse et depuis mort à Cambray. Chaussenejou y est blessé, mais hors de danger. — Mondit fils se remit au capitaine Maisonblanche a nous particulariser plus amplement; il mande que M. de Turenne et ceux qui sont prisonniers avec luy sont entre les mains du prince de Parme, qui a asseuré à M. de Belieure qu'il feroit à M. de Turenne toutes les courtoisies qu'il seroit possible et le traiteroit comme son frère et les mettroit tous à rançon, etc., etc.

Pour copie conforme DUPUY.



[1] Archives de Bergerac. L( ??) n° 82.

[2] M. de Turenne avait été fait prisonnier devant Cambrai.

 

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